Sans compétence, sans objectif défini, sans cas d’usage concret, l’IA agentique ne fera pas de miracle. Alors que l’IA agentique est annoncée comme la prochaine révolution technologique, 40 % des projets risquent d’être abandonnés d’ici 2027 (source Gartner). Pourquoi ? Parce que trop d’entreprises se lancent sans les bases techniques ni les cas d’usage concrets. De plus, les LMs, aussi puissants soient-ils, restent sujets à des hallucinations, un problème que la sortie de GPT-5 n’a pas su résoudre. Décryptage.
Une contribution de Grégory Guichard, expert technique IA pour BoondManager
Contrairement à ce que laisse entendre le discours ambiant, toutes les entreprises ne sont pas prêtes à tirer parti des IA agentiques. Non pas faute de volonté, mais faute de conditions réunies. Loin d’être un simple copilote dopé à l’IA, un agent nécessite un environnement technique exigeant, des compétences pluridisciplinaires rares et une stratégie d’adoption robuste. À cela s’ajoute une contrainte technologique majeure : les LLMs, bien que puissants, restent sujets à des hallucinations. La sortie de GPT-5 l’a encore confirmé, prouvant que ce phénomène persistera dans les prochaines générations de modèles.
IA agentique : de quoi parle-t-on vraiment ?
Une IA agentique ne se contente pas de produire du texte ou d’analyser des données. Elle prend des décisions itératives, appelle des API, adapte son comportement en fonction des retours de l’environnement.
Ce fonctionnement en cascade (perception, action, adaptation) implique une orchestration complexe. Chaque action dépend des précédentes. Chaque erreur peut impacter l’ensemble de la chaîne. C’est un système dynamique, qu’il faut concevoir, superviser et fiabiliser.
Un cadre d’usage strict, seul rempart contre les hallucinations
Dès lors, le succès des IA agentiques dépend d’un cadre d’usage strict, dans lequel la production automatisée est compensée par une vérification rapide et peu coûteuse pour l’humain. Ce paradigme est indispensable pour éviter les dérives, limiter les erreurs critiques et assurer une adoption pérenne.
Parmi les scénarios réellement pertinents aujourd’hui, on retrouve :
- Le résumé d’informations sur des sujets connus ou à partir de sources pré-validées ;
- L’agrégation de données issues de logiciels métiers complexes ;
- La reformulation ou structuration de contenus existants ;
- La suggestion d’idées ou d’actions contextualisées ;
- La rédaction de mails personnalisés ;
- L’exécution de tâches multiples vérifiables, avec intervention humaine (par exemple via des pop-up de confirmation).
Ces cas d’usage exploitent efficacement les capacités des LLMs tout en intégrant des garde-fous indispensables. Ce respect du cadre : usage vérifiable, contrôle humain, valeur ajoutée claire est une condition fondamentale du succès de tout projet IA agentique.
Les désillusions et fausses promesses de l’agentique
Ces garde-fous ne suffisent toutefois pas à lever tous les obstacles. Car au-delà des usages bien cadrés, la mise en œuvre concrète d’une IA agentique dans un environnement métier révèle de nombreuses limites techniques et organisationnelles. Trois piliers techniques sont indispensables :
- Une architecture logicielle adaptée, capable de supporter des itérations multiples, de gérer les dépendances entre actions, de capturer et restituer un contexte fiable.
- Des compétences pluridisciplinaires : il faut réunir ingénierie logicielle, data science, orchestration IA, mais aussi expertise métier. Une configuration encore rare dans beaucoup d’organisations.
- Des outils et interfaces pensés pour l’agent : aujourd’hui, les API sont conçues pour des humains ou des programmes déterministes. Une IA doit naviguer dans une jungle d’options, souvent mal documentées, inadaptées à son fonctionnement.
Et ces défis techniques ont un prix. Les agents IA consomment beaucoup de ressources : appels API nombreux, traitement de gros volumes de données, contextes longs à manipuler. En environnement de production, les coûts d’exécution peuvent exploser.
Le plus grand risque, aujourd’hui, n’est pas technique mais stratégique. De nombreuses entreprises se lancent dans des projets IA agentiques sans ROI identifié, sans cas d’usage clair, et sans conduite du changement. Le résultat est connu : incompréhension, adoption faible, projets abandonnés. Le cabinet de conseil Gartner estime d’ailleurs que 40 % des projets IA agentiques actuels échoueront d’ici 2027. Non pas parce que la technologie est mauvaise. Mais parce qu’elle est appliquée dans de mauvaises conditions.
Adopter une IA agentique, c’est comme recruter un collaborateur hautement qualifié : il faut lui fixer un cadre clair, lui offrir les bons outils, et surtout, savoir à quel moment reprendre la main. Ce n’est qu’en respectant un paradigme strict que cette technologie peut tenir ses promesses. Renoncer à l’IA agentique ? Absolument pas. Mais pour qu’elle devienne un levier de performance, trois conditions sont indispensables : des cas d’usage précisément définis, une orchestration technique maîtrisée, et un modèle économique viable. Loin des effets d’annonce, l’IA agentique appelle méthode, rigueur et lucidité. C’est à cette seule condition qu’elle transformera durablement l’efficacité des entreprises.
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