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Cornucopia, quand Björk convoque le futur

À Cannes, le Humann Prize présente le film-concert le plus intime de l’artiste islandaise, œuvre totale entre pulsation organique, cri écologique et poésie visuelle.

 

Un article issu du hors-série Sustainability.

 


Il est des œuvres qui ne se contentent pas de faire spectacle : elles creusent un sillon dans la mémoire du monde.

Cornucopia, de Björk, appartient à cette espèce rare d’art total, où le corps devient instrument, le son, matière vivante, et la scène un sanctuaire.

Conçu comme le projet le plus intime et ambitieux de la chanteuse islandaise, Cornucopia a d’abord été un concert-monument, une tournée de cinq ans entamés en 2019.

Le 22 mai à 20 h, ce moment suspendu s’incarnera à l’écran au Festival de Cannes. Le Humann Prize présentera, dans le cadre de la 10e Semaine du Cinéma Positif, la projection exceptionnelle du film-concert Cornucopia au Cinéum Cannes.

Réalisé par Ísold Uggadóttir, ce film ne se contente pas de capter un spectacle : il en conserve l’âme. Avec une sensibilité rare, il restitue la totalité de la performance scénique et son pouvoir de fascination, sublimés par les visuels organiques de James Merry, codirecteur créatif de Björk, et les animations immersives signées Tobias Gremmler.

Le résultat : une expérience audiovisuelle à la fois spectaculaire et sensorielle.

Une fusion. Un message. Une symphonie pour un monde blessé. Tout commence dans l’ombre, à peine déchirée par les voix de la chorale de jeunes Islandais Hamrahlid, que Björk considère comme sa famille musicale. Puis, les lumières montent, réfractées par des écrans mouvants, des rideaux de sons et des instruments inventés pour l’occasion – flûtes circulaires, harpes numériques, chambres de réverbération. Le théâtre s’efface et ce qui surgit est un écosystème sonore. Tirant la sève de ses albums Biophilia, Vulnicura, Utopia et Fossora, l’artiste tisse un récit profondément organique, où l’intime se mêle au politique, où la mémoire du deuil devient terrain d’éclosion pour des visions nouvelles. Au cœur de la scénographie, la voix de Greta Thunberg, projetée à la manière d’un oracle, vient rappeler que cette œuvre n’est pas seulement une offrande esthétique : c’est un appel.

Car ce que Cornucopia offre, ce n’est pas une réponse, c’est une tension. Une lente montée vers une idée de l’avenir, où la nature ne serait plus sacrifiée, mais célébrée. Une proposition de réconciliation. Dans ce monde saturé d’écrans froids, Cornucopia surgit comme un contre-sort, une invocation vibrante, presque chamanique. C’est l’œuvre d’une artiste qui ne cherche pas à briller, mais à éclairer, à soigner, à transmettre.

 

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À l’image de Björk elle-même – libre, insaisissable, radicale –, Cornucopia échappe aux formats, traverse les disciplines et redéfinit les contours de ce que peut être un concert, un film, un manifeste.

Le choix de le projeter à Cannes avec le Humann Prize, dans le cadre de la Semaine du Cinéma Positif, n’a rien d’anodin. Il résonne comme une évidence : la voix de Björk comme un écho lancé au futur, l’art comme pulsation du vivant.

Dans un monde qui vacille entre urgence climatique et épuisement moral, Cornucopia nous rappelle que l’art n’est pas un refuge : c’est une traversée. Et parfois, une renaissance.

 


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