Militante engagée, Arizona Muse lutte pour une mode plus durable. À travers ses actions, notamment via son association Dirt Charity, elle dénonce la fast fashion et promeut des alternatives éthiques et écoresponsables. Son combat : prouver qu’on peut s’habiller avec style sans nuire à la planète ni aux droits humains.
Un article de Rosalie MANN, issu du numéro hors-série Forbes Sustainability
Vous êtes l’une des figures les plus influentes dans la promotion de la mode durable. Quel a été le déclic qui vous a poussée à faire de la mode responsable votre mission personnelle ?
Arizone Muse : Merci de le dire. J’ai en effet mis tout mon cœur, mon âme et mon intellect dans ce travail de plaidoyer, donc je suis très touchée par cette reconnaissance. Le déclic a eu lieu quand j’ai réalisé que je ne savais même pas d’où venaient les vêtements. Après quelques recherches, j’ai découvert que la mode commence dans le sol, avec des agriculteurs qui cultivent le coton, la soie, et élèvent des animaux pour la laine et le cuir. Ces matières premières peuvent soit nourrir les sols, soit les appauvrir, selon la façon dont elles sont produites. Cette prise de conscience m’a poussée à créer l’association Dirt en 2021, pour traiter le lien entre la mode et la santé des sols.
L’industrie de la mode est l’une des plus néfastes pour l’environnement. Si vous deviez identifier les trois plus grandes menaces qu’elle représente pour la planète, quelles seraient-elles ?
A.M. : 1. La pollution – elle est due aux produits chimiques agricoles utilisés pour cultiver les matières premières, mais aussi aux substances toxiques utilisées pour traiter les textiles.
2. L’exploitation – Les ouvriers de la chaîne d’approvisionnement sont souvent sous-payés et travaillent dans des conditions inhumaines.
3. La surproduction – Nous fabriquons bien plus de vêtements que nécessaire. Réduire la production à un niveau durable est essentiel pour préserver les ressources de la planète.
Le terme « durable » est souvent galvaudé dans l’industrie de la mode. Comment différencier une marque réellement engagée d’une marque qui fait du greenwashing ? Quels sont, selon vous, les critères les plus fiables ?
A.M. : Je commence toujours par lire l’étiquette d’un vêtement. C’est important de savoir quelles matières il contient. Mais attention, les étiquettes ne mentionnent pas les produits chimiques ou les teintures utilisés. Il faut légiférer pour obliger les marques à lister chaque substance utilisée. La transparence est la clé.
Le greenwashing est omniprésent, car beaucoup de marques font des promesses sans validation indépendante. Chez Dirt, nous avons choisi de travailler avec Demeter, un organisme de certification indépendant dans l’agriculture et les chaînes d’approvisionnement. Nous créons de nouvelles normes textiles pour toutes les matières premières naturelles, avec une chaîne certifiée qui régénère activement la planète. Vous pouvez soutenir ce mouvement en faisant un don à Dirt, ou, si vous êtes une marque, en vous engageant à utiliser des matières premières certifiées Demeter.
La fast fashion repose sur des coûts de production extrêmement bas, souvent au détriment des travailleurs et de l’environnement. La mode durable peut-elle devenir accessible à tous, ou restera-t-elle un luxe réservé à une élite ?
A.M. : Comme pour l’alimentation, il faut comprendre qu’un vêtement « trop bon marché » a un coût énorme, pour les gens et pour la planète. Un vêtement de qualité demande du temps, des ressources et une rémunération équitable.
Cela dit, la mode de luxe affiche souvent des marges exorbitantes, bien au-delà du coût réel des matières ou de la main-d’œuvre. Il faut trouver un juste équilibre : traiter les gens et la nature avec respect, permettre aux entreprises de faire un bénéfice raisonnable (mais pas excessif), et globalement acheter moins mais mieux.
Les microplastiques présents dans les vêtements synthétiques inquiètent de plus en plus. Peu de consommateurs savent que chaque lavage libère des microplastiques dans l’eau, et même chaque port libère des particules dans l’air. Comment réduire cet impact ?
A.M. : Personnellement, je n’achète jamais de vêtements en matières synthétiques. On n’en a pas besoin, ce n’est pas l’avenir. Les matières naturelles, si elles sont produites de façon responsable, peuvent être compostées à la fin de leur cycle de vie, à condition qu’elles n’aient pas été traitées avec des produits toxiques. C’est cela notre objectif : que tous les vêtements puissent retourner à la terre, nourrir la planète au lieu de la polluer.
De plus en plus de créateurs expérimentent des alternatives aux fibres synthétiques, comme les textiles à base de champignons, d’algues ou de cellulose régénérée. Ces innovations représentent-elles l’avenir de la mode selon vous ?
A.M. : Je suis toujours enthousiasmée par ces innovations à base de matériaux naturels. Par exemple, les champignons sont un incroyable matériau, et cultiver des algues pour en faire des textiles peut même régénérer les côtes. Si les marques orientent leur budget d’approvisionnement vers ces matières régénératrices, on peut construire un système qui profite à la fois à l’environnement et à l’industrie. C’est gagnant-gagnant.
Vous avez dit que la mode a le pouvoir unique d’inspirer des millions de personnes. Selon vous, comment la mode peut-elle devenir une véritable force de transformation planétaire ?
A.M. : Nous portons tous des vêtements, non ? Imaginez si, chaque fois que l’on s’habille, on contribuait à la régénération des sols, le monde changerait du jour au lendemain. La mode a une influence culturelle immense. Si on mobilise ce pouvoir pour un impact environnemental positif, on peut changer les mentalités et réinventer toute l’industrie.
Vous avez pris la parole dans de nombreux événements internationaux sur le climat etl’industrie textile. Quelle est la question que vous aimeriez que l’on vous pose plus souvent dans ces discussions ?
A.M. : Je voudrais que l’on reconnaisse le sol comme une solution climatique majeure. Un sol sain est essentiel pour la biodiversité, la pureté de l’eau, la prévention des incendies, l’alimentation et la production textile. Mais il reste négligé dans les discussions climatiques dominées par le carbone. Or, le carbone atmosphérique se régulera naturellement si nous passons à une agriculture régénérative.
Enfin, quelle action concrète et immédiate chaque individu peut-il faire dès aujourd’hui pour soutenir une mode plus éthique et durable ?
A.M. : Soutenez Dirt Charity. Nous agissons à la racine du problème, littéralement. Vous pouvez rejoindre notre programme d’ambassadeurs, ou, si vous êtes une entreprise, participer à notre initiative « Tip the Earth ». Rejoignez notre communauté et aidez-nous à générer un changement systémique et réel.
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