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Ciryl Gane, de l’octogone au business

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Ciryl Gane, de l'octogone au business

Il a 34 ans, pèse 112 kg et mesure 1,93 m. Celui qu’on appelle « Bon Gamin » dans le milieu, pour sa jovialité et sa sérénité contrastant avec la violence de sa discipline, entend bien marquer l’histoire des poids lourds de l’UFC, ligue américaine de MMA (arts martiaux mixtes) la plus prestigieuse au monde. Ciryl Gane incarne une nouvelle génération de sportifs entrepreneurs, capables de briller dans l’octogone tout en se construisant un avenir solide dans le monde des affaires. Rencontre avec un combattant pour qui chaque obstacle est une opportunité de grandir (et de se faire plaisir).

Un article issu du numéro 30 – printemps 2025, de Forbes France

 

Quel a été votre parcours avant de devenir champion de MMA ?

CIRYL GANE : J’ai grandi à La Roche-sur-Yon, en Vendée, dans une famille modeste. Mon père est originaire de Guadeloupe et ma mère est française. Ils travaillaient dur : mon père a été ouvrier, conducteur de car et même maçon. Ma mère, elle, a travaillé dans une usine de confection avant de se reconvertir dans les services à la personne. La délocalisation industrielle a bouleversé son secteur et j’ai grandi avec cette réalité. Mon père, qui était aussi un sportif passionné, jouait au football en semi-professionnel. C’est lui qui m’a initié au sport. J’ai touché un peu à tout : du football au basket, que j’ai pris très au sérieux à 14-15 ans. Mais entre les études (j’ai fait un BTS commercial en alternance) et le travail, j’ai dû arrêter de jouer en club le week-end. Puis, à 24 ans, j’ai découvert la boxe thaï, et pour la première fois, je me suis lancé corps et âme pour devenir professionnel. Cinq mois après mes premiers entraînements, je montais déjà sur le ring. Trois ans après, je devenais double champion de France.

Pendant l’été 2021 à Houston au Texas, après neuf victoires d’affilée en MMA dont six à l’UFC, je suis devenu le premier Français champion intérimaire des poids lourds de l’UFC [challenger naturel du champion du monde] en battant Derrick Lewis par KO technique.

 

Vous avez commencé les sports de combat relativement tard. Comment expliquez-vous cette ascension fulgurante ?

C.G. : C’est vrai que j’ai commencé tard, mais ça m’a permis d’arriver avec une certaine maturité. En 2017, après un licenciement économique, j’ai décidé de m’entraîner comme un athlète de haut niveau. À l’époque, ma femme était tombée enceinte de notre première fille et l’on vivait dans un studio. Ce n’était pas la meilleure situation pour prendre un tel pari, surtout que l’UFC n’avait pas encore la même importance qu’aujourd’hui, ni en termes de visibilité ni en termes de revenus. Nous avons dû nous débrouiller pour trouver des sponsors, gérer les finances nous-mêmes.

Puis j’ai eu la chance de rencontrer Fernand Lopez, mon coach à la MMA Factory, qui m’a tout de suite pris sous son aile. Dès mes débuts, j’ai combattu des adversaires que je n’étais pas censé battre, sur le papier. Mon succès, je le dois à plusieurs choses : ma mentalité, mes qualités physiques et surtout, ma compréhension du sport. J’ai toujours aimé analyser, comprendre et ça m’a aidé à progresser rapidement. Honnêtement, le choix du MMA n’était pas prémédité. J’ai toujours aimé les défis, je ne recule pas devant l’inconnu. Quand j’ai commencé, le MMA n’était même pas légalisé en France, ce qui rendait l’avenir incertain.

 

Vous parlez souvent de l’échec comme d’une force. Quelle place a-t-il dans votre parcours ?

C.G. : L’échec fait partie du jeu. Dans le sport comme dans la vie, on ne peut pas toujours gagner. J’ai perdu deux combats en MMA, contre Francis Ngannou et Jon Jones, qui sont des légendes du milieu. Ces défaites m’ont appris énormément. Je n’ai jamais eu peur de l’échec, parce que je sais que c’est une opportunité pour grandir.

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Mais j’ai aussi à titre personnel traversé des moments vraiment compliqués qui ont mis ma carrière en danger. Lors de mon deuxième combat en MMA, j’ai eu une perforation pulmonaire et une luxation du gros orteil. Quelques mois plus tard, c’est arrivé une deuxième fois, ça m’a conduit à une opération lourde dans un hôpital militaire. Ce qui devait être une intervention classique s’est compliqué : les médecins ont découvert un staphylocoque doré dans mes poumons, puis d’autres germes infectieux. J’ai été alité pendant un mois entier, branché de partout, sous antibiotiques très puissants. J’ai perdu une quinzaine de kilos, je n’arrivais même plus à monter cinq étages.

 

Avez-vous envisagé d’arrêter à ce moment-là ?

C.G. : Honnêtement, oui. Je me suis demandé si c’était la fin. Je pensais à reprendre un boulot classique pour subvenir aux besoins de ma famille. Mais en même temps, cette idée de renoncer ne me ressemblait pas. Malgré les doutes, je me suis accroché. Je suis reparti de zéro, avec une condition physique catastrophique, mais avec la mentalité qu’il fallait pour rebondir. Ces épreuves m’ont appris une chose : dans le sport comme dans la vie, il faut savoir transformer les échecs en force.

 

Quel parallèle faites-vous entre le sport et l’entrepreneuriat ?

C.G. : Les deux demandent de la résilience, de la discipline et une capacité à se relever après un échec. Quand j’ai commencé, on gérait tout nous-mêmes avec mon coach : les sponsors, ma visibilité, et même une partie de la stratégie commerciale. On était un peu comme une start-up ! Ce que j’ai appris, c’est qu’il faut être polyvalent, savoir s’adapter et toujours anticiper les coups durs.

 

Et dans l’autre sens, que peut apporter le sport au monde entrepreneurial ?

C.G. : Le sport de haut niveau apprend à mieux se connaître, à gérer la pression et à avoir une vision claire de ses objectifs. C’est essentiel dans l’entrepreneuriat. Mon conseil aux jeunes entrepreneurs serait de ne pas avoir peur du « KO économique ». L’échec peut être une force si on apprend à en tirer des leçons.

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Votre parcours montre une vraie capacité à rebondir. À quel moment avez-vous décidé de vous diversifier ?

C.G. : L’envie est venue assez tôt dans ma carrière, notamment parce que je savais que les gains en MMA, surtout au début, étaient loin d’être suffisants pour garantir une sécurité financière sur le long terme. En France, le sport-business n’a pas la même culture qu’aux États-Unis. Très vite, j’ai compris que je devais anticiper l’après-carrière et ne pas me contenter des revenus du combat. Au départ, je me suis formé tout seul, notamment sur les réseaux sociaux, pour gérer mon image et trouver des sponsors. Ensuite, avec l’aide de mon frère, qui a une expertise en finance, j’ai commencé à investir dans des start-up, notamment dans la sportstech, et à m’intéresser au capital-risque. Aujourd’hui, j’ai plusieurs tickets dans des start-up en phase « early stage » et dans des fonds de venture capital. J’ai aussi quatre investissements immobiliers à mon actif.

 

D’autres projets en dehors de l’octogone ?

C.G. : Je suis aussi impliqué dans l’Ares Championship, une ligue de MMA, numéro 1 en France, que j’ai cocréée et dans laquelle je suis resté actionnaire minoritaire après le rachat par Trail Capital. Nous avons de grandes ambitions pour professionnaliser encore plus ce sport, que ce soit en France ou à l’étranger. Je prends également des cours d’acting, j’ai tourné mon premier film d’action en tant qu’acteur principal. Celui-ci devrait sortir en 2025. C’était une expérience incroyable, un univers totalement différent qui me motive beaucoup. En parallèle, je m’investis dans la création d’un family office avec des projets variés. On envisage notamment de monter une société de production et d’en ouvrir le capital. L’idée est d’accompagner des projets ambitieux tout en faisant rayonner les valeurs que je défends, que ce soit dans le sport ou ailleurs.

 

Vous semblez toujours en quête de nouveaux défis. Quel est votre moteur dans tout cela ?

C.G. : Mon credo, c’est le plaisir et la bagarre. Que ce soit dans l’octogone, en entrepreneuriat ou dans d’autres projets, j’aime me dépasser, relever des défis et créer quelque chose qui a du sens, mais toujours avec de bonnes valeurs. Je pense que, comme dans le sport, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes, saisir les opportunités et surtout ne jamais avoir peur de l’échec. C’est ce qui me permet de continuer à avancer, dans le combat comme dans la vie.

 


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