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Se sentir important au travail : une nécessité, pas une option

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Source : Getty Images

Le sentiment d’importance au travail ne relève pas du confort. Il est vital. Quand on passe une grande partie de sa vie active à se sentir invisible, remplaçable ou inutile, les répercussions sont profondes — sur notre engagement, notre santé mentale et notre estime de soi.

 

« Honnêtement, si on me remplaçait demain, ça ne me dérangerait pas. Mon manager ne remarque même pas ce que je fais. Je pourrais ne rien faire de mes journées, et personne ne s’en apercevrait. Et vous savez quoi ? Ça me va. Je touche mon salaire, c’est bien comme ça. » Ce genre de phrases, je l’entends souvent chez mes clients. Ils le répètent, presque machinalement : « Ça me va ». Mais à force de l’entendre, on comprend une chose : non, ça ne leur va pas.

S’ils sont là, en coaching, c’est précisément parce qu’ils sont en désaccord avec cette résignation silencieuse, qu’ils sentent confusément qu’il manque quelque chose.


Dans un monde du travail où les licenciements tombent sans préavis, où un salarié sur cinq considère que son job est inutile, et où le « quiet quitting » (ou démission silencieuse) devient une posture presque légitime, il est facile de se convaincre qu’être interchangeable ou invisible n’est pas si grave. Mais ce décalage entre ce qu’on ressent et ce qu’on se raconte, lui, finit toujours par laisser une trace.

Pourquoi devrait-on trouver normal de se sentir remplaçable ? Invisible ? De croire que notre travail n’a aucune utilité ? Passer la majorité de ses heures d’éveil à se sentir insignifiant va à l’encontre de l’un des besoins humains les plus fondamentaux. C’est ce que soutient Zach Mercurio, chercheur et expert en leadership, dans son dernier ouvrage publié par Harvard Business Review Press : The Power of Mattering: How Leaders Can Create a Culture of Significance. (À noter : j’ai collaboré par le passé avec Zach Mercurio sur différents projets.)

 

Qu’est-ce qui nous donne le sentiment d’avoir de l’importance ?

Selon lui, se sentir important, c’est avoir l’impression de compter pour les autres : parce qu’on se sent reconnu, et qu’on sait que ce qu’on fait a de la valeur.

Ce sentiment repose sur trois expériences clés :

  • Être remarqué : se sentir réellement vu et entendu, grâce à une attention sincère, un climat de sécurité psychologique, des questions réfléchies et des réponses empreintes d’empathie.
  • Se sentir valorisé : croire que ce que l’on apporte, dans sa singularité, fait une réelle différence.
  • Se sentir nécessaire : savoir qu’on est un maillon essentiel de l’équipe ou de l’organisation, et qu’on ne peut pas être facilement remplacé.

Mais attention : ce n’est pas l’intention des autres qui compte, c’est ce que nous ressentons. Ce que vit la personne est au cœur du processus. Et ce ressenti se construit dans la durée.

Les marques d’attention ponctuelles, aussi bienveillantes soient-elles, ne suffisent pas. Ce qui nourrit le sentiment d’importance, ce sont les petites interactions quotidiennes, répétées, sincères. Un trophée remis lors d’un événement annuel ne rattrapera jamais des mois d’indifférence.

Autre point clé : ce n’est pas la quantité d’échanges qui compte, mais leur qualité. Mercurio cite des recherches selon lesquelles la solitude des salariés augmentait avec… le nombre de réunions. Quand les échanges sont froids, impersonnels ou purement fonctionnels, les multiplier ne fait qu’amplifier le mal-être.

Nous avons besoin de vivre régulièrement des moments qui nous rappellent que nous comptons : qu’on nous voit, qu’on reconnaît notre contribution, qu’on a besoin de nous. Les bons leaders savent créer ces expériences au fil des jours, et leurs équipes le sentent profondément.

 

L’importance : un concept à part entière

On pourrait croire que le sentiment d’avoir de l’importance au travail se confond avec d’autres notions proches — estime de soi, appartenance, bonnes conditions de travail… Mais à force de les amalgamer, on en sous-estime la portée.

Dans The Power of Mattering, Zach Mercurio insiste justement sur les distinctions essentielles entre l’importance et trois concepts souvent confondus avec elle :

  1. L’estime de soi

L’importance n’est pas synonyme d’estime de soi, elle en est plutôt le socle.
Comme l’écrit Mercurio : « Une grande part de notre santé mentale repose sur le sentiment d’avoir de l’importance pour les autres. » Autrement dit, se sentir utile et reconnu renforce naturellement notre estime personnelle.

De nombreux clients me disent en coaching qu’ils essaient de muscler leur estime de soi via la méditation, l’autocompassion ou le développement personnel, tout en continuant à se sentir ignorés ou dévalorisés par leur manager.

Ces efforts restent vains tant qu’ils ne se sentent pas importants dans leur environnement. Sans cette reconnaissance quotidienne, même les pratiques les plus solides s’érodent. Le manque d’importance n’est pas juste inconfortable : c’est une pression psychique constante.

  1. Le travail « décent »

Le psychologue Ryan Duffy définit le « travail décent » comme un emploi qui respecte des critères fondamentaux : sécurité physique et psychologique, salaire juste, accès aux soins, valeurs partagées, rythme de travail soutenable.

Le sentiment d’avoir de l’importance ne remplace pas ces éléments, et ne le devrait jamais. Mercurio le souligne clairement : « Cultiver l’importance peut amortir le stress d’un mauvais job, mais cela ne compense pas l’absence de conditions de travail décentes. »

  1. L’appartenance

Importance et appartenance sont toutes deux cruciales, mais elles n’opèrent pas au même niveau.

L’appartenance est une expérience collective : c’est sentir qu’on fait partie du groupe. L’importance, elle, est vécue de manière personnelle : c’est se sentir vu, reconnu, irremplaçable en tant qu’individu.

On peut tout à fait se sentir intégré à une équipe sans avoir le sentiment que son travail a de la valeur. Et inversement, se sentir essentiel tout en peinant à s’intégrer. C’est pourquoi nous avons besoin des deux pour nous sentir bien au travail : être dans le groupe, et avoir une place qui compte.

 

Pourquoi le sentiment d’importance est-il essentiel ?

Ce n’est pas un luxe, ni un simple « plus » : le sentiment d’avoir de l’importance est un besoin psychologique fondamental. Être vu, valorisé et reconnu comme utile ne relève pas de l’accessoire dans le monde du travail ; c’est une condition de base pour durer.

Trop souvent, on relègue ce besoin au second plan, comme une cerise sur le gâteau de la satisfaction professionnelle. Pourtant, sans lui, l’engagement s’érode, la motivation s’effondre, et les effets se font vite sentir ; autant sur la performance que sur la santé mentale. « Les personnes qui ont le sentiment d’être importantes sont plus motivées, plus résilientes et bien plus susceptibles de se sentir épanouies », résume Zach Mercurio dans The Power of Mattering, en s’appuyant sur de nombreuses études.

Les bénéfices sont tangibles : une hausse de la productivité, de meilleurs résultats, un engagement renforcé, et une fidélité accrue. À l’inverse, les salariés qui se sentent ignorés ou superflus décrochent, parfois silencieusement, parfois brutalement.

Une cliente me racontait récemment son changement de carrière : « Ici, les gens sont contents de me voir. Ils me demandent mon avis. Je sens que je compte. C’est le jour et la nuit. » Elle a aussi remarqué des améliorations inattendues : chute de cheveux stoppée, prédiabète mieux maîtrisé, sommeil retrouvé.

Je vois ce genre de transformations tous les jours en coaching. Quand on se sent réellement important au travail, cela agit comme un antidote puissant. Et souvent, il suffit de peu : de la considération, de l’écoute, et la volonté sincère de voir les autres… vraiment.

 

Une contribution de Rebecca Fraser-Thill pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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