Les professeurs d’université ont-ils encore leur place à l’ère de l’IA ?

En 2025, ChatGPT pourra vous donner un cours complet en quelques secondes et TikTok sera bien plus amusant que d’écouter un professeur lire un diaporama qu’il n’a pas modifié depuis des années. Alors, à quoi bon se rendre en cours ?

Même pour les enseignants qui se soucient de leur métier, retenir l’attention des élèves est un défi de plus en plus difficile à relever, que ce soit pour les maîtres et maîtresses en école primaire ou les professeurs des grandes universités, car les élèves sont distraits et ont les yeux rivés sur leur téléphone. Beaucoup se demandent à juste titre pourquoi ils ont choisi cette profession.

L’IA et la pandémie mondiale n’ont fait qu’aggraver le problème, et de nombreuses écoles continueront à s’appuyer davantage sur les nouveaux outils d’intelligence artificielle (IA) pour réduire les coûts croissants de l’éducation. Que peuvent donc faire les enseignants face à tant d’obstacles ?

Certaines écoles ont pris des mesures drastiques pour éradiquer au moins une partie du problème à la source, en interdisant les téléphones portables dans les salles de classe ou pendant les heures de cours, et certains États américains s’efforcent même de légiférer en ce sens.

Cependant, si les élèves arrivent en classe avec un taux de dopamine déjà épuisé après avoir passé toute la matinée à faire défiler leur écran, que peut-on faire d’autre pour capter leur attention ?

L’utilisation accrue de la technologie en classe ne fera probablement qu’exacerber le problème. L’apprentissage à son propre rythme, bien que pratique, s’est déjà révélé moins efficace en termes de taux de réussite (souvent inférieur à 10 %) et, dans certains cas, en termes de résultats, en particulier lorsque des systèmes de soutien spécifiques ne sont pas mis en place et que les élèves ne structurent pas correctement leur temps d’étude.

Il existe également des preuves empiriques solides qui démontrent la nécessité de la présence humaine dans les salles de classe. Une étude publiée en 2021 dans Frontiers in Psychology a révélé que la motivation des élèves est fortement influencée par des comportements non verbaux tels que le contact visuel, le ton de la voix et le langage corporel, qui favorisent l’attention, l’engagement et la confiance des élèves.

De plus, la présence sociale, définie comme le sentiment de connexion avec une personne réelle, améliore la pensée critique et la satisfaction globale des élèves dans leur expérience d’apprentissage.

On peut donc supposer sans trop s’avancer que l’enseignement dispensé par des êtres humains est appelé à perdurer, sous une forme ou une autre, ce qui semble raisonnable étant donné que, dans l’enseignement supérieur en particulier, les étudiants sont encore prêts à payer plus cher pour bénéficier de l’expertise et du soutien personnalisé d’un enseignant.

Raviver la curiosité dans les salles de classe signifie créer des occasions inattendues et stimulantes d’engagement pour des étudiants qui, sans cela, risqueraient de se désintéresser d’un modèle d’enseignement qui leur semble dépassé.

Inviter régulièrement des conférenciers experts dans leur domaine ou ayant une connaissance approfondie du sujet enseigné est un excellent moyen de rompre la routine pour les étudiants. S’il est important de sélectionner les conférenciers à l’avance afin de s’assurer que leur parcours et leurs connaissances sont suffisamment intéressants, les experts ont tendance à apporter un éclairage unique qui éveille la curiosité des étudiants désireux de découvrir à quoi pourrait ressembler leur vie professionnelle vue de l’intérieur.

Ces sessions peuvent être relativement faciles à animer si elles se déroulent sous forme de questions-réponses avec l’enseignant comme modérateur. Les étudiants peuvent également être invités à poser des questions tout au long de la session ou l’invité peut être invité à préparer à l’avance certaines questions pour les étudiants, ce qui allège encore la tâche de l’enseignant.

L’apprentissage par cas peut également être un moyen efficace d’apporter une application pratique aux leçons enseignées, ce que les étudiants recherchent de plus en plus afin de s’assurer que ce qu’ils apprennent a une utilité dans le monde réel.

Cela peut se faire en une seule session en classe ou être réparti sur un semestre, et la nature pratique du matériel crée des opportunités pour des formats d’activités dynamiques en classe, comme des jeux de rôle entre les étudiants et la possibilité de demander à des volontaires de jouer un rôle avec l’enseignant devant la classe.

La gamification de l’expérience d’apprentissage peut également contribuer à renforcer la responsabilisation en classe. Il peut s’agir d’un tableau de bord analogique ou numérique qui suit les contributions dans différentes modalités telles que l’expression orale, l’écoute ou l’aide aux pairs. Ce tableau peut être organisé sous la forme d’un classement des « dix meilleurs » afin d’éviter de singulariser les étudiants timides ou incapables de contribuer à un cours particulier.

D’autres idées pour gamifier l’expérience peuvent consister à attribuer des badges pour reconnaître la maîtrise de compétences telles que « Chercheur en équipe » ou « Maître négociateur », avec la possibilité pour les étudiants de débloquer de nouveaux titres ou niveaux à mesure qu’ils démontrent leurs compétences dans de nouveaux domaines, ou à offrir aux étudiants des crédits d’apprentissage sous la forme d’une monnaie utilisable en classe pour certains comportements qui peuvent débloquer l’accès à des présentations à des professionnels, ou à des révisions de CV individuelles et à des simulations d’entretiens.

En ce qui concerne les devoirs, une autre façon de répondre aux besoins des étudiants est d’intégrer des réseaux sociaux tels que TikTok ou Reels comme devoirs, ce qui permet aux étudiants de résumer ou de mettre en scène un concept vu en cours dans une vidéo de 30 à 60 secondes. Les étudiants seront mis au défi de réfléchir à la manière de créer un contenu captivant autour du matériel de cours dans une vidéo courte, et les enseignants pourront même organiser un concours pour déterminer quel contenu obtient le plus de vues organiques.

L’apprentissage ne consiste pas seulement à télécharger des concepts pour réussir un examen et obtenir un diplôme avec une moyenne acceptable. Il s’agit de créer des expériences mémorables qui peuvent aider à consolider les informations enseignées tout en s’efforçant de former des individus équilibrés, capables de prendre des décisions éclairées sur leur avenir et l’impact qu’ils souhaitent avoir sur les communautés auxquelles ils appartiennent.

En tant qu’éducateurs, il est de votre devoir d’expérimenter en permanence de nouvelles façons de communiquer avec les étudiants, même si les technologies ou les tendances culturelles remettent en question l’efficacité des méthodes traditionnelles. Après tout, c’est la capacité à laisser une empreinte sur les étudiants qui rend ce travail si enrichissant.

Une contribution de Sergei Revzin et de Vadim Rezin pour Forbes US, traduite par Flora Lucas

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