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Grégoire Akcelrod, agent FIFA : « Il faut un minimum salarial pour le foot féminin »

L’agent FIFA, Grégoire Akcelrod, découvreur il y a une dizaine d’années, du joueur international Aurélien Tchouaméni, est tombé amoureux du foot féminin. Scandalisé par le niveau de salaire des joueuses, il en appelle aux pouvoirs publics pour obtenir un rattrapage. Coup de gueule.

 

Forbes France : Depuis quand et pourquoi avez-vous décidé de travailler dans le football féminin ?

Grégoire Akcelrod : J’aurais pu travailler avec la prodige Vicki Becho en aout 2017 quand elle avait 14 ans et qu’elle était surclassée avec les u19 du PSG. Son grand frère voulait absolument que je m’occupe d’elle mais pour moi, même si elle était promise à un grand avenir, je trouvais qu’elle était trop jeune pour avoir un agent. C’est important de laisser les jeunes jouer pour s’amuser au moins jusqu’à 16 ans.

En juin 2023, on m’a présenté Kelly Gago, une attaquante talentueuse qui était en difficulté avec le club de la Sampdoria de Gênes, en Serie A. Rapidement, j’ai réussi à lui trouver un prêt avec Parme qui est un grand succès puisqu’elle est la meilleure joueuse du championnat avec 11 buts et 8 passes décisives en 20 matchs. J’espère la voir aux JO avec l’équipe de France.
Humainement, c’est un grand plaisir de travailler dans le football féminin. On y retrouve des valeurs d’humilité, d’effort et de simplicité qui sont devenues rares dans le foot business.

 

Kelly Kago et Grégoire Akcelrod

 

Financièrement, vous vous y retrouvez?

G. A. : C’est impossible de travailler uniquement dans le football féminin car les salaires sont trop faibles et nos commissions sont indexées sur les salaires.

 

A quelle hauteur négocie-t-on le transfert d’une bonne joueuse en Europe? Et aux Etats-Unis?

G. A. : Les transferts sont rarissimes. Si on arrive à signer une top joueuse dans un grand club italien, on peut négocier une commission de 10 000€ par an, ce qui revient à une somme limitée pour un travail ou nous devons être disponible 24 heures sur 24 pour nos joueuses. Aux USA, des joueuses ont des revenus proches de 7 millions net par an, donc nous pouvons percevoir une commission de 700 000€ par an. Dans le football masculin, il est possible de recevoir des commissions de 5 millions d’euros par an, par exemple si on transfère une star en Arabie Saoudite. On voit bien le grand écart entre le football masculin et le football féminin.

 

Vous avez récemment déclaré être révolte par les salaires des joueuses. Pourquoi?

G. A. : Je me rappelle encore quand le directeur sportif d un grand club européen m a transmis une offre de 700€ par mois pour une joueuse internationale ! Je pensais avoir mal compris, qu il avait oublié un zero ou qu il parlait d’un salaire de 700€ par semaine mais non, il m’a bien confirmé 700€ par mois, soit deux fois moins qu’un employé débutant au Mc Donald’s.

Comment peut-on cautionner qu’en 2024, une joueuse de football professionnel ne puisse pas avoir un salaire minimum comme dans tous les autres métiers ? Devenir footballeuse professionnelle, c’est faire des sacrifices tous les jours, s’entrainer dur, se coucher tôt, avoir une hygiène de vie exceptionnelle, c est difficile de réussir.Je ne peux pas rester silencieux face à cette injustice puisque de nombreuses joueuses sont dans l’obligation d’arrêter leurs carrières car elles ne parviennent pas à finir le mois en jouant en première division en Europe. Combien faudra-t-il de talents gachés pour le système change ? Il faut les protéger.

Que faudrait-il faire pour obtenir un rééquilibrage hommes/femmes comme on en a connu, par le passé, dans le tennis par exemple?

G. A. : Il faut une prise de conscience politique des dirigeants de clubs et aussi des pouvoirs publics. On doit protéger les plus faibles alors que les clubs ont des moyens considérables pour payer des salaires à six chiffres aux hommes, mais ils n’ont plus rien pour leur section féminine. C’est ridicule.

C’est la faute des télés qui ne s’intéressent pas suffisamment au foot féminin?

G. A. : En effet, il n’y a pas d’intérêt aujourd’hui des diffuseurs pour le foot féminin. Il est temps que ça change car la qualité est désormais au rendez-vous. En France, on voit le président Macron extrêmement engagé pour le renouvellement des droits de la Ligue 1 pour la période 2024-2029. C’est un passionné de football et cela serait magnifique qu’il puisse consacrer du temps au football féminin qui représente plus de 250 000 licenciées en France. Nous avons besoin de son aide pour gagner notre combat.

Comment trouvez-vous le niveau du football féminin?

G. A. : Il est en pleine transformation et le niveau de jeu est de plus en plus intéressant.
En Angleterre, plus de 45 000 billets ont été vendus pour le match Manchester United face à Manchester City à Old Trafford, un record. Les fans ne se trompent pas.

Attendez-vous une prise de parole des grands joueurs masculins susceptibles de faire bouger les choses?

G. A. : J’aimerais qu’on soit tous unis pour dénoncer les conditions salariales actuelles mais pour le moment, au niveau des joueurs et des agents,  je me sens seul à me battre pour elles.

Le nouveau féminisme qui s’est cristallisé autour du #metoo s’intéresse-t-il au foot féminin ?

G. A. : C’est à nous de rendre ce sujet le plus médiatique possible pour que tout le monde se lève pour faire changer les choses. On ne demande pas encore l’égalité salariale qui existe déjà au niveau de fédérations américaine et canadienne  pour les équipes masculines et féminines. On demande, en revanche, la mise en place immédiate d’un minimum salarial pour que les joueuses puissent vivre décemment de leur passion.

 


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