Une tribune écrite par Florent Malbranche, co-fondateur de Rosk et hôte du podcast Arrière-Cuisine
Derrière cette tendance, il n’y a pas seulement un appauvrissement du goût : il y a un modèle économique qui, peu à peu, étouffe ceux qui cuisinent encore.
Car aujourd’hui, il est plus rentable de réchauffer que de cuisiner. Moins de personnel, moins de charges, moins de contraintes. Une poignée d’employés, parfois non qualifiés, suffisent à faire tourner la machine. Et les marges, elles, explosent.
Comment rivaliser quand votre voisin sert des plats sous vide à 12 euros avec deux salariés au SMIC, pendant que vous employez dix cuisiniers formés, travaillez du frais, et payez les cotisations correspondantes ?
Le vrai coût du travail, le faux prix de l’assiette
Pour rémunérer un serveur 2 000 euros nets, il faut débourser plus de 4 000 euros charges comprises. C’est la partie invisible de l’iceberg. Une réalité que les clients ignorent souvent, et qui explique pourquoi les établissements « fait maison » peinent à suivre sur les prix.
Résultat : la restauration artisanale, celle du produit et du geste, se fait grignoter par des modèles industriels où l’humain est remplacé par la logistique.
Mais demander une nouvelle exception pour la restauration serait une impasse. Le pays croule déjà sous les régimes dérogatoires, les exonérations ciblées et les niches fiscales qui brouillent la lisibilité de notre système économique. La solution n’est pas de créer un énième statut spécial, mais de repenser le coût du travail dans son ensemble.
Baisser le coût du travail pour tous
La proposition d’une TVA différenciée pour les restaurants qui cuisinent « maison » a le mérite de pointer une réalité désarmante : notre système actuel favorise ceux qui paient au SMIC, emploient peu de personnel qualifié et servent de la nourriture industrielle.
Mais au lieu de multiplier les exceptions, il faut agir à la racine : alléger durablement le coût du travail pour tous les secteurs.
Une baisse générale du coût du travail, c’est une mesure de compétitivité, mais aussi de qualité de vie. Car si les entreprises pouvaient mieux rémunérer sans être étranglées par les charges, les consommateurs eux-mêmes pourraient se tourner plus facilement vers des options gastronomiques, saines, bien sourcées et travaillées.
Quand l’économie dicte le goût
L’alimentation est aujourd’hui un miroir de notre économie : plus le travail est cher, plus la mauvaise bouffe prospère. Et à long terme, c’est tout un savoir-faire qui s’efface, au profit d’une rentabilité immédiate. Il ne s’agit pas seulement de défendre les restaurateurs, mais de corriger une distorsion structurelle qui affaiblit tous les secteurs productifs. Si la France veut rester le pays du goût et de l’excellence, il faudra un jour accepter de revoir ce que coûte, et surtout ce que vaut, le travail.
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