Efficacité, flexibilité, gain de temps : voici ce que l’on associe à la digitalisation dans les entreprises. Mais quid de la qualité de nos relations au travail ? De nos collectifs ? Alors que le Gouvernement a fait de la santé mentale la grande cause nationale de 2025, celle-ci se dégrade dans le monde professionnel1. Le numérique n’y est pas étranger. Ces questions appellent à s’interroger sur nos façons d’interagir et à réfléchir aux solutions à appliquer pour des relations de travail plus saines.
Une contribution de Caroline Nancy, DRH du groupe Scalian
Le paradoxe du digital
Le digital est omniprésent dans notre société et le monde du travail n’y échappe pas. Consommation, loisirs, administration, santé… Il est présent dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Dans le monde professionnel, il offre en apparence des opportunités indéniables, plus de fluidité dans les échanges, plus d’autonomie, plus d’innovation, etc. La digitalisation agit aussi au niveau de l’inclusion des collaborateurs, car elle offre un espace d’expression plus accessible et moins jugeant aux éléments plus introvertis, anxieux, invisibilisés, impressionnés par la hiérarchie ou à ceux en situation de fragilité psychologique.
Cependant, ce phénomène, si bénéfique dans certains cas, est à double tranchant. Les mêmes outils qui permettent d’inclure, favorisent également l’isolement et c’est tout le paradoxe. Prenons l’exemple d’un collaborateur en détresse. S’il est à distance, ce sera beaucoup plus difficile de l’identifier et de lui venir en aide. Une fois la caméra fermée et le micro coupé, il peut se retrouver seul face à une situation qu’il ne parvient pas à gérer. Et il est évidemment plus délicat d’apporter un soutien par mail ou en visio.
Ce constat interroge sur les raisons de ce changement dans la nature de nos relations au travail. N’est-ce pas le reflet plus profond de nos façons d’interagir au quotidien ?
Un phénomène social plus large
Commentaires désobligeants, réactions violentes, dénigrement, harcèlement… Chaque jour, sur des plateformes comme X, Instagram ou Facebook, ces comportements se multiplient et impactent nos manières de communiquer en entreprise. Ce phénomène de désinhibition en ligne atteint aussi le monde de l’entreprise. Il se traduit par des messages expéditifs, dénués de forme : des ordres secs, sans formule de politesse, des mails en copie à toute une équipe pour souligner une erreur, des remarques malveillantes postées dans un canal Slack ou Teams.
Les effets sur l’entreprise sont bien réels : ce type de messages peut affecter l’estime de soi, isoler un collaborateur et finir par mener à un désengagement. Moins d’implication, moins d’initiatives et de prises de risques pour plus de protection. Ces signaux faibles peuvent passer inaperçus dans un environnement numérique. Et c’est là tout le risque : laisser une situation s’envenimer sans s’en rendre compte. Ce sont autant de facteurs déclencheurs de risques psychosociaux qu’il faut prévenir. Car au-delà de l’individu, c’est tout un collectif qui est fragilisé.
Bien évidemment, on ne peut pas remettre entièrement la faute sur les outils. Tout dépend de l’usage qu’on en fait, c’est donc sur cet usage qu’il faut agir, car face à ces dérives, des solutions existent.
Réparer nos liens : prévenir les risques et restaurer la confiance
Aujourd’hui, dans les entreprises, les réponses apportées sont encore trop souvent correctives. On intervient une fois que le mal est fait. Pour éviter les effets délétères à long terme, ces réponses doivent être préventives. Il faut s’attaquer aux causes racines. Mais par où commencer ?
D’abord, en prenant conscience de l’ampleur du problème. Oui, nos relations de travail ont changé. Oui, la santé mentale des salariés s’est fragilisée. Il faut nommer ce changement et le regarder en face pour pouvoir y remédier.
Ensuite, il faut agir, en sensibilisant aux effets du numérique sur la santé mentale, en formant à un usage plus respectueux des outils numériques (mails, messageries instantanées, visio…), et en mettant en place des chartes de bonnes pratiques. Collaborateurs, managers, RH, partenaires sociaux, doivent en faire davantage. Il nous faut co-construire un cadre commun pour rétablir un environnement de travail plus sain.
Et si cela passait aussi, tout simplement, par le retour du contact réel ? La voix, les regards, les silences. Ces éléments sont vecteurs d’empathie et de respect, ils régulent, apaisent, désamorcent les tensions.
Le numérique n’est pas l’ennemi. Il peut même être un formidable levier, à condition de rester un outil au service de relations plus respectueuses, plus inclusives, plus humaines.
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