Rechercher

Demain, c’est trop tard

Nous vivons une époque formidable : celle où l’on veut tout, tout de suite. De l’analyse stratégique en 3 slides. Des solutions en 48 heures chrono. Des transitions qui tiennent dans un sprint. On veut “gagner du temps” comme s’il y avait une médaille à la clé. Optimiser chaque minute, tracker nos performances, scruter nos équipes, prioriser l’action, pivoter en temps réel, s’adapter en flux tendu, et bien sûr : “rester agile”. Toujours. Jusqu’au vertige.

Une contribution de Blandine Mercier, co-fondatrice de Hello Masters

 

Notre rapport au temps s’est transformé en injonction permanente. Faire vite, faire plus, faire mieux, sans toujours savoir dans quelle direction on court. L’agilité est devenue le mot-valise qui nous dispense parfois de penser. Le court terme, notre seule boussole. Et l’immédiateté, notre nouveau dieu.


Aujourd’hui, on ne parle plus de prise de recul, mais de time to market. Plus de stratégie de long cours, mais de MVP et de test & learn. Plus de convictions, mais de “réponses adaptées aux signaux faibles du marché”. On veut de l’information avant qu’elle soit confirmée, de la data avant qu’elle soit consolidée, des insights avant d’avoir posé la bonne question. Et grâce à ChatGPT, on a même la réponse avant d’avoir formulé l’idée.

Résultat ? La vision s’épuise. Le temps long est relégué au fond du drive, sous un dossier “Archive” que plus personne n’ouvre.

Même les plans à 5 ans sont aujourd’hui jugés naïfs. Un peu poussiéreux. Un peu trop “PowerPoint de comex”. “On verra plus tard”, dit-on. Mais plus tard, c’est quand ? Et si on se trompait de combat ? Et si cette course effrénée vers l’instantané était en train de nous faire perdre l’essentiel ?

Parce que gagner du temps, ce n’est pas aller plus vite. C’est faire mieux, plus vite… parce qu’on a déjà appris. Et ça, c’est le luxe de l’expérience. Car oui :

  • L’expérience permet de repérer plus vite les fausses bonnes idées,
  • De mobiliser les bons leviers au bon moment,
  • De poser un diagnostic structuré là où d’autres tâtonnent
  • De déminer une crise avant même qu’elle n’éclate.

Elle n’a pas besoin de benchmark pour sentir ce qui va coincer. Elle voit venir les angles morts que d’autres n’ont pas encore appris à anticiper. Elle sait dire non, quand le court terme exige un oui immédiat. L’expérience, c’est ce qui permet de ralentir là où il faut, et donc, paradoxalement, d’aller beaucoup plus vite ensuite. C’est ce qu’on oublie trop souvent.

Dans un monde obsédé par l’accélération, l’expérience est le raccourci le plus sûr. Elle n’est pas un luxe. Elle n’est pas un surcoût. Elle est un levier de performance durable.

 

Alors si vous cherchez à gagner du temps, commencez par recruter celles et ceux qui savent déjà ce qu’il ne faut pas refaire. Car il y a une chose que l’intelligence artificielle, les méthodes agiles et les dashboards n’auront jamais : la mémoire du réel. Et cette mémoire-là, elle s’appelle l’expérience.

L’expérience n’est pas un coût. C’est un raccourci.

 


À lire également : Fail Fast, Test & Learn : ce que les entreprises françaises peuvent apprendre de l’audace américaine

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC