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Pourquoi le séquençage du génome est si controversé ?

génomeStructure moléculaire de l’ADN avec données de séquençage de l’analyse du génome humain sur fond noir. Getty Images

Un programme britannique – similaire à celui lancé à New York à l’automne dernier – commencera à séquencer le génome de 100 000 bébés cette année afin de déterminer si le dépistage d’un large éventail de maladies chez les nouveau-nés est bénéfique, mais certains experts estiment que cette pratique pourrait s’avérer contraire à l’éthique.

 

Faits marquants

  • Le programme sur le génome du nouveau-né est une initiative britannique menée par Genomics England, un organisme géré par le gouvernement du Royaume-Uni, qui commencera cette année à séquencer le génome de 200 000 nouveau-nés en Angleterre sur une période de deux ans.
  • Ce programme de 126 millions de dollars, qui sera géré par le National Health Service (NHS), financé par le gouvernement du pays, permettra aux parents d’opter pour les tests, qui permettront de dépister environ 200 maladies génétiques, soit davantage que ce que les tests traditionnels permettent déjà de dépister.
  • Selon le site web de l’étude, le Royaume-Uni prévoit de mettre en œuvre cette étude pour aider à traiter les maladies qui nécessitent une détection précoce pour avoir les meilleures chances de vivre en bonne santé, et aidera finalement le gouvernement à décider si le dépistage d’un large éventail de maladies chez les bébés est bénéfique.
  • Un projet similaire a été lancé aux États-Unis en septembre 2022 : l’étude Guardian. Il s’agit d’un programme de recherche de quatre ans qui permettra de tester 100 000 nouveau-nés dans la ville de New York pour détecter environ 160 troubles pouvant être traités.

 

Contexte clé

Le Royaume-Uni utilise un test sanguin standardisé par piqûre au talon pour les nouveau-nés âgés d’environ cinq jours, qui permet de dépister neuf maladies rares, telles que la drépanocytose, la mucoviscidose, les maladies métaboliques héréditaires et l’hyperthyroïdie congénitale. Aux États-Unis, tous les États exigent que les nouveau-nés fassent l’objet d’un dépistage de plusieurs dizaines de troubles génétiques, métaboliques et développementaux, dont la phénylcétonurie, la drépanocytose, les cardiopathies congénitales graves et la perte d’audition – les troubles testés varient d’un État à l’autre. Le séquençage génomique offre un dépistage élargi et plus avancé que les tests de piqûre au talon, mais il n’est pas sans susciter des controverses.

 

Critique principale

Le Hastings Report, une revue à comité de lecture qui explore les questions éthiques en médecine, a noté en 2018 qu’étant donné que de nombreuses maladies génétiques ne peuvent être traitées et que les conséquences sur la santé d’un grand nombre de mutations sont inconnues, il convient d’être prudent avant de mettre en œuvre un dépistage génomique à grande échelle, en notant que les preuves à ce jour « ne soutiennent pas le séquençage génomique de tous les bébés à la naissance ». Les inquiétudes sont nées en partie du fait que même si un patient est porteur d’un certain gène ou d’une certaine mutation génétique, cela ne garantit pas qu’il développera la maladie, selon la bibliothèque de médecine des États-Unis (U.S. Library of Medicine). Le séquençage du génome permettant de dépister des milliers de maladies, certains membres du public craignent que l’accès à tous les risques potentiels pour la santé (même s’ils ne se produisent pas) soit préjudiciable, selon les conclusions d’un rapport publié par Genomics England. Frances Flinter, professeure de génétique clinique et bioéthicienne travaillant pour le NHS, craint que ce type de recherche ne soit un « pas vers l’inconnu ». « Nous ne devons pas nous précipiter pour utiliser cette technologie avant que la science et l’éthique ne soient prêtes », a-t-elle déclaré dans un communiqué adressé au Science Media Centre (un service de presse indépendant créé à la suite d’un rapport du Parlement britannique). « Ce programme de recherche pourrait apporter des éléments nouveaux et importants sur ces deux points. Nous espérons simplement que la question de savoir si nous devrions le faire est toujours ouverte. »

 

Quand a lieu l’analyse du génome ?

Le séquençage du génome entier est généralement utilisé lorsqu’un panel de gènes ou un test portant sur un seul gène ne permet pas de poser un diagnostic clair. Selon Yale Medicine, le séquençage du génome entier peut aider les médecins à identifier les retards d’apprentissage et les déficiences intellectuelles, et à analyser de près les gènes d’un patient pour y déceler des indicateurs de santé ou des mutations. Le séquençage du génome permet de diagnostiquer la plupart des plus de 6 000 troubles répertoriés dans la base de données Online Mendelian Inheritance in Man (un catalogue vieux de plusieurs décennies des principes mendéliens créés par le biologiste Gregor Mendel, des traits et des troubles). Selon une étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne, la plupart des maladies testées étant rares (moins de 2 000 cas signalés chez les naissances vivantes) ou ultra rares (moins de 100 personnes diagnostiquées dans les antécédents médicaux), elles n’auraient pas été diagnostiquées sans un examen préalable.

 

Fait surprenant

En octobre 2022, un nourrisson de 5 semaines a été amené au Rady Children’s Hospital-San Diego parce qu’il n’arrêtait pas de pleurer. Un scanner ayant révélé des anomalies cérébrales, une équipe a procédé à un séquençage génétique et a découvert une mutation correspondant à un grave trouble du métabolisme de la vitamine B. Le lait articifiel du nourrisson a été enrichi avec les vitamines nécessaires et son état s’est amélioré, selon un rapport publié dans le New England Journal of Medicine. Les chercheurs pensent qu’il pourrait s’agir de la même maladie que celle qui a entraîné la mort de sa petite sœur dix ans plus tôt, à une époque où les tests génétiques n’étaient pas aussi avancés.

 

Les préoccupations en matière de protection de la vie privée

Selon la revue Science and Diplomacy de l’American Association for the Advancement of Science, les politiques relatives au séquençage du génome n’étant pas du tout réglementées, les préoccupations en matière de protection de la vie privée se sont accrues. Les données génétiques peuvent non seulement donner un aperçu de l’identité du patient, mais aussi de ses proches. Les forces de l’ordre sont connues pour utiliser des sites web de généalogie afin d’identifier des suspects de crimes. Par exemple, le suspect du meurtre de quatre étudiants dans l’Idaho, aux États-Unis, a été identifié lorsque la police a téléchargé l’ADN trouvé sur la scène de crime dans des bases de données génétiques telles que GEDmatch et Ancestry. L’un des membres de la famille du suspect ayant passé un examen généalogique, les forces de l’ordre ont pu établir un lien grâce à leurs résultats. La politique d’Ancestry stipule qu’elle ne communique pas volontairement les données de ses clients à moins qu’une « procédure légale valide » ne l’exige, comme un mandat ou une citation à comparaître. 23andMe, un autre site de généalogie populaire, tient un rapport de transparence dans lequel il affirme avoir reçu 11 demandes de données gouvernementales sur 15 clients entre 2015 et la mi-janvier, mais avoir refusé à chaque fois. Bien que les NIH conservent les données génomiques comme étant non identifiables, selon Standard Medicine, lorsqu’elles sont combinées à d’autres sources de données publiques, les données génomiques peuvent être réidentifiées. Les chercheurs peuvent croiser des documents distincts avec les données génomiques et déterminer à quel individu appartiennent les données anonymes.

 

Nombre important

100 millions de dollars. C’est ce que coûtait le séquençage génétique en 2003. Le prix a considérablement baissé au fil du temps, passant à un peu moins de 10 000 dollars en 2013, puis à moins de 1 000 dollars aujourd’hui, selon le National Human Genome Research Institute du National Institute of Health.

 

Comment fonctionne le test génomique ?

Tous les organismes possèdent un génome (ou code génétique) unique composé de bases nucléotidiques (désignées par A, C, T ou G). Lorsque l’ordre de ces bases est découvert par séquençage, le schéma unique de l’ADN de l’organisme est déterminé. Il existe quatre types de tests moléculaires du génome. Les tests de variante unique ciblés recherchent une variante spécifique dans un gène, les tests de gène unique recherchent toutes les modifications génétiques dans un gène, les tests de panel de gènes recherchent plusieurs modifications génétiques dans un gène et le séquençage du génome entier analyse la majeure partie de l’ADN d’un patient pour trouver toutes les variations génétiques. L’étude britannique utilise le séquençage du génome entier et, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), le processus suit les étapes suivantes :

CRISPR/Cas9 : À l’aide de ce système, les scientifiques coupent l’ADN avec des ciseaux moléculaires en minuscules morceaux suffisamment petits pour être lus par des séquenceurs.

Codes-barres ADN : À l’instar des codes-barres utilisés dans les magasins d’alimentation pour identifier un produit, des morceaux de codes-barres ADN (petits morceaux d’étiquettes d’ADN) sont ajoutés pour déterminer quels morceaux d’ADN coupé appartiennent à quelle bactérie.

Séquençage de l’ADN : Les scientifiques combinent ensuite l’ADN à code-barres de plusieurs bactéries et les placent dans un séquenceur d’ADN. Le séquenceur identifie les bases A, C, T et G qui composent chaque séquence bactérienne. Le séquenceur utilise ensuite les codes-barres pour déterminer quelle bactérie appartient à quelle base.

Analyse des données : Enfin, les scientifiques utilisent un outil d’analyse informatique pour comparer les séquences des différentes bactéries et trouver les différences entre elles. Le nombre de différences indique aux scientifiques la probabilité que les bactéries proviennent du même foyer et leur degré de parenté.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Arianna Johnson

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