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Villes et données : l’énorme manque à gagner d’une exploitation encore trop timide

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Villes et données : l’énorme manque à gagner d’une exploitation encore trop timide

À l’approche des élections municipales de 2026, la gestion de la mobilité urbaine et la transition écologique sont plus que jamais au cœur des débats publics. C’est notamment l’un des chevaux de bataille de François Bayrou. Dans un contexte compliqué où la densification des villes se renforce en même temps que les attentes citoyennes, les élus doivent concilier efficacité, justice sociale et respect de l’environnement. La digitalisation des services urbains et l’exploitation intelligente des données offrent un levier encore trop peu exploité pour construire des politiques publiques plus justes, mieux ciblées et mieux acceptées. 

Une contribution d’Olivier Koch, Directeur France d’EasyPark 

 

Un potentiel encore largement sous-exploité 

Chaque jour, les villes génèrent des volumes impressionnants de données en ce qui concerne la mobilité via notamment les paiements de stationnement, les flux de véhicules, l’occupation des places, le respect des règles. Pourtant, malgré leur richesse, elles restent souvent sous-utilisées – du fait d’une méconnaissance des bénéfices qui peuvent être apportés par des outils d’aides à la décision. Les compétences techniques nécessaires pour exploiter ces données de manière optimale sont également encore trop rares dans certaines collectivités, freinant ainsi l’émergence d’une exploitation intelligente.  


Paris est l’un des rares exemples de collectivité qui a su structurer un véritable écosystème, notamment à travers son Observatoire Parisien des Mobilités. Grâce à un réseau dense d’horodateurs connectés, au paiement mobile et à des systèmes automatisés de contrôle, la capitale peut collecter et analyser en temps réel des informations précises. Cela permet d’ajuster les politiques tarifaires, d’améliorer la rotation des véhicules, et de mieux répondre aux besoins spécifiques des usagers. À l’inverse, beaucoup de villes peinent encore à franchir ce cap. Pourtant, le stationnement constitue un poste budgétaire qui, bien géré, dégage des recettes positives, pouvant être réinvesties dans l’amélioration des services et l’innovation. 

Pour que cette dynamique s’étende, il est essentiel d’inscrire la démarche dans une volonté politique forte, car c’est elle qui conditionne les moyens et l’impulsion nécessaire. Paris, en tant que capitale, joue déjà un rôle moteur en la matière. Si des métropoles comme Lyon ou Marseille s’engagent à leur tour dans cette transition digitale, elles peuvent entraîner dans leur sillage les villes moyennes et plus petites, selon une logique de ruissellement vertueux. Ainsi, la digitalisation et la donnée peuvent devenir des leviers structurants à l’échelle nationale, à condition d’un engagement politique clair et ambitieux. 

 

Des cas concrets qui démontrent l’efficacité de la donnée 

Au-delà des enjeux stratégiques, des exemples concrets illustrent comment la donnée transforme déjà la gestion urbaine et améliore la prise de décision locale. Prenons l’exemple de l’électrification du parc automobile, aujourd’hui crucial pour les collectivités : installer des bornes de recharge est en effet désormais indispensable. Mais comment éviter de déployer des infrastructures sous-utilisées ou mal placées ? La réponse se trouve dans les données de stationnement : en analysant précisément l’occupation réelle par les véhicules électriques, une ville peut dimensionner son réseau de bornes en adéquation avec la demande, optimisant ainsi ses investissements et évitant le gaspillage. 

Autre exemple, la rotation des véhicules et le soutien au commerce local. Plusieurs villes ont tenté de dynamiser le commerce en offrant des stationnements gratuits. Si l’intention est louable, cette mesure peut avoir l’effet inverse : la gratuité entraîne une occupation prolongée des places, ce qui réduit leur disponibilité et nuit finalement à l’accessibilité. Prenons l’exemple de la ville de Chatou, où un Super U a choisi une approche plus fine, en proposant des codes promo de stationnement à ses clients. Cette initiative, rendue possible grâce aux outils numériques, combine incitation commerciale et gestion fluide des places, sans compromettre la mobilité urbaine. 

Enfin, nous pouvons citer l’exemple de la métropole de Nancy, qui a numérisé sa signalisation horizontale et verticale, associé à des outils de collecte anonyme d’informations en temps réel, peut suivre en temps réel l’offre et la demande. Cette innovation lui a permis d’élaborer différents scénarios tarifaires ou opérationnels afin de mieux gérer l’espace public. Une optimisation grâce à un pilotage fin et éclairé par la donnée, dont bon nombre de métropoles devraient apprendre à s’inspirer.  

 

Vers une gestion urbaine plus juste et durable  

Ces exemples concrets montrent bien que la donnée ne se limite pas à améliorer l’efficacité ou la rentabilité : elle ouvre la voie à une gestion urbaine plus inclusive et durable. Au-delà de la simple optimisation budgétaire, la digitalisation ouvre la voie à des politiques plus inclusives. La possibilité de moduler les règles selon le profil des usagers (revenus, type de véhicule, usages spécifiques…) permet d’éviter l’uniformisation des mesures, souvent perçue comme injuste. Le débat politique national autour des ZFE illustre parfaitement ce besoin d’adaptabilité. Plutôt que d’imposer des interdictions globales et rigides, une ville équipée d’outils numériques peut ainsi ajuster ses restrictions par zones géographiques, par plages horaires, ou introduire des exonérations ciblées et temporaires, tout cela sans changer l’écosystème existant. Ces réglages, basés sur des données réelles, renforcent l’acceptabilité sociale et la pertinence des mesures. La digitalisation du contrôle, via la lecture automatique des plaques d’immatriculation, joue aussi un rôle clé. Elle garantit un respect plus équitable des règles, ce qui contribue à une meilleure justice urbaine. 

Enfin, l’existence de projets innovants comme OnDijon, qui centralise en temps réel la gestion de plusieurs services publics, ou SunRise à Lille, optimisant la consommation d’énergie sur un campus, montrent que la donnée peut transformer la ville en un système plus intelligent et réactif. 

 

À l’aube des municipales de 2026, les élus doivent intégrer la donnée au cœur de leur stratégie urbaine. Ce n’est pas qu’une simple question technologique, mais un impératif démocratique : à savoir construire des politiques publiques plus efficaces, transparentes et justes, qui répondent aux défis actuels. Ne pas saisir cette opportunité, c’est se priver d’un levier essentiel pour améliorer la qualité de vie, soutenir la transition écologique, et renforcer la cohésion sociale dans nos territoires. 

 


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