Les chiffres avancés par la ministre des Comptes publics laissent dubitatifs certains élus alors qu’une commission d’enquête mise en place par le Sénat travaille actuellement sur le dossier.
Il aura suffi d’une phrase pour raviver un serpent de mer de la simplification admnistrative. Ce dimanche, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a annoncé qu’un tiers des agences publiques allaient être « fusionnés ou supprimés » d’ici la fin de l’année. Elle a toutefois expliqué que les universités ne seraient pas concernées par ce coup de rabot.
L’objectif affiché : réduire le train de vie de l’État dans un contexte où le déficit public atteint 5,4 % du PIB, et où la France vise à revenir à 3 % d’ici 2029, conformément aux engagements européens. Ces opérateurs sont régulièrement pointés du doigt pour leur poids supposé dans la dépense publique.
La ministre a également indiqué vouloir s’attaquer au nombre d’emplois publics. « Aujourd’hui, on a 180.000 personnes qui travaillent dans les agences et les opérateurs, a-t-elle rappelé. Ces 180.000 personnes ont toutes un métier, une mission, notre rôle, c’est de considérer que […] les choses ne sont pas immuables ».
« L’État […] va faire du ménage dans notre organisation, parce que les Français le demandent », a-t-elle déclaré au micro de News/Europe 1. Cette annonce intervient alors qu’une commission d’enquête « sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État » a été ouverte au Sénat, à l’instigation du groupe les Républicains. Amélie de Montchalin a affirmé que des annonces complémentaires seraient faites à l’issue des travaux de la commission sénatoriale.
2 à 3 milliards d’économies ?
Depuis plusieurs années, la droite sénatoriale a fait de la rationalisation des opérateurs de l’État l’un de ses combats. À l’automne, lors des discussions budgétaires avortées, elle avait proposé de manière symbolique une réduction de 2,5 % des effectifs. Finalement, les sénateurs Les Républicains ont utilisé leur droit de tirage pour initier ce qu’ils qualifient de « grand audit » via une commission d’enquête.
Plus de 70 auditions sont prévues dans ce cadre, dont celle de la ministre, attendue d’ici fin mai 2025, qui a précisé faire « des annonces à ce moment-là » sur la marche à suivre afin de dégager « 2 à 3 milliards d’économies ».
« Nous essayons de réfléchir large pour faire des propositions constructives et voilà que la ministre, deux mois avant la clôture de nos travaux, fait des annonces avec des chiffres qui ne veulent rien dire », a répondu le sénateur communiste, président de la commission d’enquête Pierre Barros auprès de Public Sénat.
L’estimation formulée par la ministre laisse également pantoise Christine Lavarde, rapporteure LR de la commission d’enquête sénatoriale, la jugeant peu crédible : « En tant que rapporteure, j’aurais été incapable de donner un tel chiffre parce que nous sommes encore en train de travailler et de récupérer des informations. Soit la ministre a des idées très précises en tête, soit elle dispose de documents dont nous n’avons pas eu connaissance, ce qui serait problématique », expose-t-elle auprès de Public Sénat.
Des politiques publiques affaiblies
Elle poursuit : « Au sein de la commission, nous avons des idées sur des choses qui font doublons. Mais nous ne sommes pas certains d’arriver à un milliard d’économies. » D’autant que la suppression d’une agence n’entraîne pas d’effet immédiat : des engagements ont déjà été pris, et le suivi administratif reste nécessaire.
Selon la Cour des comptes, les fusions opérées entre 2010 et 2020 ont permis de réduire d’environ un quart le nombre d’opérateurs, mais sans économies significatives à court terme. Or, fusionner coûte cher : cela implique des négociations, des indemnisations, et parfois la gestion de statuts hybrides, comme à l’Ademe, où des salariés relèvent du droit privé. Pour ces élus, atteindre les niveaux d’économies évoqués par le gouvernement ne serait possible qu’en remettant en cause certaines missions des agences. Ce qui reviendrait, de fait, à affaiblir, voire supprimer des politiques publiques.
Début janvier, alors que le projet de loi de finances était de nouveau à l’ordre du jour, le ton est monté. Plusieurs agences — parmi lesquelles l’Agence Bio, l’Ademe, l’OFB ou encore la CNDP — ont fait l’objet d’amendements visant leur suppression. Ces propositions n’ont cependant pas été retenues dans la version définitive du budget, adopté via le 49.3.

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