Une tribune écrite par Jérémie Sicsic, CEO de Keenest
Un débat piégé entre caricature et idéologie
Nous voilà pris au piège de l’affrontement idéologique sur le thème de la dépense publique et de la compétitivité de nos entreprises. Chaque camp s’invectivant, et finalement s’écoutant peu. Les entrepreneurs de la French Tech dénoncent l’impossible application de la taxe Zucman à l’univers des startups, le risque d’exil fiscal et de rachat de nos fleurons Français.
Le camp de ceux qui réclament une contribution accrue des plus hauts patrimoines rappelle, chiffres à l’appui, que ces derniers paient proportionnellement moins d’impôts que la classe moyenne. Le fond des arguments est entendable. Mais à force d’envolées lyriques et de punchlines, le débat s’éloigne de sa finalité.
Pour autant, il semble que le constat soit plutôt simple : comment concevoir, à l’heure où nous devons sortir le pays du “piège mortel” de la dette, que l’essentiel de l’effort continue de reposer sur la classe moyenne, déjà soumise au taux moyen d’imposition le plus élevé ? Comment concevoir que le milieu patronal, qui hier s’inquiétait de l’instabilité politique suite au renversement du gouvernement Bayrou, ne souhaite aucun compromis avec la gauche pour voter le budget dont la France a besoin ? Mes camarades de la French Tech dénoncent l’absence de considérations pratiques d’économistes jugés comme étant hors-sol, car déconnectés des réalités du terrain entrepreneurial. Sans intégrer une seule seconde la dimension politique du problème.
La question est pourtant claire :
Mieux vaut-il s’accorder avec 86% des Français sur la nécessité d’une plus grande justice fiscale (Sondage Ifop sur la taxe Zucman), et ainsi trouver une majorité à l’Assemblée Nationale pour voter le budget 2026 ? Ou bien risquer la dissolution de l’Assemblée, hautement probable en cas d’impasse, avec tous les dangers qu’elle implique en termes d’instabilité et de poussée des extrêmes ?
Exonérer les jeunes pousses, sans renoncer à la réforme
Des ajustements relatifs à la taxe Zucman sont bien entendu nécessaires à faire. Exonérer les patrons d’entreprises ayant moins de 5 ou 10 ans par exemple, pour éviter d’étrangler des prodiges français tels que Mistral AI, mais aussi introduire une véritable progressivité de la taxe. Autrement dit, ne pas appliquer le même taux à un patrimoine de 100 millions et à un de 100 milliards.
N’est-il pas plus utile de nous mettre sérieusement autour de la table pour discuter sur la base d’un objectif de meilleure répartition des efforts fiscaux, plutôt que de jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Mettre la Tech au service du bien commun
C’est d’ailleurs ce que nous invite à faire Arthur Mensch, CEO de Mistral AI, quand il appelle à sortir d’une polémique qui oppose stérilement deux camps refusant chacun d’entendre l’autre.
Patrons de la Tech, cessons les jérémiades. Mettons plutôt notre connaissance fine des enjeux économiques et de la réalité entrepreneuriale au service d’un objectif collectif : une société plus apaisée, plus juste, qui préserve à la fois l’innovation et la cohésion sociale. La survie de notre écosystème dépend aussi de la stabilité politique. Et cette stabilité ne pourra venir que d’un compromis fiscal accepté par toutes les parties prenantes.
À lire également : French Tech face à la taxe Zucman : un équilibre complexe à trouver entre fiscalité et innovation

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits