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Pourquoi Nicolas Hulot A Claqué La Porte Du Gouvernement

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Estimant que les enjeux environnementaux méritaient davantage qu’une « politique des petits pas », Nicolas Hulot a (enfin) pris ses responsabilités et a, contre toute attente, annoncé ce mardi matin en direct sur France Inter sa démission du gouvernement.

Une véritable onde de choc en cette rentrée politique.  Alors que l’exécutif semblait avoir profité de l’été pour tenter, avec plus ou moins d’habileté, de panser les plaies de « l’affaire Benalla », Emmanuel Macron et Edouard Philippe doivent faire face, en cette rentrée, à  un nouveau « caillou » dans leur chaussure : la démission  du numéro 2 du gouvernement, l’emblématique et le (très) médiatique ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot. Interrogé ce matin sur France Inter par le tandem Nicolas Demorand et Léa Salamé, l’ancien présentateur vedette de TF1 a déclaré « ne plus vouloir se mentir » et a donc acté sa sortie d’un gouvernement où il n’a jamais réellement trouvé sa place, tout en déclarant qu’il s’agissait de la décision la plus difficile de sa vie. « J’espère que cette décision qui est lourde, qui me bouleverse, qui mûrit depuis de longs mois ne profitera pas à des joutes ou à des récupérations politiciennes », a-t-il asséné, précisant au passage que ni Emmanuel Macron ni Edouard Philippe n’étaient au courant de cette « sortie » en direct. Les deux têtes de l’exécutif l’auront donc appris en même temps que les auditeurs de France Inter.  Et de poursuivre son explication. « C’est une décision que j’ai prise tout seul. Personne n’était au courant, y compris ma propre épouse. Si je les avais prévenus avant, peut-être qu’ils m’auraient une fois encore dissuadé ». Sincèrement éprouvé d’avoir avalé tant de couleuvres en un peu plus d’un an de présence au gouvernement, Nicolas Hulot a encore dû, pas plus tard que ce lundi soir, se résigner à la réduction de moitié du coût du permis de chasse, lors d’une réunion avec des chasseurs auxquels s’était mêlé le « lobbyiste » de la chasse traditionnelle Thierry Coste. L’occasion de dénoncer « l’influence des lobbies dans les cercles de pouvoirs ». 

Une goutte d’eau qui a donc fait déborder un vase déjà  bien rempli. « Pour moi, c’était symptomatique et c’est probablement un élément qui a achevé de me convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner », a argué l’intéressé, ajoutant tout de même que la divergence sur le coût du permis de chasse susmentionné était loin d’être la seule raison de sa spectaculaire démission.  Du côté de l’Elysée, silence radio ou presque. Le « Palais » s’est fendu d’une simple déclaration soulignant avoir « pris acte » de la démission de Nicolas Hulot tout en confirmant que le chef de l’Etat n’était pas au courant de sa volonté de jeter l’éponge lorsqu’ils se sont parlé lundi soir, au sujet de cette fameuse réforme de la chasse. « Nicolas Hulot peut être fier de son bilan mais l’engagement du gouvernement en matière environnementale reste intact », a poursuivi l’Elysée.  Pour autant, Nicolas Hulot n’a pas tenu à alimenter une quelconque polémique entre le Président et le Premier ministre, maniant avec une certaine maestria la langue de bois, ou une certaine forme de diplomatie, c’est selon. « Sur les sujets que je porte, nous n’avons pas la même grille de lecture ». Nicolas Hulot est également revenu sur sa « cohabitation » difficile avec le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert avec lequel les relations étaient quelque peu tendues. Doux euphémisme.

« Je ne veux plus me mentir »

« Je n’ai pas réussi, par exemple, à créer une complicité de vision avec le ministre de l’Agriculture (…) On se fixe des objectifs mais on n’en a pas les moyens. Avec les contraintes budgétaires, on sait très bien à l’avance que les objectifs que l’on se fixe, on ne pourra pas les réaliser. Alors, nous faisons des petits pas et la France en fait beaucoup plus que d’autres pays mais est-ce que les petits pas suffisent ? La réponse est non ». Une sincérité suffisamment rare en politique pour être soulignée et qui tranche nettement avec son précédent propos sur « la grille de lecture différente » entre le désormais ancien ministre et l’Elysée et Matignon.  Une démission qui donne du grain à moudre à l’opposition, déjà ragaillardie par l’affaire Benalla, qui a profité de l’aubaine pour poursuivre son travail de pilonnage de la politique menée par le chef de l’Etat. Ou plutôt de sa manière de faire de la politique. « Cette démission est le reflet des conséquences des ambiguïtés des politiques de Macron. Je peux comprendre que Nicolas Hulot se sente trahi, comme aujourd’hui pas mal de Français, par des promesses fortes qui avaient été faites et le sentiment qu’à l’arrivée elles ne sont pas tenues », a estimé Laurent Wauquiez, chef de file des Républicains. Aux antipodes de l’échiquier politique, la réaction de Jean-Luc Mélenchon insistait sur les errements du « macronisme ». « La démission de Nicolas Hulot fonctionne comme un vote de censure contre Macron. Il confirme le diagnostic de mon discours de samedi. La macronie commence sa décomposition. »

Une « vision » sans doute quelque peu prématurée, mais le leader de la France insoumise n’en a cure, ne souhaitant pas bouder son plaisir de voir une épine de plus s’enfoncer dans le pied du président de la République.  De son côté, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a tenté, avec plus ou moins de doigté, de déminer le terrain, les éléments de langage n’ayant pas pu être rédigés dans les temps au regard du « timing » et d’une démission qui a pris tout le monde de court. « Je ne comprends pas qu’il renonce alors qu’on a eu une première année avec beaucoup d’accomplissements qui sont à mettre à son crédit. Il n’a pas gagné tous ses arbitrages mais c’est le lot des ministres (…) Il faut parfois savoir faire des accords et se dire que le petit pas qu’on a réalisé aujourd’hui permettra demain de faire un plus grand pas encore. » Mais visiblement les « petits pas » ont achevé d’échauder un ministre désireux de retrouver sa liberté, loin des convenances et des « petits arrangements entre amis ». Un avertissement en bonne et due forme pour un gouvernement qui aurait aimé aborder « l’an II » de son action avec davantage de sérénité. 

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