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Les inégalités, le véritable défi du prochain quinquennat ?

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Cette tribune revient sur un des défis économiques du prochain quinquennat, thématique des Nocturnes de l’Economie des JECO du 9 mars 2022, à la Sorbonne. Pour en savoir plus : http://www.journeeseconomie.org/index.php?arc=e27


 

 

 

Rarement une campagne présidentielle aura été aussi pauvre en débats sur les thématiques économiques et sociales en France. A croire que nous ne sortons pas d’une double crise sanitaire et économique, et que les sujets économiques manquent… loin de là ! Et quand ils sont évoqués par certains candidats, que cela soit sur le pouvoir d’achat, la souveraineté industrielle ou les solutions face à l’urgence climatique, les échanges n’en restent pas moins pauvres ou, dans le meilleur des cas, approximatifs.

Quelle que soit l’issue de cette présidentielle, s’il existe bien un défi majeur en France pour le prochain quinquennat, voire la prochaine décennie, c’est celui de la réduction des inégalités.

 

Des inégalités persistantes et protéiformes

Il est habituel de considérer les inégalités à travers le prisme des écarts de rémunération. Après près de deux décennies de réduction progressive des inégalités de revenu (mesuré par l’indice de Gini), un changement de tendance a été enregistré en France après la crise financière mondiale de 2007, où ces inégalités ont eu tendance à se raviver avant de se stabiliser au milieu des années 2010, selon la Banque Mondiale.

Certes, le modèle social français prémunit contre le creusement de certaines inégalités, la France enregistrant notamment un des plus faibles taux de pauvreté en Union Européenne (13,8 % contre 16,8 % en moyenne dans l’UE en 2019, selon l’NSEE). Toutefois, cette situation ne saurait masquer un écart toujours significatif en termes de niveau de vie en France Métropolitaine. En effet, les 10 % les plus aisés touchent en moyenne 3,4 fois plus que les 10 % les moins aisés depuis 20 ans, selon l’INSEE. En intégrant les actifs immobiliers et financiers, l’écart est encore plus important, le patrimoine net des 10 % les plus aisés représentant 211,4 fois celui des 10 % les moins aisés (chiffre INSEE de 2018). En l’espace de 20 années, la succession de politiques publiques n’aurait donc pas permis de réduire les inégalités, alors même que ce phénomène est identifié comme étant un des écueils des économies développées, contribuant à une croissance économique « molle ».

Par ailleurs, appréhender les inégalités sous le seul angle des revenus et du patrimoine s’avèrerait incomplet. Les inégalités salariales résultent en effet d’autres formes d’inégalités ou se cumulent : l’accès aux services publics entre les territoires (infrastructures, santé, éducation, sécurité), au logement, à la formation et à l’emploi, les discriminations (de genre, de classe, d’âge) ou encore l’exposition aux risques climatiques, etc. Parfois moins facilement mesurables, ces inégalités n’en restent pas moins des vecteurs de précarité économique et sociale, contribuant à alimenter un clivage toujours plus important au sein de notre société. 

Au-delà des impacts négatifs sur la croissance économique, cette thématique centrale des inégalités recouvrerait donc un vaste ensemble des préoccupations contemporaines. Les initiatives privées peuvent certes se révéler intéressantes pour apporter des premiers éléments de réponse mais les autorités publiques doivent également saisir l’urgence et adapter les politiques publiques.

 

La tentation de ne pas faire le nécessaire, une aberration à l’ère de la data

Pour certains, la réduction des inégalités passera inéluctablement par une hausse des dépenses publiques, qui peut sembler inconcevable au vu du niveau de notre dette publique (près de 116 % du PIB en 2021). Il est bien sûr inévitable d’augmenter certaines catégories de dépenses, comme dans l’éducation des plus jeunes ou encore dans la santé. Pour la santé, un sujet assez étrangement absent du débat des élections en définitive, la crise du Covid-19 aura pourtant démontré les besoins abyssaux d’un hôpital public en surrégime et en sous capacité.

Au-delà des profondes incompréhensions sur les mécanismes et les contours de la soutenabilité de l’endettement public, se cacher derrière des impératifs de discipline budgétaire pour justifier l’absence de mesures concrètes contre les inégalités serait une grave erreur. Une erreur d’autant plus grande, que nous disposons depuis plusieurs années d’un atout essentiel pour révolutionner nos politiques publiques : la digitalisation accrue et l’accès à la data.

La profusion des données statistiques publiques et leur utilisation décuplent les capacités d’évaluation des politiques publiques et offrent des opportunités encore sous-exploitées à ce stade, en raison notamment d’un accès parfois difficile aux données. Leur usage permettrait d’évaluer combien de dispositifs sont mal calibrés (droits d’aide au logement de la caisse des allocations familiales par exemple), génèrent des effets d’aubaine ou ne répondent plus aux objectifs initialement visés. L’exploitation et les croisements de données pourraient très probablement permettre un recalibrage et une réallocation des dépenses et la récupération de recettes fiscales. Soit autant de ressources supplémentaires pour financer les dépenses nécessaires afin de répondre aux défis majeurs des prochaines années, sans risque de provoquer le creusement du solde public craint par certains.

 

Le volontarisme et la pédagogie au service de l’équité

Produire des évaluations ne sera toutefois pas suffisant. Il s’agira également d’avoir le courage de rompre avec des dispositifs qui auront pu créer des rentes de situation (cf. débat actuel plus dogmatique qu’analytique sur la fiscalité des droits de succession). Dès lors, le rôle des experts, particulièrement des économistes, ne peut être équivoque. Le renforcement de la pédagogie doit prendre le dessus sur les positions partisanes et combattre contre les idées reçues sera un des éléments clés pour guider les débats et favoriser la mise en place de politiques publiques nécessaires.

Pour être efficace, ces politiques de lutte contre les inégalités devront adopter une vision plus large, en conservant le principe d’égalité, cher à notre pays, et surtout en intégrrant davantage un principe d’équité.

Victor Lequillerier, Vice-Président et économiste chez BSI Economics

 

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