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Donald Trump pourrait devenir le principal adversaire de Tesla

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Le président américain Donald Trump s’exprime lors d’une conférence de presse avec Elon Musk dans le Bureau ovale à la Maison-Blanche, à Washington, le 30 mai 2025. Getty Images

Entre les nouveaux droits de douane, la suppression probable des crédits d’impôt pour les véhicules électriques et sa guerre ouverte avec une administration Trump autrefois alliée, Elon Musk risque de créer de sérieux ennuis à Tesla.

 

La situation était déjà critique chez Tesla. Mais la rupture spectaculaire entre Elon Musk et Donald Trump, dans un échange d’insultes et de menaces jeudi, pourrait causer bien plus de tort à l’entreprise que la chute des ventes, l’absence de nouveaux modèles ou la réputation en berne de la marque. Elle ouvre la voie à de potentielles représailles fédérales de la part d’une administration revancharde.

Avec tout l’appareil fédéral à sa disposition, Trump dispose de plusieurs leviers pour faire pression sur Tesla. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) enquête déjà depuis longtemps sur les fonctions Autopilot et Full Self-Driving, impliquées dans plusieurs accidents mortels. La SEC pourrait être poussée à s’intéresser de plus près aux déclarations publiques de Musk sur son entreprise, tandis que la forte dépendance de Tesla à la production chinoise pourrait également être passée au crible.


La NHTSA demande également à Tesla de fournir des informations sur son projet de robotaxis, alors qu’Elon Musk prévoit de lancer un programme pilote à Austin dès ce mois-ci. S’il n’existe pas de réglementation fédérale encadrant les véhicules autonomes, les États ont leur mot à dire – et Donald Trump pourrait en profiter. Il pourrait faire pression sur le gouverneur du Texas, Greg Abbott, pour bloquer le déploiement du service. « La surface d’attaque est impressionnante », résume un vétéran de l’industrie automobile, qui a souhaité rester anonyme pour pouvoir parler librement. « Le levier le plus simple à activer serait de relancer les enquêtes. Des dossiers qu’Elon pensait enterrés pourraient refaire surface. »

Les tensions entre les deux milliardaires ont éclaté au grand jour jeudi. Musk a violemment critiqué le budget « One Big Beautiful » porté par Trump, qu’il accuse d’alourdir massivement le déficit — un déficit que Musk dit vouloir réduire en promouvant la cryptomonnaie Dogecoin. La querelle, largement relayée sur X et Truth Social, a culminé avec une déclaration de Musk affirmant que Trump ne serait jamais arrivé au pouvoir sans lui, allant même jusqu’à soutenir l’idée d’une destitution.

Trump a répliqué en menaçant de mettre fin aux subventions et contrats gouvernementaux liés à Musk — en particulier les milliards de dollars que SpaceX perçoit pour ses missions spatiales. Dans l’entourage de Trump, certains alliés comme Steve Bannon, un critique de longue date de Musk, ont même appelé à l’ouverture d’une enquête sur l’entrepreneur, né en Afrique du Sud, et évoqué la possibilité de l’expulser.

Même sans aller jusqu’à l’escalade, les attaques publiques de plus en plus virulentes d’Elon Musk contre Donald Trump pourraient avoir des conséquences parmi les plus graves de l’histoire de Tesla. En tant que président, Trump a la main sur les agences fédérales et peut infléchir des politiques clés pour l’entreprise. Et il a prouvé à plusieurs reprises qu’il était prêt à s’en servir à des fins personnelles.

Premier contrecoup tangible : la chute brutale de l’action Tesla. Jeudi, le titre a plongé de 14 %, effaçant 152 milliards de dollars de capitalisation boursière — soit davantage que la valeur combinée de General Motors, Ford et Stellantis. Depuis le début de l’année, Tesla a perdu 30 % de sa valeur. « Une partie de cette réaction des marchés tient sans doute au fait que certains investisseurs misaient sur une alliance Musk/Trump susceptible d’aboutir à des mesures favorables à Tesla », explique Loren McDonald, analyste en chef chez Paren, une société spécialisée dans les données sur l’industrie des véhicules électriques. « Désormais, Trump n’a plus de raison d’être bienveillant à l’égard de Tesla ou des voitures électriques. Il peut revenir à sa rhétorique habituelle dépeignant les véhicules électriques sous un jour très négatif. »

Ross Gerber, investisseur de longue date et ancien soutien d’Elon Musk devenu l’un de ses détracteurs, partage ce constat. « Elon s’en prend à Trump, l’action Tesla s’effondre, Trump rend sa Tesla et dit qu’il s’est fait “Muské”. Rien de tout cela ne peut être bon pour les actionnaires. Mais franchement, qui se soucie de nous ? » a posté Ross Gerber, PDG de Gerber Kawasaki Wealth and Investment Management, dans un message furieux sur Threads. « Quelqu’un peut-il lui retirer ce téléphone ? WTF ! 🤬 Tesla est en train de se faire pulvériser. »

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Tweet d’Elon Musk sur X. Capture d’écran

Tesla, le géant américain des véhicules électriques, traverse un trimestre particulièrement difficile. Les ventes s’effondrent en Europe et en Chine, tandis que la hausse des coûts pèse lourdement sur les résultats. S’ajoutent à cela les droits de douane rétablis par Donald Trump sur l’acier, l’aluminium, les pièces détachées et les cellules de batteries chinoises — autant d’éléments qui alourdissent encore la facture pour le constructeur.

Comme si cela ne suffisait pas, le budget républicain soutenu par Trump — et que Musk rejette ouvertement — pourrait porter un nouveau coup dur à l’entreprise. Le texte, que Trump espère faire adopter dès le mois prochain, prévoit en effet la suppression des crédits d’impôt fédéraux à l’achat de véhicules électriques ainsi que des subventions destinées aux projets de batteries et d’énergies propres. Autant d’aides dont Tesla profite largement.

Sur Truth Social, Trump a affirmé jeudi que l’opposition de Musk au projet venait précisément de cette suppression des crédits. Une interprétation douteuse, Musk ayant plusieurs fois affirmé publiquement qu’il soutenait leur suppression. Il n’empêche : les chances de les voir réintégrés dans la version finale du texte paraissent désormais très faibles. « Maintenant que Musk s’est mis à dos Trump et une bonne partie du Parti républicain, il y a peu de chances que la Chambre et le Sénat conservent la moindre faveur fiscale pour Tesla », estime Loren McDonald, analyste chez Paren.

Le tempérament explosif de Musk n’est pas nouveau. Ces dernières années, ses déclarations publiques lui ont valu plusieurs ennuis, comme une lourde amende de la SEC — le régulateur boursier américain — et la perte de son poste de président du conseil d’administration après un tweet mensonger en 2018 où il affirmait avoir sécurisé les fonds nécessaires pour retirer Tesla de la Bourse. Peu après, il s’était retrouvé au cœur d’une affaire de diffamation pour avoir insulté un critique en ligne de « pedo guy ».

Ce genre de comportement inquiète les investisseurs, notamment les grands fonds publics. Beaucoup dénoncent l’inaction du conseil d’administration face aux débordements du PDG. « Aucun autre dirigeant d’une entreprise cotée n’aurait été autorisé à négliger autant ses fonctions », a déclaré cette semaine Michael Frerichs, le trésorier de l’État de l’Illinois, au magazine Forbes. « Et si un patron s’était livré à des activités personnelles nuisant à ce point à la réputation de son entreprise, aurait-on été aussi indulgent ? »

La crise pourrait encore s’aggraver. Désormais en guerre ouverte avec Musk, Trump dispose de nombreux leviers pour compliquer la vie de Tesla : enquêtes, obstacles réglementaires, ou encore blocage des projets de robotaxi très attendus par l’entreprise. « Avec Trump et Musk qui se comportent comme deux ados rancuniers, Trump pourrait tout faire pour freiner le lancement du robotaxi de Tesla », estime M. McDonald. « Je ne serais pas surpris qu’il commence à encenser Waymo en expliquant que Tesla a, en réalité, un énorme retard. »

 

Un article de Alan Ohnsman pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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