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Coronavirus : Vers Une Politique Vaccinale Européenne ?

politique vaccinale

L’accès aux futurs vaccins contre le coronavirus est soumis à une concurrence mondiale comparable à celle en matière de produits de première nécessité au cours de la première vague.

Afin de garantir l’accès des citoyens européens, la Commission européenne a bâti une stratégie en amont de l’identification du vaccin le plus adapté. Comment organiser l’imprévisible ? La Commission répond de deux manières : par la simplification du processus d’évaluation qui prend d’ordinaire environs 10 ans et la conclusion d’accords avec les entreprises engagées dans un tel développement afin de leur permettre de le supporter financièrement, quel que soit le résultat des développements engagés.

Au nombre des assouplissements nécessaires, citons notamment l’exception adoptée par la Commission aux exigences applicables aux organismes génétiquement modifiés qui peuvent entrer dans la composition des candidats vaccins (règlement (UE) 2020/1043 du 15 juillet 2020). Il est notamment prévu d’accorder, pour les essais cliniques de vaccins contre la COVID-19, une dérogation temporaire à l’évaluation préalable des risques environnementaux requise par la législation de l’UE relative à la dissémination volontaire dans l’environnement et à l’utilisation confinée d’OGM.

En outre, la Commission s’appuie sur la souplesse du système d’évaluation actuel qui prévoit déjà un système d’autorisation conditionnelle. Dans ce cadre, le rapport bénéfice risque du produit est bien considéré positif mais sur le fondement de données moins complètes que dans le cadre classique, données qui devront être enrichies en post commercialisation. Comme le rappelle la Commission, les États membres peuvent également accorder un accès plus rapide via les outils nationaux. Enfin, les délais procéduraux seront également resserrés.

Par ailleurs, mettant en avant qu’aucun Etat Membre ne dispose individuellement de la force financière suffisante, les États Membres ont mandaté la Commission dans la cadre de la mise en œuvre d’un appel d’offre centralisé visant notamment à négocier les prix des produits. Le financement accordé est considéré comme un acompte sur les éventuels vaccins qui seront effectivement achetés par les États membres et sera pris en compte dans les conditions de l’achat final des vaccins. Cette opération, estimée à 2,4 milliards d’euros, sera financée via l’instrument d’aide d’urgence. Si des fonds supplémentaires sont nécessaires, les États membres ont la faculté de les compléter. Pour autant, la clef de répartition des vaccins annoncée n’est pas dépendante de l’investissement potentiel des États mais de leurs populations respectives.

Cette démarche s’inscrit dans les prévisions du règlement (UE) 2016/369 vise à fournir un ensemble de règles concernant l’aide humanitaire d’urgence octroyée aux pays de l’Union européenne lors de catastrophes d’origine humaine ou naturelle aux termes duquel la Commission peut s’engager dans le cadre de la passation de marché par la Commission au nom des pays de l’UE. Afin d’accélérer l’attribution et l’exécution des contrats résultant des procédures de passation de marché, le règlement autorise certaines dérogations au règlement (UE, Euratom) 2018/1046, le règlement financier de l’UE. En application de ces dispositions, les États membres pourront acquérir le ou les vaccins finalement mis sur le marché directement, ce sans recourir à une procédure nationale. Pour mémoire, la Commission avait déjà lancé quatre procédures conjointes de passation des marché afin de permettre aux États membres de pouvoir disposer de produits de santé jugés indispensables, applicable notamment aux masques et respirateurs, à la qualité parfois décriée (voir le rapport Rapport d’information du Sénat sur l’Union européenne et la santé 16 juillet 2020 sur l’Union européenne et la santé n° 648 (2019-2020) de Mmes Pascale GRUNY et Laurence HARRIBEY, fait au nom de la Commission des affaires européennes, déposé le 16 juillet 2020). Elle franchit ici un pas supplémentaire.

En l’espèce, la stratégie décrite, qui ressemble à la mise en place d’une centrale d’achat, organise un partage de risque : à la Commission revient celui lié au respect de la procédure de passation et à la rédaction des contrats et aux États membres celui attaché aux produits visés dans le cadre de « leur déploiement et (leur) utilisation des vaccins y compris toute indemnisation particulière exigée par un contrat d’achat anticipé donné ». Le cadre proposé est « une police d’assurance » au bénéfice des entreprises candidates. De fait, les responsabilités sont intriquées : la partie du risque pesant sur les États, associés à la démarche de choix des candidats subventionnés, serait fonction de la rédaction des clauses de responsabilité négociées par la Commission.

 

Certains de ces aspects figurent également parmi les critères de sélection des entreprises candidates mis en avant par la Commission, au nombre desquels le partage des risques dans les deux hypothèses susceptibles de se réaliser « à savoir a) la production d’un vaccin concluant ou b) l’absence de vaccin » et la couverture de responsabilité spéciale dont les entreprises auraient éventuellement besoin.

 

A ce jour, plusieurs contrats ont été conclus sans que les termes précis n’aient été révélés, conformément à ce qui relève du secret des affaires. La stratégie dévoilée par la Commission donne néanmoins des détails précieux sur leur contenu :

  • les paiements attendus (les montants, le calendrier et la structure financière),
  • les modalités de fourniture du vaccin, si et quand il sera concluant, notamment le prix par personne vaccinée, la quantité de vaccins et le délai de livraison après approbation. La démarche conduit donc à un prix européen, ce qui est tout à fait remarquable.
  • et toute autre modalité pertinente. Sont citées la capacité de production dans l’UE, au cœur d’un souci de relocalisation de la production des produits de santé, ainsi que la possible disponibilité des installations de production pour la fabrication d’autres vaccins ou médicaments en cas d’échec.

 

Dans la mesure où les entreprises concernées ont pris des engagements avec d’autres marchés en dehors de l’UE, les obligations relatives aux quantité et délai de livraison, ainsi que les sanctions en cas de non-fourniture, sont naturellement absolument cruciales pour garantir un accès concret au vaccin.

Le 21 août, la Commission européenne a en outre décidé d’enregistrer l’initiative citoyenne européenne «Droit aux vaccins et aux traitements». Les organisateurs de l’initiative appellent l’Union à «faire passer la santé publique avant les profits privés [et à] garantir que les vaccins et traitements antianémiques deviennent un bien public mondial, librement accessible à tous». Se fondant sur les articles 114, 118 and 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ils demandent à la Commission de proposer toute réglementation afin, notamment, que les droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets, n’entravent ni l’accès ni la disponibilité de tous vaccin futur contre le coronavirus ou tout autre traitement et que soient prévues des obligations pour les bénéficiaires des fonds européens au titre de la transparence des contribution publiques. De fait, les conditions et délais encadrant cette démarche semblent difficilement compatibles avec les actions déjà engagées.

Il demeure qu’il s’agit d’une illustration du besoin de transparence des citoyens européens nécessaire à la confiance dans la stratégie déployée, jusqu’ici efficacement par la Commission. Alors qu’est décrite une méfiance des populations à l’égard des vaccins en devenir, il y a donc urgence à instaurer la confiance qui déterminera l’adhésion des citoyens, notamment les plus fragiles visés prioritairement par la campagne vaccinale à venir. Déjà, en février dernier, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques avait envisagé l’hésitation vaccinale et pointé « l’information, et sa bonne circulation entre les autorités de santé, les journalistes, les scientifiques et les citoyens » comme le principal outil à mobiliser par les autorités publiques. Cet avis sonne comme un avertissement pour le succès de la possible campagne à venir.

Par Diane Bandon-Tourret

Avocat associé – Département Industries de santé – LexCase

 

 

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