Ses deux prédécesseurs en avaient fait leur cheval de bataille. Sébastien Lecornu réussira-t-il là où les autres se sont cassé les dents ? La question de l’endettement français se révèle être une épine dans le pied du Premier ministre pour le futur budget. Qui plus est lorsque celui-ci ne fait qu’augmenter et que le gouvernement ne dispose pas de majorité pour faire adopter son texte à l’Assemblée nationale. Lui veut y croire en tout cas. « On va y arriver », a lancé le nouveau locataire de Matignon lors de la passation des pouvoirs, le 10 septembre, « parce qu’au fond, il n’y a pas de chemin impossible ».
Mais derrière ces déclarations volontaristes, l’ancien ministre des Armées est bien obligé de reconnaître que, ces derniers mois, la montagne de, que dire, l’« Himalaya » de l’endettement n’a fait que gagner en ampleur. Selon l’Insee, la dette tricolore a encore progressé de 70,9 milliards d’euros au deuxième trimestre, pour atteindre 3 416,3 milliards d’euros fin juin. Soit une hausse de 187 milliards sur un an (+ 6 %).
Le Budget 2025, préparé par le gouvernement Barnier mais adopté sous Bayrou, n’a donc pas permis d’inverser la tendance. Le Béarnais avait pourtant multiplié les prises de parole – et les gels de crédits – pour alerter sur l’état des finances publiques. Le tout pour un résultat qui est loin d’être acquis. Alors que l’exécutif tablait sur une réduction du déficit public à 5,4 % du PIB, certains – à l’instar de Charles de Courson, co-rapporteur du Budget à l’Assemblée nationale – estiment qu’il devrait finalement grimper à 5,6 % voire 5,8 %, en raison d’une consommation plus faible qu’attendu.
Une problématique ancienne
Pour contenir le déficit et donc mécaniquement la dette (même si celle-ci peut refluer ponctuellement malgré un déficit en hausse, comme en 2023), l’actuel maire de Pau avait présenté un important programme d’économies de 44 milliards d’euros, qui lui a finalement coûté sa tête. À charge désormais de Sébastien Lecornu de résoudre cette épineuse équation.
La situation n’est pourtant pas nouvelle. La dette est en constante augmentation depuis la fin des années 90. La raison ? Aucun exercice budgétaire n’a été bouclé à l’équilibre depuis 1975. En clair, les dépenses de l’État dépassent systématiquement ses recettes. Suffisant pour que pléthore de politiques et autres chroniqueurs qualifient l’État français d’« obèse ». Pour autant, selon Mathieu Plane, économiste à l’OFCE cité par La Tribune, la hausse récente du déficit découle surtout de la réduction des impôts sans contrepartie budgétaire, combinée à une croissance plus faible que prévu, donc moins génératrice de recettes fiscales.
Difficile toutefois d’imaginer Sébastien Lecornu remettre en cause la politique fiscale mise en place par Emmanuel Macron depuis 2017. La question d’une plus forte taxation des plus fortunés et des grandes entreprises est sur la table – comme presque à chaque budget -, mais le plus gros de l’effort devrait cibler la réduction des dépenses publiques.
De nombreuses consultations
Il revient désormais à Sébastien Lecornu de fixer l’ampleur de l’effort budgétaire nécessaire pour réduire le déficit public en 2026, et donc contenir la dette, tout en évitant de provoquer une fronde qui pourrait lui coûter son poste. La droite se dit prête à accepter un ajustement d’environ 35 milliards d’euros, tandis que les socialistes plaident pour une trajectoire plus limitée, autour de 22 milliards. Les députés insoumis ont appelé mercredi les autres groupes de gauche à déposer une motion de censure commune dès l’ouverture de la session parlementaire, le 1er octobre.
Dans ce contexte, le Premier ministre multiplie les consultations, avec les partis politiques, mais aussi les partenaires sociaux. Sans succès jusqu’ici également. Reçue mercredi, l’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires) a quitté la réunion sur une note amère, déplorant l’absence de réponses concrètes aux revendications des salariés. Elle a d’ores et déjà fixé une nouvelle journée de mobilisation le 2 octobre, après celle du 18 septembre jugée réussie. Du côté patronal, le Medef a annoncé la tenue le 13 octobre d’un meeting contre « la dangerosité » du débat fiscal.
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