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Arrêtons d’opposer État et entreprises

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On entend souvent que l’État freine l’économie, que l’impôt étouffe l’innovation et que l’entreprise n’a besoin de personne pour se développer. Ce discours, répété à longueur de débats, alimente un fantasme : celui d’un capitalisme pur et indépendant, affranchi de toute intervention publique.

Une tribune écrite par Dubart, membre du conseil d’administration de Face Grand Lyon, multientrepreneur : Revolucy, Complisoft

 

La réalité est tout autre : une grande partie du secteur privé vit grâce à l’argent public. Le nier entretient une hypocrisie collective et détourne le débat de la vraie question : non pas s’il faut plus ou moins d’État, mais pour qui et comment l’État doit agir.

 


Quand le public finance le privé

L’éducation en est un exemple frappant : en 2022, près de 10,4 milliards d’euros de financements publics ont été versés aux établissements privés sous contrat, soit près de 15% du budget de l’Éducation nationale (selon la Cour des comptes). Dans le même temps, 4 035 postes d’enseignants ont été supprimés dans l’enseignement public.

Autrement dit, on retire des moyens au public pour financer le privé. Résultat : des filières publiques sous tension, des classes qui ferment, et un report vers le privé… qui prospère grâce à cet argent public.

Ce mécanisme se retrouve ensuite dans la formation professionnelle. L’apprentissage suit la même logique. Ce ne sont pas les entreprises qui paient la totalité du coût des formations : l’essentiel est couvert par l’OPCO et l’État, via les cotisations et les impôts. L’apprentissage est massivement soutenu par des fonds publics alors que le coût des formations a augmenté considérablement dans les 10 dernières années.

En revanche, très peu de distinction sont faites entre des TPE, PME, ETI et grandes entreprises. Par exemple, depuis le 1er juillet 2025, toute entreprise recrutant un alternant doit payer une taxe de 750€ par contrat, quelle que soit sa taille.

Le soutien de l’Etat ne s’arrête pas là. Même constat du côté de la commande publique : en 2023, elle a représenté 100 milliards d’euros, dont la moitié émane des collectivités locales. Les PME en captent près de 50 %, mais de nombreux marchés aboutissent à des filiales de grands groupes. Ces mêmes groupes dénoncent la « lourdeur » de l’État… tout en faisant de lui leur premier client.

De plus, selon le rapport de la commission d’enquête sénatoriale rendu en 2025, les aides publiques aux entreprises représentaient 211 milliards d’euros en 2023 et sont le premier budget de l’Etat. Plus précisément, 42 % de ces aides publiques ont bénéficié aux grandes entreprises, 35% aux ETI et 23 % aux PME.

 

Un État au service de ceux qui créent

Ce que révèlent ces exemples, c’est une contradiction profonde : on dénonce la fiscalité, les subventions ou la « bureaucratie », tout en profitant largement des financements et commandes publiques. On oppose public et privé alors qu’ils sont interdépendants. L’État-providence n’est pas l’ennemi du monde économique : il en est souvent sa condition d’existence.

La vraie question n’est pas de savoir s’il faut plus ou moins d’État, mais comment l’État peut agir de manière plus juste et plus efficace. Aujourd’hui, une part considérable de l’argent public bénéficie à ceux qui en ont le moins besoin : grands groupes, écoles privées élitistes, startups surfinancées se développant pendant des années sans obligation de rentabilité.

Il est temps de réorienter ces moyens vers les TPE et PME qui créent de la valeur réelle dans les territoires, prennent de vrais risques et contribuent à l’économie locale. Ce sont elles qui incarnent l’esprit entrepreneurial et qui devraient bénéficier en priorité du soutien collectif.

Loin d’être un frein, l’État doit redevenir un partenaire stratégique, qui investit là où son action a le plus d’impact, sans céder aux sirènes populistes d’austérité et de diminution du nombre de fonctionnaires au profit de grandes entreprises souvent bien plus onéreuses.

 


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