De la zone industrielle caennaise aux hôtels ensoleillés du Cameroun, Nikki Beuneiche insuffle à chaque contrainte l’élan d’une vision audacieuse, créative et poétique.
Une identité forgée dans la diversité
Certains professionnels se distinguent par leur capacité à embrasser une grande variété de disciplines. C’est précisément le cas de Nikki Beuneiche, qui navigue entre architecture, design et architecture d’intérieur avec une aisance qui puise ses racines dans une formation atypique. D’abord l’École Camondo à Paris pour maîtriser l’échelle intérieure et le design d’objet, puis l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Malaquais pour appréhender l’urbain. Au préalable, une année de design graphique à Caen, qui a aiguisé son regard sur la composition et l’harmonie visuelle.
Cette formation éclectique, renforcée par trois années en agence en Suisse, a construit son approche méthodologique. « L’objectif principal de l’atelier est d’avoir des clients et des partenaires satisfaits et fiers du projet accompli ensemble », résume Nikki. Depuis 2018, son Atelier à Caen cultive cette philosophie collaborative, traitant avec la même exigence les rénovations patrimoniales et les créations contemporaines, des maisons individuelles aux projets hôteliers. Cette diversité nourrit une créativité qui refuse les solutions toutes faites.
Quand l’industrie rencontre la sensorialité
À Caen, dans une zone industrielle où dominent enrobé gris et hangars fonctionnels, le restaurant Musa Giorgia crée le contraste. Cette transformation radicale d’un espace commercial banal en voyage sensoriel vers l’Italie illustre l’approche de Nikki Beuneiche : partir des contraintes pour créer l’inattendu. Marbres précieux, velours imprimés, zelliges et laiton composent une partition visuelle qui fait oublier l’environnement industriel. Un bar central monumental, couronné d’une fresque céleste peinte sur mesure, redéfinit l’espace. « Pour moi, l’Italie, ce sont les matières riches », explique l’architecte.
Cette philosophie de la transformation trouve son expression la plus aboutie dans ses projets patrimoniaux. Le château de la Bribourdière, en Basse-Normandie, premier défi d’envergure en 2018, condensait toutes les complexités du métier : contraintes réglementaires, respect historique, viabilité économique. Cette rénovation révèle la capacité de l’architecte à concilier préservation du patrimoine et modernité. « C’est un projet qui me tient à cœur, autant par son envergure que par son côté patrimonial qui m’inspire beaucoup », confie-t-elle. Cette reconversion offre aujourd’hui au château une nouvelle vie, alliant respect du patrimoine et usage contemporain.
Du local au global, les défis de l’expansion
L’Afrique n’était pas dans les plans de développement de l’atelier d’architecture Nikki Beuneiche. Pourtant, un projet hôtelier au Cameroun, prévu pour 2026, révèle comment l’architecture peut transcender les frontières. Cette commande est née d’un coup de cœur : une propriétaire camerounaise, séduite par l’une de ses réalisations à Caen, a sollicité Nikki pour son hôtel de Yaoundé. Onze chambres et sept suites sur une parcelle offrant une vue dégagée, conception entièrement pilotée depuis la Normandie : le projet concentre tous les défis de l’internationalisation d’un savoir-faire.
Les obstacles logistiques auraient pu décourager : acheminement par containers, coordination à distance, adaptation aux matériaux locaux. L’architecte normande s’est pourtant rendue sur place pour rencontrer les menuisiers camerounais et sélectionner les essences de bois. « J’ai la chance d’exercer un métier passionnant où les clients viennent me voir pour concrétiser leurs rêves plutôt que pour résoudre des problèmes », explique-t-elle. Cette dimension humaine du métier, qui transforme les difficultés en opportunités créatives, dessine une nouvelle géographie de l’architecture contemporaine. Du château normand à l’hôtel africain, l’atelier Nikki Beuneiche prouve que la créativité architecturale peut s’affranchir des frontières sans perdre son authenticité.