Rechercher

“Quiet Vacationing” : ces salariés en vacances… sans le dire

gettyimages 1142385434 170667a
“QUIET VACATIONING” : ces salariés en vacances... sans le dire

Par opportunisme grâce au télétravail ou par peur de s’absenter vis-à-vis de l’employeur, certains salariés optent pour des vacances en toute discrétion alors qu’ils sont censés travailler. Cette pratique déloyale appelée “Quiet Vacationing” peut cacher un mal plus profond que l’entreprise doit traiter…

Une contribution par Vesna PAJOVIC, experte en recrutement au MERCATO DE L’EMPLOI

 

Les vacances “en douce”

Selon une enquête de The Harris Poll pour Citrix en 2023, 28 % des employés américains partent désormais en “vacances secrètes”, travaillant depuis des plages du Costa Rica ou des cafés parisiens, sans jamais poser officiellement de congés, ni informer leur employeur. Ce chiffre ne reflète pas une prouesse technologique, mais le symptôme d’une culture d’entreprise abîmée où une part significative de la main-d’œuvre se sent obligée de masquer ses moments de repos. Aux États-Unis, certains travailleurs de la tech programment leurs e-mails à distance tout en explorant le monde. Ils utilisent des VPN et des outils simulant leur présence pour maintenir l’illusion d’une activité normale. Les agents IA permettent aussi de planifier et d’exécuter des tâches complexes de façon autonome et de libérer du temps pour le collaborateur. Alors, pourquoi cette démarche ? Selon une étude récente de l’American Psychological Association, 78 % des travailleurs américains craignent de prendre tous leurs congés payés, Cette peur n’est pas irrationnelle : elle reflète une culture toxique où être absent est perçu comme un manque d’engagement. Elle traduit une peur du jugement managérial. En France, le télétravail depuis un lieu de vacances, en France ou à l’étranger, requiert l’accord préalable et l’information de votre employeur. Agir sans son consentement, notamment en cas de “quiet vacationing”, expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement, surtout si des problèmes de sécurité ou de confidentialité surviennent. Pourtant, certains franchissent encore le pas.

 

Les racines du mal

Ce phénomène révèle trois échecs fondamentaux du management dans l’entreprise. En premier lieu, la confusion entre présence et productivité. Comme le souligne Cal Newport dans son ouvrage “Slow Productivity”, nous utilisons la “pseudo-productivité” – l’activité visible – comme seul indicateur de performance. En effet, certains dirigeants accordent plus de crédit au présentéisme avec l’ordinateur allumé plutôt qu’aux résultats obtenus. Cette dissimulation démontre l’absence de confiance mutuelle entre les employeurs et les salariés. Enfin, ce travers illustre également notre incapacité à créer une culture où le repos est valorisé comme un investissement dans la performance. Les collaborateurs épanouis sont plus engagés et productifs. Le “quiet vacationing” nous montre l’inverse : des employés si stressés qu’ils préfèrent mentir plutôt que de demander ce qui leur appartient de droit.

 

Une nouvelle voie possible

Tout d’abord, les managers doivent montrer l’exemple en prenant eux-mêmes des vacances complètes, déconnectées. Des études comme celles de “Project: Time Off” de l’U.S. Travel Association ont montré que les salariés qui prennent tous leurs congés ont plus de chances d’être promus et d’être plus heureux au travail. Par ailleurs, le “quiet vacationing” est un miroir qui reflète notre échec collectif à créer des environnements de confiance entre salarié et employeur. En effet, la confiance doit remplacer la surveillance et la performance doit supplanter le présentéisme. La solution ne réside pas dans la surveillance accrue des heures travaillées, mais dans un choc culturel orienté exclusivement sur les résultats. L’avenir du travail ne se construira pas dans l’ombre des “vacances secrètes”, mais dans la lumière d’une culture d’entreprise qui respecte l’humain dans toute sa complexité.

 


À lire également : Avantages insolites au travail : véritables leviers de fidélisation ?

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC