Pour réussir sa transition d’un poste technique à un poste de direction, les atouts d’hier peuvent devenir les limites de demain. Le refus d’une promotion n’est pas obligatoirement le fruit de « magouilles » comme certains le croient. Bien souvent, les compétences dans lesquelles vous excellez et que vous continuez à mettre en avant dans votre rôle ne sont pas celles qui sont nécessaires pour obtenir une promotion.
Les compétences même dans lesquelles vous excellez peuvent devenir un obstacle inattendu à votre progression, et il est essentiel de savoir reconnaître cette transition pour continuer à avancer. Vous trouverez ci-dessous trois exemples où vos excellentes compétences techniques peuvent devenir un handicap, comment identifier ce changement et ce qu’il faut faire pour continuer à progresser dans votre carrière.
#1. La maîtrise technique vous freine
La première vérité dérangeante est que les compétences qui vous rendent indispensable à votre poste actuel peuvent être précisément celles qui vous empêchent d’obtenir une promotion. Prenons l’exemple d’un brillant ingénieur logiciel capable de déboguer n’importe quel système, mais qui a du mal à réfléchir de manière stratégique. Ou encore celui d’un comptable méticuleux dont les compétences analytiques éclipsent son potentiel de leadership. Vous pouvez continuer à perfectionner vos compétences techniques et à vous améliorer dans votre poste actuel, mais vous négligez l’importance d’une toute nouvelle catégorie de compétences dont vous avez besoin pour accéder à un poste plus élevé.
La progression de carrière traditionnelle, qui va de développeur junior à développeur senior, puis à architecte, illustre parfaitement ce piège. Chaque promotion exige des compétences fondamentalement différentes, mais de nombreux professionnels restent ancrés dans leurs bases techniques sans développer davantage leur sens des affaires ou leurs « compétences relationnelles », pensant à tort que les meilleurs techniciens ou spécialistes sont les candidats évidents pour diriger une équipe.
Lorsque vos évaluations de performance ne mettent en avant que vos compétences techniques exceptionnelles, il est peu probable que vous développiez de nouvelles compétences qui vous permettront de progresser. Idéalement, un manager axé sur la croissance vous offrira de manière proactive un environnement d’apprentissage à faible risque afin de retenir les meilleurs talents, car des études montrent que jusqu’à 63 % des employés quittent leur emploi en raison d’un manque d’opportunités d’évolution. Néanmoins, c’est en fin de compte votre carrière et donc votre responsabilité de faire savoir à votre manager et à votre direction que vous êtes prêt à relever un nouveau type de défi et, par conséquent, à acquérir de nouvelles compétences.
#2. Le piège de la complaisance : le monde avance sans vous
Le deuxième handicap découle de la complaisance et de la réticence à accepter le changement. Les compétences qui vous distinguaient autrefois ont une durée de vie limitée, en particulier dans l’environnement commercial en rapide évolution d’aujourd’hui. Pensez au professionnel du marketing qui maîtrisait la publicité traditionnelle, mais qui a ignoré la transformation numérique et maintenant l’IA, ou au responsable informatique spécialisé dans les systèmes hérités et qui n’est plus indispensable qu’à un nombre décroissant d’entreprises, alors que le cloud computing a révolutionné le secteur.
Ils ont supposé que leurs compétences éprouvées resteraient pertinentes indéfiniment, ou du moins à court terme, sans reconnaître que l’avantage concurrentiel nécessite une évolution constante. De plus, la complaisance conduit certains à croire que leur expérience dans le secteur et leur connaissance de l’entreprise leur suffiront pour conserver leur position. Même s’il manque une certaine expérience spécifique au secteur, un nouveau venu doté de nouvelles compétences peut néanmoins devenir plus précieux pour une entreprise qui s’efforce d’être compétitive.
Prenons l’exemple du personnel technique de Kodak, qui possédait une expertise de classe mondiale en photographie argentique. Leurs connaissances spécialisées sont devenues non seulement inutiles, mais aussi nuisibles, car ils ont résisté à la révolution numérique qu’ils avaient eux-mêmes initiée en interne.
#3. Le problème de la visibilité : l’excellence cachée à la vue de tous
Le troisième handicap est peut-être le plus frustrant. Vous possédez des compétences précieuses qui restent invisibles aux yeux des décideurs, car vous partez du principe que les compétences exceptionnelles ne nécessitent pas de marketing particulier et qu’elles devraient être évidentes.
De nombreux professionnels talentueux excellent dans les tâches en coulisses. Ils optimisent les processus, encadrent les membres de leur équipe et résolvent des problèmes complexes, mais ont du mal à communiquer efficacement leur impact. Ils partent du principe que leur travail parle de lui-même, sans se rendre compte que l’avancement professionnel nécessite une promotion active de soi-même et un positionnement stratégique.
Prenons l’exemple hypothétique d’un directeur des opérations hospitalières qui a augmenté de 10 % l’efficacité du réapprovisionnement en fournitures essentielles grâce à l’amélioration des processus, et qui attend une promotion et une reconnaissance qui ne viennent jamais. Si les grands dirigeants s’efforcent de reconnaître les talents, le directeur des opérations devrait faciliter le processus de reconnaissance : contextualiser l’importance d’une réalisation de 10 % par rapport à des comparateurs du secteur, recueillir des exemples d’impact sur les clients, les patients ou les collègues, ou traduire les gains d’efficacité en indicateurs définis dans les objectifs de l’entreprise, tels que la productivité ou les économies de coûts. Aidez-les à vous aider à obtenir la reconnaissance que vous méritez.
De plus, identifiez les moyens d’appliquer votre expertise à d’autres projets ou services. En tant qu’expert, vous êtes le mieux placé pour démontrer à quel point vos compétences sont transférables et peuvent avoir un impact que d’autres n’auraient pas envisagé.
Il ne s’agit pas de vous mettre en avant de manière inappropriée ou de mettre en avant vos compétences de manière maladroite. Considérez plutôt cela comme un moyen de partager votre travail de manière compréhensible pour les autres, en démontrant comment votre expertise peut être appliquée de manière innovante.
Vos compétences actuelles sont des tremplins
Les professionnels qui réussissent doivent continuellement évaluer leur portefeuille de compétences, en identifiant celles qui restent des atouts et celles qui sont devenues des handicaps. Cela nécessite une auto-évaluation honnête, le développement proactif de nouvelles compétences et la mise en avant de vos réalisations.
La solution ne consiste pas à abandonner l’expertise existante, mais plutôt à la compléter par des capacités tournées vers l’avenir, qu’il s’agisse de compétences techniques supplémentaires ou de nouvelles compétences en matière de leadership ou de gestion. L’analyste de données doit développer ses compétences en matière de narration. Le directeur des opérations doit s’exercer à la communication stratégique. Le spécialiste technique doit cultiver ses capacités en matière de développement commercial. De plus, les professionnels doivent savoir traduire leur expertise en valeur commerciale et communiquer efficacement cette valeur. L’excellence dans l’exécution doit aller de pair avec l’excellence dans l’expression.
Une contribution de Juliette Han pour Forbes US, traduite par Flora Lucas
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