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Quand l’IA dope les promotions mais accélère les plans sociaux

Quand l’IA dope les promotions mais accélère les plans sociaux
Quand l’IA dope les promotions mais accélère les plans sociaux
L’IA générative propulse certains salariés vers des promotions et des hausses de salaire, tout en servant de prétexte à des plans sociaux massifs chez les géants de la tech. Un paradoxe qui rebat les cartes du marché du travail.

Adoptée au bureau, l’IA générative peut à la fois être un accélérateur de carrière, mais aussi une menace pour l’emploi : fin octobre, plus de 25 000 suppressions ont été annoncées aux États‑Unis et plus de 20 000 en Europe. Le Future of Jobs Report 2025 du Forum économique mondial souligne que deux tiers des employeurs souhaitent recruter des spécialistes de l’IA, mais que 40 % prévoient aussi de réduire leurs effectifs là où la technologie automatisera des tâches. De la même manière, un rapport de Challenger, Gray & Christmas comptabilise plus de 10 000 licenciements dus à l’IA générative en sept mois aux États‑Unis, sur 806 000 coupes annoncées au total.

Pourtant, l’IA ne se traduit pas uniquement par des suppressions de postes : pour certains salariés, elle devient un tremplin de carrière. Selon une étude récente de Software Finder, les salariés qui l’utilisent voient leurs chances de promotion et leur salaire augmenter significativement. Publiée le 6 octobre 2025, l’enquête porte sur un panel de 1 000 professionnels à temps plein aux États‑Unis et met en lumière un phénomène marqué : 28 % des utilisateurs réguliers d’IA ont obtenu une promotion en un an, contre 15 % chez les non‑utilisateurs ; leur salaire moyen atteint 86 034 dollars, soit près de 20 000 de plus que les 67 709 dollars des non‑utilisateurs. Ces chiffres suggèrent que la maîtrise des outils d’IA devient un levier stratégique pour accéder à des responsabilités supérieures.

 

Un gain de productivité ?

Les salariés ne plébiscitent pas l’IA uniquement pour son effet sur la carrière. Près de 19 % des personnes interrogées l’utilisent fréquemment pour générer des comptes‑rendus de réunions. Et les bénéfices semblent avérés : une étude publiée dans The Quarterly Journal of Economics en mai 2025 a suivi 5 179 agents d’un service client équipés d’un assistant conversationnel. Les chercheurs ont constaté que l’accès à l’IA augmentait d’environ 13,8 % le nombre de chats résolus par heure, en réduisant le temps de traitement et en permettant de gérer plusieurs conversations en parallèle. L’effet est particulièrement marqué pour les agents les moins expérimentés, qui atteignent en deux mois le niveau de productivité d’agents ayant plus de six mois d’ancienneté. L’étude note aussi une amélioration du sentiment des clients et une baisse du turnover.


Une autre expérience de terrain menée en 2023 par des chercheurs de Harvard Business School et du Boston Consulting Group confirme que l’IA améliore la performance sur certaines tâches, mais peut la dégrader sur d’autres. Sur 18 missions de conseil appartenant à la « frontière » des capacités de GPT‑4, les consultants assistés accomplissaient 12,2 % de tâches supplémentaires et 25 % plus vite que le groupe de contrôle, avec un résultat 40 % meilleur. En revanche, sur une mission volontairement hors de cette frontière, l’IA faisait chuter de 19 points la probabilité d’obtenir la bonne réponse. Les auteurs distinguent deux profils d’usage : les « Centaure », qui répartissent explicitement les tâches entre eux et l’IA, et les « Cyborg », qui intègrent l’IA en continu.

Si elle a ses avantages, cette dépendance croissante aux outils d’IA comporte des risques. Près de la moitié des répondants (48 %) soulignent le manque de nuance des résumés générés par l’IA, et 41 % admettent avoir déjà manqué des informations essentielles parce que l’outil n’avait pas su les capturer. Un phénomène préoccupant émerge : 29 % des travailleurs, et même 43 % chez la génération Z, ont déjà sauté une réunion en comptant uniquement sur le résumé produit par l’IA. Les chercheurs de Harvard/BCG rappellent que l’IA peut dégrader la qualité des réponses lorsqu’elle est utilisée sur des tâches qui dépassent sa « frontière » et recommandent une relecture humaine systématique.

 

Rationalisation et suppression d’emplois

L’avantage individuel offert par l’IA s’accompagne d’un mouvement de fond : la rationalisation des effectifs dans les grandes entreprises. Reuters souligne qu’en octobre 2025, des groupes comme Amazon, Nestlé ou UPS ont annoncé des dizaines de milliers de suppressions de postes, avec un ciblage prononcé des fonctions administratives exposées à l’automatisation.

Amazon illustre cette tendance : après des rumeurs évoquant jusqu’à 30 000 suppressions possibles, le groupe a finalement confirmé environ 14 000 coupes « corporate » fin octobre 2025, en expliquant vouloir réduire les strates managériales et réinvestir dans l’IA. Ses propres entrepôts n’y échappent pas non plus : des documents internes évoquent l’objectif d’« aplatir la courbe des embauches », avec la possibilité « d’éviter » environ 160 000 recrutements d’ici 2027 et plus de 600 000 d’ici 2033. De son côté, Meta a également supprimé environ 600 postes dans ses équipes d’IA tout en continuant de recruter pour son laboratoire TBD dédié aux grands modèles (Llama) et à la super‑intelligence.

Autre poids lourd, cette fois-ci dans le secteur du conseil, Accenture s’est récemment engagé dans une restructuration rapide où l’IA est au cœur des décisions : plus de 11 000 emplois ont été supprimés en trois mois et d’autres départs sont annoncés pour les salariés « non requalifiables ». En parallèle, le groupe a doublé son nombre de spécialistes en IA et en données (77 000) et formé plus de 550 000 salariés aux fondamentaux de l’IA générative, tablant sur un chiffre d’affaires de 5,1 milliards de dollars en projets IA cette année. 

Le paradoxe se dessine : l’IA crée de nouvelles opportunités pour ceux qui s’y forment, mais marginalise ceux qui ne suivent pas le mouvement.

 


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