Managers, êtes-vous vraiment formés au dialogue social ?

Leadership, gestion du stress, conduite du changement, posture managériale, IA générative… Les managers n’ont jamais eu autant de formations à leur disposition. Et pourtant, une dimension essentielle de leur rôle est largement absente des parcours proposés : le dialogue social.

Une contribution d’Aymard Leclercq, fondateur de l’Académie Delegatio

En France, parler de dialogue social évoque trop souvent une affaire de spécialistes. Un sujet réservé aux RH ou aux élus du personnel. Dans la réalité du terrain, c’est bien le manager de proximité qui est en première ligne : celui qu’on sollicite pour faire remonter une revendication, celui qui assiste à une réunion du CSE sans trop savoir ce qu’il peut (ou doit) dire, celui qui doit réagir à une tension dans l’équipe en pleine négociation collective.

Le problème ? Il est rarement préparé à cela. Et cette impréparation a un coût.

Le grand malentendu

Le dialogue social est encore vu dans de nombreuses entreprises comme un “rituel institutionnel”, parfois vécu comme une contrainte ou un passage obligé. Or, il s’agit d’un levier stratégique de performance, de cohésion et d’innovation sociale.

Mais pour qu’il fonctionne, encore faut-il que tous les acteurs soient formés à y contribuer, et pas seulement les élus. Le dialogue social ne se résume pas à des réunions en salle de commission : c’est aussi, et surtout, le lien humain et quotidien entre la direction, les salariés et leurs représentants.

Dans un contexte de tensions sociales croissantes, d’exigences de transparence et de recherche de sens, les managers jouent un rôle pivot. Et pourtant, on leur demande souvent d’assurer cette fonction sans jamais leur en donner ni les outils, ni les repères, ni les codes.

Une compétence stratégique, et pourtant oubliée

Dans les entreprises que nous accompagnons, nous constatons un paradoxe flagrant : les managers sont nombreux à vouloir bien faire, mais peu osent dialoguer avec les élus. Par crainte de dire une bêtise, de mal interpréter un droit, ou simplement par méconnaissance des rôles et des règles.

Ce flou crée des malentendus, alimente des frustrations et bloque la circulation d’informations. Alors qu’avec quelques bases solides — sur le droit du travail, le fonctionnement du CSE, les bonnes pratiques de posture managériale — la majorité de ces blocages pourraient être évités.

Former les managers au dialogue social ne signifie pas en faire des juristes. Cela signifie leur permettre de comprendre les enjeux des relations sociales, de mieux communiquer avec les représentants du personnel, et de jouer leur rôle d’intermédiaire avec justesse et confiance.

Une urgence culturelle

Dans un monde du travail où les tensions se cristallisent vite — sur les salaires, les conditions de travail, le télétravail, les restructurations — il est devenu urgent de revoir notre culture managériale : le dialogue social ne peut plus être l’angle mort des politiques RH.

Les managers doivent faire partie intégrante de cette culture. Parce que ce sont eux qui font vivre, au quotidien, le lien entre les équipes et la direction. Et parce que ce sont eux qui peuvent désamorcer un conflit… ou, à l’inverse, l’aggraver malgré eux.

Aujourd’hui, ceux qui ont été formés au dialogue social témoignent d’un changement concret dans leurs relations professionnelles : plus de fluidité avec les élus, moins de tensions mal gérées, un climat plus serein dans les équipes. Ce n’est pas anecdotique. C’est stratégique.

Il est temps de combler le vide

Nous formons nos managers à tout, sauf à cela. Il est temps de combler ce vide. Car il ne suffit pas de dire qu’on veut un dialogue social apaisé, structuré, professionnel. Il faut s’en donner les moyens — y compris en formant celles et ceux qui en sont les relais quotidiens.

Alors oui, la question mérite d’être posée franchement, sans faux-semblant : managers, êtes-vous vraiment formés au dialogue social ?

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