Parmi les défis les plus sensibles du leadership, la gestion de la performance figure en tête de liste. Un dirigeant efficace doit savoir révéler le potentiel de chacun, mais lorsqu’il s’agit de faire face à des contre-performances, la tâche devient délicate. Entre conversations difficiles et inconfort assumé, beaucoup préfèrent détourner le regard.
Pourtant, les chiffres sont sans appel : selon une étude de McKinsey, les entreprises qui placent la performance individuelle au cœur de leur stratégie ont 4,2 fois plus de chances de devancer leurs concurrents. En d’autres termes, s’attaquer sérieusement à cette dimension n’est pas seulement bénéfique, c’est stratégique. Voici quelques clés pour y parvenir efficacement :
Valoriser les collaborateurs
« La majorité des cas de médiation en entreprise que je traite concernent des problèmes de performance », observe David Liddle, PDG du cabinet The TCM Group et président de la People and Culture Association. Un constat qui, selon lui, illustre les difficultés persistantes des organisations à mettre en œuvre une véritable culture de la performance. « Ce qu’on identifie comme une sous-performance est souvent le symptôme de problèmes plus profonds : manque de clarté, tensions relationnelles ou dysfonctionnements structurels. »
Pour aborder ces situations de manière constructive, M. Liddle recommande aux dirigeants de se poser les bonnes questions : les valeurs de l’organisation sont-elles bien définies ? Les comportements attendus sont-ils cohérents et compris ? Les objectifs sont-ils clairs, atteignables, motivants ? Et surtout : chaque collaborateur se sent-il soutenu, légitime et utile dans son rôle ?
Une fois ces éléments clarifiés, l’enjeu devient collectif : construire ensemble un plan d’amélioration fondé sur un dialogue ouvert. « La gestion transformationnelle de la performance repose sur des bases saines : des attentes bien posées, des échanges réguliers, un environnement encourageant et des opportunités de développement concrètes », explique-t-il. Ce cadre doit s’accompagner de soutien : coaching, mentorat, ajustement des responsabilités ou des outils pour lever les obstacles à la réussite.
Mais la reconnaissance est tout aussi essentielle que le suivi. « Il faut valoriser les efforts et les progrès, pas seulement les résultats, pour maintenir la motivation et l’engagement », insiste M. Liddle. Aborder la performance comme un échange permanent, et non comme une évaluation ponctuelle, permet aux collaborateurs de prendre du recul, de grandir et de s’aligner.
Pour David Liddle, il est temps de repenser en profondeur la gestion de la performance. « Elle ne devrait pas se limiter à optimiser les résultats ou à sanctionner les écarts. Elle doit contribuer à enrichir l’expérience professionnelle et transmettre un message fort : « Vous comptez, nous vous voyons, nous vous écoutons, et votre contribution est reconnue. »
Privilégier l’écoute et le dialogue
Les échanges sur la performance sont cruciaux pour la progression des collaborateurs comme pour la réussite de l’entreprise. Pourtant, ils dérapent souvent, observe le Dr Nadine Page, doyenne associée à la Hult International Business School. « Malentendus, intentions mal interprétées, occasions manquées de renforcer la confiance… autant d’éléments qui transforment ces conversations en moments de tension plutôt qu’en leviers de développement. »
Selon elle, l’un des principaux écueils reste la communication unilatérale. « Lorsqu’un manager monopolise la parole et impose un monologue au lieu d’ouvrir un dialogue, il étouffe sans le vouloir la voix qui compte le plus : celle de l’employé », explique-t-elle. Cette posture descendante freine l’expression, fragilise la sécurité psychologique et finit souvent par nourrir le désengagement.
À l’inverse, une gestion de la performance efficace repose sur une écoute active, bienveillante et sincère. « Il ne s’agit pas simplement d’attendre son tour pour parler, mais d’écouter pour comprendre, avec curiosité plutôt qu’avec jugement », souligne Nadine Page. Elle invite à s’inspirer de l’attitude d’un parent attentif, capable d’accueillir les questions, même les plus inconfortables.
Les managers doivent donc apprendre à se taire davantage, à poser des questions ouvertes et à laisser à leurs collaborateurs l’espace nécessaire pour exprimer leurs doutes, leurs aspirations ou leurs idées. Car c’est en se sentant véritablement écoutés que les salariés s’approprient leur développement et s’engagent pleinement.
Certes, cette approche peut bousculer les habitudes managériales, notamment dans le cadre des entretiens formels souvent structurés autour de chiffres, d’objectifs et de bilans. Cependant, le vrai levier d’engagement ne réside pas dans le contrôle, mais dans la qualité de la relation, insiste Mme Page. « Ce n’est pas en prétendant avoir toutes les réponses qu’un leader inspire. C’est en créant un climat de confiance, en accueillant les incertitudes et en ouvrant la porte au dialogue qu’il révèle le potentiel de chacun. »
Adopter une approche réfléchie
« Être manager, c’est avoir à la fois le privilège et la responsabilité d’accompagner les collaborateurs dans leur quotidien professionnel, afin qu’ils puissent rentrer chez eux dans un bon état émotionnel », rappelle Ang Brennan, directrice de la formation et des talents chez Insights, cabinet international spécialisé en développement humain. Selon elle, la manière dont les leaders abordent la performance laisse une empreinte durable. « Les salariés attendent de leurs managers des repères, et la façon dont ces derniers donnent du feedback peut profondément impacter la confiance, la progression et le sentiment d’appartenance. »
Même les échanges les plus sensibles peuvent devenir constructifs s’ils sont menés avec attention et respect. « Une conversation sur la performance peut transformer non seulement la personne qui reçoit le feedback, mais aussi celle qui le donne », souligne-t-elle. D’où l’importance, selon elle, de cultiver la conscience de soi et de s’outiller en matière de développement personnel. « Mieux vous comprenez votre style, vos forces et votre façon de communiquer, mieux vous serez en mesure d’ajuster votre approche pour éviter les tensions inutiles et créer un climat propice à la progression. »
Ang Brennan insiste également sur la nécessité de s’adapter à l’interlocuteur. Certains collaborateurs apprécieront une approche franche et directe, d’autres auront besoin d’un cadre plus doux et nuancé. « Ce qui compte, c’est de prendre le temps de découvrir ce qui fonctionne avec chaque personne. C’est ainsi que l’on construit la confiance et que les retours deviennent vraiment efficaces. »
Avant tout, chaque discussion sur la performance doit partir d’une intention positive. « La majorité des gens veulent bien faire leur travail », rappelle-t-elle. « Interpréter leurs actions de la manière la plus respectueuse possible crée une culture d’empathie, d’ouverture et de développement, et donne l’exemple d’un leadership humain et mobilisateur. »
Car au fond, la gestion des performances ne devrait pas être un simple outil de contrôle, mais un levier d’engagement. Comme le résume Nadine Page : « Quand les salariés se sentent écoutés, compris et reconnus, l’engagement grandit, les collaborations se renforcent, et c’est toute l’organisation qui progresse sur des bases solides de confiance et de respect mutuel. »
Une contribution de Sally Percy pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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