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L’engagement : condition première de l’action collective

Aurions-nous oublié l’humain de toutes réflexions gestionnaires ? François Dupuy, dans sa série Lost in management aux éditions du Seuil (Lost in management en 2011, La faillite de la pensée managériale en 2016 et On ne gère pas les entreprises par décret en 2020), montre comment les systèmes gestionnaires se sont bureaucratisés avec le triptyque « processus, indicateurs, systèmes informatiques ».

 

David Graeber, avec une posture plus critique dans son ouvrage Bullshit Jobs (Penguin, 2018), dénonce des systèmes bureaucratiques aux antipodes des préoccupations des personnes. Sans tomber dans l’excès, il convient de remettre la personne au centre de toute réflexion organisationnelle. La crise de la Covid-19 a montré l’importance des personnes et leur capacité à répondre à des situations inédites. Les anglo-saxons utilisent la notion d’empowerment pour décrire l’acte par lequel une personne s’engage dans la réalisation de son activité avec responsabilité. La notion de responsabilité s’entend comme un acte par lequel une personne fera tout pour la réalisation de son activité.

La terminologie française met en avant la notion d’engagement. C’est un sujet au cœur de nombreux débats au sein des entreprises et plus globalement dans la société. L’engagement décrit l’acte par lequel un individu participe activement et volontairement à une activité collective. Il y a autant de formes d’engagement que de collectifs auxquels un individu participe. Nous limitons notre propos à trois formes d’engagement qui sont l’engagement au travail, à l’entreprise et à la société. La notion d’entreprise peut être substituée à celle d’organisation privée ou publique.

 

 

 

L’engagement au travail consiste à réaliser son activité professionnelle avec un souci de qualité qui se matérialise dans la production et la livraison de celle-ci à un client (interne ou externe) ou un usager/bénéficiaire dans le secteur public. Il s’agit de bien produire et de s’assurer que cette production réponde à un besoin. Que dois-je produire ? Pour qui ? Quelles sont les attentes ? Quelles sont les compétences nécessaires ? Comment faire toujours mieux ? Quels sont les leviers de l’excellence ? sont autant de questions qui marquent l’engagement au travail. Cet engagement peut être complété par un investissement dans la relation au travail en facilitant les échanges et en s’assurant des conditions d’exercice de l’activité. L’engagement au travail se matérialise par des productions de qualité et un environnement de travail agréable et stimulant. Les individus cherchent à s’améliorer dans leur technique et à couvrir les besoins tout en créant des conditions de travail favorables. Les leviers de l’engagement relèvent de l’envie de la personne à s’investir, à faire et à penser son activité. L’auteur américain K. E Weick[1] a fait mention, dans ses travaux sur la gestion du sens, que l’engagement individuel résultait du projet de la personne et de la capacité des organisations à répondre aux besoins d’avenir (le projet du collectif dans le temps), de sécurité (protection et solidarité du groupe) et de reconnaissance (valorisation du travail et de la compétence).

 

L’engagement dans les organisations vise à s’assurer que les actions individuelles réalisent les objectifs du collectif et s’inscrivent dans le développement de ce dernier. Il s’agit de réaliser les objectifs du collectif et de faire que ce dernier se développe pour constituer des ressources futures. Cela se fait au travers des productions des uns et des autres mais aussi par les comportements qui véhiculent les valeurs constitutives d’une culture et d’une identité. Si l’action est individuelle, le résultat est collectif. Encore faut-il que ce collectif existe et que les personnes s’y rattachent pour constituer des institutions dépositaires d’une culture mais aussi de ressources et de savoirs. L’organisation à laquelle on pense spontanément est l’entreprise ou l’organisation dans laquelle on exerce son activité professionnelle. Mais cela peut être étendu à la sphère associative et à toutes les organisations qui fédèrent des initiatives individuelles pour la production d’un bien ou d’un service marchand ou non marchand. Les notions de raison d’être et de mission[2] s’inscrive dans cette dynamique d’engagement vis-à-vis des organisations.

 

L’engagement dans la société s’exprime par le fait d’investir des causes avec l’objectif de construire un monde meilleur et plus respectueux de la nature et des personnes. L’engagement sociétal est en accord avec les idéaux des personnes. Il peut s’exprimer en dehors et/ou dans la sphère professionnelle. Les sujets environnementaux et la lutte pour la pauvreté dans le monde sont au cœur de nombreux engagement sociétaux. Les 17 objectifs des Nations Unies[3] pour le développement durable résument les sujets actuels des engagements sociétaux. Une étude menée en 2021 par le BCG[4] faisait mention que 85 % des jeunes (entre 15 et 35 ans) souhaitaient s’engager pour modifier leur alimentation, leurs modalités de transport et le recyclage. Dans cette même étude, il est fait mention que 70 % des répondants envisagent leur engagement dans le cadre de leur activité professionnelle montrant ainsi que l’engagement sociétal tend à se faire dans et au travers des organisations.

 

Quels sont les facteurs d’engagement à ces trois niveaux ? Comment faire le lien entre engagement, actions et résultats ? Comment développer l’engagement de manière spontanée et de manière vertueuse ? Ces questions orientent aujourd’hui les réflexions managériales dans tous les secteurs. Les travaux de la Chaire ESSEC Innovation Managériale montrent le rôle pivot des organisations et des entreprises dans ce dispositif. C’est en modifiant le travail et les modalités de réalisation de celui-ci que l’on répondra aux attentes des personnes et aux enjeux sociétaux.


[1] Weick Karl Emmanuel, 1995, sensemaking in Organizations, Sage.

[2] Autissier D., Jacquillat E., Sibieude T. Martin D., Bretonnes L., 2020, Entreprises à Mission et Raison d’être, Eyrolles.

[3] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

[4] https://www.bcg.com/fr-fr/press/25january2021-environment-fight-against-inequalities-education-concerns-young-people


Article rédigée avec Barbara CARRIERE et Romain VARENE, Partners Eurogroup Consulting.

 

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