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La conscience de soi : clé du leadership

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La conscience de soi : clé du leadership. Source : Getty Images

Dans le domaine exigeant de la prise de décision, ce que nous ne voyons pas a souvent plus d’impact que ce que nous voyons. Le Dr Martin Dubin, psychologue clinicien devenu coach exécutif et auteur de Blindspotting, rappelle que les angles morts du leadership ne sont pas de simples erreurs ponctuelles : ce sont des comportements profondément ancrés dans l’identité, les émotions et les motivations des dirigeants. Son approche provocatrice incite les leaders à confronter ces forces invisibles qui façonnent leur influence, souvent sans qu’ils en aient conscience.

 

Le travail du Dr Dubin combine perspicacité clinique et pragmatisme des salles de réunion. Fort de décennies d’expérience auprès de PDG, de fondateurs et d’équipes de haut niveau, il cartographie six zones concentriques de points aveugles, allant des comportements visibles aux motivations enfouies, et propose un plan d’action pour développer une conscience de soi à la fois stratégique et profondément humaine.

Lors de notre récente conversation, il a montré comment ces forces peuvent se transformer en faiblesses, pourquoi les feedbacks sont souvent mal interprétés et comment la vulnérabilité au sommet peut devenir un levier puissant pour transformer la culture organisationnelle.


Lorsque le Dr Dubin se présente à ses clients, il ne met pas en avant ses références. Il se contente de dire : « J’aide les dirigeants à mieux se connaître ». Cette simplicité apparente reflète parfaitement sa philosophie : les angles morts ne sont pas de simples erreurs, mais des schémas récurrents que les dirigeants peinent à reconnaître, même si leur impact se fait ressentir chez les autres. « Ils sont le revers de la conscience de soi », explique Dubin. « Des réponses par défaut qui fonctionnent… jusqu’à ce qu’elles cessent de fonctionner. »

Selon lui, les angles morts se déploient dans six domaines : l’identité, le comportement, les émotions, l’intellect, les traits de caractère et les motivations. Imaginez des cercles concentriques : l’identité et le comportement occupent l’anneau extérieur, visibles et plus faciles à ajuster, tandis que les motivations restent au centre, souvent invisibles, même pour le dirigeant lui-même.

L’une des idées les plus marquantes de Dubin est que les angles morts se déguisent souvent en forces. Un dirigeant décisif peut passer pour arrogant. Un manager soucieux du détail peut basculer en micro-manager. « Il suffit d’ajouter le mot “trop” devant vos points forts », conseille Dubin. « Trop confiant, trop organisé, trop créatif : voilà où se situent les basculements. »

Fort de son expérience clinique, Dubin aborde le coaching avec une véritable démarche diagnostique. Là où la thérapie s’appuie sur la prudence et la hiérarchie, il voit le coaching comme un espace plus horizontal. « Les dirigeants veulent une aide rapide. Ils sont bien organisés. C’est une relation plus égalitaire », souligne-t-il.

Mais égalité ne rime pas avec facilité. Pour Dubin, le feedback est l’outil le plus puissant pour révéler les angles morts, mais aussi le plus sensible à manier. « Les dirigeants disent : “Ce n’est pas ce que je voulais dire”, mais c’est ainsi que cela a été perçu. L’impact diffère de l’intention. »

Son approche ne cherche pas une révolution personnelle, mais des micro-ajustements aux effets démultipliés. « De petits changements, d’énormes résultats », confie-t-il. Pour guider ses clients, il s’appuie sur un cadre d’intelligence émotionnelle en cinq dimensions : la conscience de soi, la conscience générale, la conscience des autres, la gestion des émotions et l’usage stratégique des émotions. Ces filtres aident les dirigeants à identifier leurs propres angles morts, mais aussi ceux de leurs équipes.

Pour Dubin, la prochaine frontière du leadership se joue au niveau des équipes. « Les angles morts collectifs mènent au piège de la pensée unique. Apollo 13 en est l’exemple parfait : tout le monde était enfermé dans le même état d’esprit. La transparence favorise la transparence. Et cela commence par le dirigeant », observe-t-il.

Aux leaders soumis à la pression, il rappelle une vérité essentielle : « Vous êtes la même personne qu’avant votre promotion. Ne laissez pas la pression déformer votre identité. »

Le travail de Dubin souligne que le leadership ne se limite pas à une vision stratégique. Il exige aussi une capacité d’introspection. Les angles morts les plus dangereux ne sont pas forcément ceux que nous ignorons, mais ceux pour lesquels nous avons été félicités. Dans un monde qui valorise la détermination, la confiance et le contrôle, Blindspotting pousse les dirigeants à se poser des questions dérangeantes : à quel moment mes forces se transforment-elles en faiblesses ? Quels schémas est-ce que je répète machinalement ?

Ce cheminement vers une conscience de soi plus profonde n’est ni linéaire ni solitaire. Il naît de la curiosité, s’enrichit par le feedback et s’épanouit dans des environnements où la vulnérabilité est accueillie plutôt qu’étouffée. Comme le résume Dubin : « La divulgation engendre la divulgation. » C’est dans cet espace que s’ancre le véritable leadership.

Une contribution de Rodger Dean Duncan pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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