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La confiance comme ressource stratégique pour les organisations

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La confiance comme ressource stratégique pour les organisations

Le mot « confiance » est sur toutes les lèvres. Notamment dans l’entreprise, où l’on s’efforce de l’encourager chez les salariés, les clients, les usagers, les consommateurs, les banques… Pourtant, elle demeure dans bien des cas un impensé stratégique, parce que l’on continue à la concevoir comme un simple « soft factor », relevant du climat relationnel. Or, dans une économie caractérisée par l’incertitude, l’interdépendance et l’accélération des cycles de décision, la confiance peut s’avérer une ressource de premier ordre. Elle conditionne la capacité d’une organisation à coopérer, à innover, à décider collectivement. La confiance mérite donc de sortir de la périphérie des préoccupations RH pour se rapprocher du centre de la stratégie d’entreprise.

 

Dans de nombreuses organisations, la confiance se mesure parfois via des baromètres internes. La direction l’évoque lors de séminaires, ou plutôt l’invoque, comme les Amérindiens invoquaient la pluie lors des grandes sécheresses. Mais on agit rarement sur elle avec méthode. La confiance serait, pense-t-on, une conséquence heureuse d’un bon climat social et économique, et non un levier stratégique. Une sorte d’« état d’âme » fragile et insaisissable découlant de la personnalité des dirigeants ou de l’histoire de l’entreprise.

Cette vision pose problème. Elle tend à faire de la confiance un état d’esprit diffus, trop évanescent pour réellement pouvoir agir sur lui. Résultat : on renonce à en faire un levier essentiel. Or, reléguée en arrière-plan des préoccupations des dirigeants, la confiance peut aussi être sapée par des décisions mal calibrées, des processus inadaptés ou des comportements dissonants. Le capital confiance s’érode. Pour le dire plus directement, l’inaction sur la confiance produit déjà de la défiance.


 

Un avantage compétitif

Sortir de cette passivité suppose de changer profondément nos représentations. Il faut reconnaître que la confiance produit de la valeur — en fluidifiant les relations, en augmentant la vitesse d’exécution, en réduisant les coûts de coordination… Elle devient un réel avantage compétitif dans un monde où la défiance devient structurelle.
Ce nouveau regard a des implications majeures. Il ne s’agit plus de se réjouir de la confiance quand le dirigeant la ressent dans l’organisation (« Esprit, es-tu là ? »), mais de chercher à la produire intentionnellement. Comme toute ressource, elle peut être développée, consolidée, protégée. Elle devient ainsi un actif intangible.

Encore faut-il comprendre ce qui la rend possible. La confiance ne repose pas uniquement sur des qualités personnelles. Elle ne se réduit ni à la loyauté ni à la morale individuelle. La confiance a aussi — et surtout — une dimension impersonnelle. Elle ne se limite pas aux relations entre individus, mais engage plus largement notre rapport aux institutions et même, comme nous le rappelle le philosophe Mark Hunyadi, au monde.

 

Compétence perçue, intégrité, bienveillance

Toute institution est une organisation. Et dans toutes les organisations, la confiance s’ancre dans des dispositifs concrets : règles du jeu explicites, rituels de feedback, modes de décision partagés… Ces mécanismes, en générant de la lisibilité et de la prédictibilité, donc potentiellement de la confiance. Nous savons comment cette dynamique peut être alimentée. Le modèle de Mayer, Davis et Schoorman permet d’identifier trois dimensions fondamentales qui conditionnent la disposition à accorder sa confiance à autrui : la compétence perçue (la capacité perçue à accomplir une tâche donnée), l’intégrité (la cohérence entre les paroles et les actes, et le respect des principes partagés) et la bienveillance (l’intention perçue de ne pas nuire, le souci réel de l’autre).

Ce cadre permet de sortir des approches floues ou laissant trop de place à l’affectif et replace la confiance dans une dynamique relationnelle fondée sur des critères observables. Il rappelle que la confiance n’est pas une vertu morale, mais un construit social qui se réévalue et se négocie en permanence. La confiance devient ainsi un objet de régulation stratégique, la condition de l’action collective, le carburant invisible de toute dynamique tournée vers l’avenir. Pour un dirigeant, cultiver la confiance n’est pas un acte de foi, mais un choix rationnel de long terme, sans doute l’un des plus décisifs qu’une organisation puisse faire dans le contexte actuel.

 


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