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Dan Guez (cabinet Opensourcing) : « C’est certain que la génération Z ou les millennials sont plus touchés par la « grande démission », mais ce serait trop simpliste d’opposer les générations »

C’est juste après le Covid-19 qu’est apparue aux Etats-Unis la tendance du « Quiet Quitting ». Ce phénomène se distingue par la volonté d’effectuer son travail normalement, tout en refusant catégoriquement de s’investir plus que ce qui est prévu par la fonction de l’employé. En France, ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Selon une étude l’IFOP, 37% des actifs français le pratiquent au quotidien. Décryptage avec Dan Guez, fondateur du cabinet de recrutement Opensourcing, spécialiste du marché de l’emploi en France et des ressources humaines.

 

Quelle est la réalité de la « Grande démission » en France ?

Dan Guez : C’est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis de nombreux mois, c’est un phénomène qui nous vient des États-Unis. En 2021 plus de 48 millions d’Américains ont quitté leur emploi et s’ajoute à celà près de 20 millions sur les 5 premiers mois de l’année. En France, il y a eu un phénomène inhabituel de démission en masse, mais pas si inédit que ça. En effet, on parle de plus de 500 000 départs par trimestre entre depuis début 2021 dont 400 000 CDI. En 2008, le taux de démission avait atteint 2,9% au premier trimestre comparé à 2,7% au premier trimestre 2022 qui est le pic actuel. Je dirai donc, qui oui il y a une vague de démission, mais pas de quoi parler de « grande démission » en France.

 


Il y a cependant deux tranches de la population qui peuvent être une solution à la pénurie de main-d’œuvre, il s’agit des jeunes et des seniors


Comment expliquez vous ce phénomène ?

D. G. : Aux Etats-Unis, le marché de l’emploi a toujours été plus fluide et plus libéré qu’en France avec un taux de chômage assez faible. Quand tout va bien, une personne démissionne et trouve un nouvel emploi dans la foulée. En France, le marché de l’emploi est différent, assujetti à un code du travail plus contraignant mais plus protecteur aussi.

Ce phénomène de démission en volume s’explique surtout par une reprise exceptionnelle de l’activité au sortir des confinements surtout dûe à un rattrapage de l’activité et à la poursuite de la reprise économique de 2019. Les candidats se sont vus proposer plus d’opportunités d’emploi que d’habitude. Le rapport de force entre employeurs et employés a alors clairement basculé en faveur des candidats qui ont succombé aux appels du grand large.

Je pense donc qu’il y a une forme d’influence américaine sur ce sujet, mais c’est sans détour le rebondissement économique qui est à l’origine de ce phénomène.

Quelles solutions sont elles possibles alors que des secteurs manquent de main d’oeuvre ?

D. G. : C’est une bonne question ! Les entreprises s’arrachent les mêmes candidats et mécaniquement s’opère une inflation des salaires, ce qui peut être dangereux pour la reprise économique. Ajoutez à cela la période inflationniste que nous vivons et vous obtenez un cocktail détonnant.

Ceci dit, dans certains secteurs où la pénibilité des métiers est importante, une revalorisation des salaires peut-être une réponse pour attirer plus de monde.

Il y a cependant deux tranches de la population qui peuvent être une solution à la pénurie de main-d’œuvre, il s’agit des jeunes et des seniors. Et comme par hasard ces populations ont le taux d’emploi le plus faible. Est-ce osé de penser que nous tenons certainement là un vivier de candidats importants?

La « Grande démission » est elle générationnelle ou touche-t-elle toutes les CSP et catégorie d’âge ?

D. G. : C’est certain que la génération Z ou les millennials sont plus touchés par la « grande démission », mais ce serait trop simpliste d’opposer les générations. Il y a aussi la pénibilité des métiers ou les horaires décalés qui jouent et qui poussent des personnes dans la restauration par exemple à changer de voies.

Le télétravail est aussi une variable extrêmement importante aujourd’hui et on peut démissionner pour du home-office que notre employeur ne nous accorde pas.

Au final on parle surtout de « cols blancs » dans des grandes et moyennes entreprises qui ont des salaires importants.

Le jeune n’est il pas finalement en situation de force pour son entrée dans la vie active ?

D. G. : Les 15-24 ans ont le taux d’emploi le plus faible à 34,6% en 2022 qui connaît cependant la plus forte augmentation depuis le premier trimestre 2021 selon les chiffres de la DARES. Les 25-49 ans ont un taux d’emploi de 82,5% au premier trimestre 2021. Oui le jeune a de meilleures chances pour trouver un premier emploi, de là à dire qu’il est en position de force, je n’en suis pas certain.

 

<<< A lire également : La grande démission en question >>>

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