Le récent décret du 14 avril 2025 relatif au compte personnel de formation (CPF), signé par François Bayrou et annoncé par Astrid Panosyan-Bouvet, Ministre du Travail, ne crée pas de nouveaux droits, mais perfectionne un mécanisme déjà existant : la possibilité pour les employeurs, branches professionnelles et autres financeurs, d’abonder le CPF des salariés. En encadrant mieux les modalités d’alimentation supplémentaire du compte via un service dématérialisé sécurisé, il ne fait pas qu’ajuster un dispositif : il conforte une évolution majeure déjà amorcée vers un CPF co-construit.
Une contribution d’Arnaud Portanelli & Guillaume le Dieu de Ville, co-fondateurs Lingueo
Depuis sa création, le CPF s’est imposé comme un droit individuel à la formation, mais il a également souffert d’une certaine opacité, alimenté par un catalogue pléthorique de formations hétérogènes et difficiles à évaluer. Aujourd’hui, avec l’intégration facilitée des entreprises dans son financement et son orientation, le CPF évolue d’une simple réserve personnelle vers un levier stratégique de compétitivité collective.
Pourquoi ce changement est-il crucial ?
Tout d’abord, le CPF individuel a révélé ses limites. Penser que chaque salarié puisse être parfaitement autonome dans le choix et la gestion de ses formations est un idéal louable mais peu réaliste. En pratique, les entreprises, par leur connaissance fine des besoins opérationnels et économiques, sont naturellement mieux placées pour accompagner et orienter leurs collaborateurs. L’expertise RH permet notamment un tri qualitatif rigoureux parmi les milliers d’offres disponibles sur la plateforme du CPF, assurant ainsi des parcours pertinents et à forte valeur ajoutée pour les salariés.
Le contexte politico-économique actuel accentue encore cette nécessité. Face aux enjeux de compétitivité internationale et d’indépendance économique soulignés récemment par notre ministre du Travail, entreprises et salariés doivent désormais faire converger leurs efforts pour répondre aux transitions économiques, technologiques et environnementales en cours.
Le CPF co-construit : un outil stratégique en période d’incertitude économique
Ce cadre juridique renouvelé intervient dans un contexte où les budgets formation se tendent. Face à cette contrainte budgétaire, la co-construction apparaît comme une réponse pertinente : en partageant l’effort entre entreprises et salariés, on maximise l’impact des ressources disponibles. L’entreprise cofinance, mais surtout co-construit les parcours avec ses collaborateurs, supprimant de fait le ticket modérateur imposé au titulaire lorsqu’il se forme de manière totalement autonome.
Cependant, cette démarche exige une adhésion volontaire du salarié, détenteur exclusif de son CPF. L’adhésion devient alors la clé de voûte du dispositif co-construit. Elle nécessite de la part de l’entreprise une véritable politique de dialogue et de communication interne, afin que les collaborateurs comprennent l’intérêt et les bénéfices réciproques de cette co-construction.
D’après l’expérience récente que nous avons chez Lingueo, entreprise pionnière du CPF co-construit, cette dynamique collaborative produit déjà des résultats concrets. Là où un CPF traditionnel affiche un taux d’engagement moyen autour de 80%, les dispositifs co-construits pilotés par les entreprises atteignent des taux de complétion supérieurs à 96%, illustrant l’impact tangible d’une stratégie partagée.
Un rôle renforcé pour les acteurs de la formation
Les prestataires de formation jouent ici un rôle pivot. Ils doivent accompagner activement les entreprises en offrant non seulement des formations adaptées mais aussi un véritable conseil stratégique sur l’utilisation optimale des budgets formation. Les résultats positifs obtenus auprès de PME et ETI illustrent parfaitement l’intérêt d’un accompagnement personnalisé : réduction significative du reste à charge pour les entreprises grâce à un cofinancement intelligent, pilotage efficace via des plateformes RH dédiées et parcours individualisés alignés avec les besoins métiers concrets.
Un défi commun pour un avenir commun
En transformant le CPF en levier de compétitivité collective, le décret du 14 avril vient consolider une dynamique déjà amorcée. Cette évolution réglementaire est une opportunité : celle de réconcilier performance économique et développement personnel des collaborateurs dans un même objectif stratégique. Si les entreprises réussissent à susciter l’adhésion de leurs équipes à leur politique de formation, elles obtiendront non seulement une montée en compétences plus efficace, mais également un engagement plus fort, clé essentielle d’une résilience économique retrouvée.
Face aux mutations profondes que nous vivons, faire du CPF un dispositif véritablement co-construit n’est plus une option : c’est une nécessité stratégique. À nous désormais, entreprises et acteurs de la formation, de saisir pleinement cette chance pour bâtir ensemble les compétences de demain.
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