On entend souvent que l’apprentissage et l’innovation vont de pair. Imaginer que ce qui a fonctionné hier suffira demain relève d’une certaine arrogance. Une idée que résumait déjà le futurologue américain Alvin Toffler, en affirmant que les analphabètes du XXIe siècle ne seraient pas ceux qui ne savent ni lire ni écrire « mais ceux incapables d’apprendre, de désapprendre et de réapprendre ».
Une vision que partage pleinement Ken Banta. Fondateur et directeur général du Vanguard Network, il accompagne les cadres dirigeants dans la formation d’équipes ultra-performantes – tout en les aidant à faire évoluer leur propre leadership vers un niveau d’excellence supérieur.
Spécialiste du leadership et des grandes transitions, Ken Banta a piloté de nombreux redressements, fusions et transformations à l’échelle mondiale, notamment chez Pharmacia et Bausch & Lomb. Son dernier ouvrage, Seeing Around Corners: C-Suite Wisdom from America’s Most Insightful Leaders, rassemble les réflexions de dirigeants influents sur des thèmes aussi variés que la culture d’entreprise, la communication, la gestion de crise, la cybersécurité, les relations avec les conseils d’administration ou encore l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
L’idée selon laquelle les meilleurs leaders sont aussi les meilleurs apprenants revient souvent. Quelles habitudes quotidiennes nourrissent cet apprentissage ?
« Les dirigeants les plus efficaces savent qu’ils ont tout à gagner à écouter ceux qui sont au plus près du terrain – commerciaux, ingénieurs, équipes produit », explique Ken Banta. « Ce sont eux qui perçoivent les signaux faibles, les évolutions en cours. Une pratique simple et précieuse consiste à y consacrer chaque jour quinze minutes, en posant des questions ciblées à ChatGPT ou en échangeant avec des collègues opérationnels. »
Chaque organisation possède sa propre culture, avec son lot de règles tacites. Comment les rendre visibles – et s’assurer qu’aucune ne porte atteinte à la santé de l’organisation ou au bien-être des équipes ?
Ken Banta reconnaît que ces normes implicites sont parfois difficiles à nommer, car elles donnent à ceux qui les maîtrisent un sentiment de pouvoir. « Prenons l’exemple d’une règle non dite : personne ne s’assied en bout de table, sauf le directeur de l’unité. Ceux qui la connaissent évitent une erreur sociale ; ceux qui l’ignorent s’exposent sans le savoir », illustre-t-il.
Pour désamorcer ces codes invisibles, M. Banta recommande une approche directe : que les dirigeants les plus haut placés les évoquent ouvertement en réunion ou dans leurs communications, avec des exemples concrets. « Cela permet de nommer ce qui n’a jamais été dit, et parfois, de désamorcer des habitudes qui n’ont plus lieu d’être. »
Le retour d’information, comme le dit l’adage, est le petit déjeuner des champions. Mais comment créer un climat où chacun ose s’exprimer franchement face à un dirigeant ?
Pour Ken Banta, tout commence par une atmosphère de confiance. « Il faut montrer qu’on accueillera les retours avec respect et encourager un dialogue authentique. » Il se souvient d’une visite au Japon aux côtés d’un PDG : « On nous avait prévenus que les commerciaux seraient tétanisés et ne diraient rien. Alors, dès le début, nous avons retiré nos vestes et les avons invités à faire de même. Nous nous sommes installés au centre de la table, pas en bout. Nous avons parlé de nos familles. Puis nous leur avons dit : vous êtes ceux qui connaissent le mieux les clients, dites-nous ce qu’on peut mieux faire. La conversation ne s’est plus arrêtée. »
Une démonstration concrète, selon lui, de ce que doivent être les règles d’engagement : simplicité, respect et écoute active.
Quelles sont les pratiques concrètes pour affiner ses capacités d’écoute en tant que dirigeant ?
« Écouter véritablement ne relève pas uniquement du savoir-faire », souligne Ken Banta. « C’est un état psychologique. Lorsqu’un ego fort se conjugue à une insécurité profonde, l’écoute devient difficile. À l’inverse, une intelligence émotionnelle élevée facilite grandement cette qualité. »
L’un des premiers exercices à adopter, selon lui : prendre du recul et essayer de se percevoir tel que les autres vous voient, afin d’identifier les obstacles internes à l’écoute. Autre levier essentiel du leadership : la délégation. Elle est non seulement bénéfique pour la santé mentale des dirigeants, mais aussi essentielle pour faire grandir les équipes.
« Je ne suis pas toujours un champion de la délégation, mais je sais ce que je devrais faire davantage », confie M. Banta.
Premier réflexe à adopter : accepter qu’il existe plusieurs façons valables d’atteindre un bon résultat. « Ce n’est pas grave si ce n’est pas exactement comme vous l’auriez fait. »
Deuxième principe : miser sur l’intelligence collective. « Confier des tâches clés à des équipes restreintes n’est pas seulement efficace. Cela permet aussi de découvrir d’autres méthodes, parfois meilleures que les vôtres. »
Enfin, aucune relation ni aucune équipe performante ne peut exister sans un socle de confiance solide. « Il ne faut pas présumer que la confiance est acquise avec le poste. Elle se mérite », insiste-t-il. « Il faut écouter sincèrement, faire ce que l’on dit, être clair sur les objectifs et les attentes. »
À l’inverse, la confiance s’effrite vite quand un dirigeant devient distant, imprévisible ou blâme les autres. « Rester proche de ses équipes, assumer ses responsabilités et garder son sang-froid en période de crise est ce qui bâtit le plus durablement la confiance. »
Une contribution de Rodger Dean Duncan pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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