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Change Management : de la disette à l’indigestion, comment faire autrement ?

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Face à des collaborateurs saturés, le “change management” doit urgemment se réinventer. Le Change Management Office vient aujourd’hui répondre aux enjeux des organisations en transformation permanente.

David Satta, consultant chez Square Management

En quelques années, les entreprises ont radicalement modifié leurs modalités de gestion du changement, basculant d’une indifférence récurrentes aux perceptions du collaborateur à un collaborateur submergé par les multiples démarches d’accompagnement simultanées. Du trop peu au trop plein, on peut se demander si les dirigeants y trouvent encore la performance attendue et les collaborateurs la sérénité espérée. Il est temps de progresser vers une approche plus mature du “change management”, le Change Management Office, pensée à l’échelle de l’entreprise et adaptée à un rythme de transformation désormais dense en continu.

 

L’approche classique du “change management” atteint son seuil d’inefficacité

S’il faut d’abord et avant tout saluer la prise de conscience généralisée de l’importance d’accompagner les changements de façon individuelle et collective, il faut également admettre que le management du changement classique bute aujourd’hui sur de coûteuses limites.

La forte croissance du nombre de transformations, choisies ou subies, au sein de chaque entreprise est évidemment à l’origine de la situation. Chaque année, un même collaborateur peut être percuté par de multiples projets, parallèles ou imbriqués : évolution réglementaire, technologie disruptive, virage stratégique, choix organisationnels, déménagement des bureaux, nouvelles attentes des clients…

Avec chacun de ces projets, c’est un schéma particulier d’accompagnement qui touche les équipes concernées. Un projet équivaut à une initiative d’accompagnement combinant le plus souvent communication, formation et aide opérationnelle. C’est de cette bonne intention que naît une grande confusion.

  • Confusion dans les messages, au fil des multiples explications sur les liens supposés entre les changements et la stratégie de l’entreprise
  • Confusion dans les méthodes, au gré des choix des différents change-managers, experts, mais dépourvus d’une démarche unique ou d’outils partagés et identifiables
  • Confusion dans les calendriers quand les projets, décidés de façon silotée, se déploient sans nécessairement tenir compte des actions déjà en cours, des pics d’activité habituels ou des impacts résiduels des transformations récentes

Dernier constat, si l’on déplace le point de vue, cette profusion est aussi synonyme pour l’entreprise de ressources mal optimisées. Chaque transformation, petite ou grande, appelle son dispositif d’accompagnement, par souci d’équité autant que par souci d’adoption. Bien évidemment l’expert A, habitué à la méthodologie X, aura du mal à prendre la suite de l’expert B, habitué à la méthodologie Y. De même, les efforts consentis sur l’outil Alpha seront à dupliquer pour les accompagnements s’appuyant sur l’outil Beta.

In fine, face à la multiplication des changements et des démarches associées, ce qui devait être une facilitation devient une perturbation. Le risque est d’aboutir à un phénomène de saturation, rendant le collaborateur hermétique à toute nouvelle transformation et le management sceptique sur tout accompagnement faute de résultat tangible.

 

Le Change Management Office offre une solution puissante et souple pour aller plus loin

Gardons donc l’intention d’accompagner le collaborateur pour chaque changement et marions-la avec les nécessités d’une entreprise en réinvention permanente. C’est toute l’ambition du Change Management Office (CMO), pensé pour optimiser l’appropriation des transformations et l’allocation des moyens nécessaires.

Concrètement, de quoi s’agit-il ? Le Change Management Office est un dispositif permanent, intégré à la gouvernance de l’entreprise, dont le rôle est d’anticiper, recenser, orchestrer et faciliter toutes les initiatives d’accompagnement au changement. Point de convergence de toutes les actions en réflexion et en cours, ce CMO joue un triple rôle de contribution à la stratégie, d’homogénéisation des pratiques et d’appui opérationnel. Peu importe qu’il s’agisse d’une cellule ou simplement d’un individu, dans tous les cas le CMO parlera à la fois de
cohérence des messages, d’optimisation des calendriers, d’amélioration du cadre méthodologique, d’indicateurs d’appropriation et de disponibilité des ressources.

Après des années de pratique en entreprise, ma conviction est que le succès d’un CMO repose sur un triptyque essentiel : la vision, l’autorité, les moyens. Derrière ce qui semble évident, notons quelques subtilités :

  • La vision c’est d’abord la capacité à exprimer un récit collectif unique dans lequel chaque transformation trouve une place cohérente avec la stratégie exprimée par la Direction et la culture interne analysée par le CMO. C’est aussi une conception claire de la manière d’assurer la conduite du changement, affichée et assumée par le CMO, avec autorité.
  • L’autorité est à prendre dans son sens le plus large. C’est à la fois la légitimité d’un mandat officiel et important au sein de l’organisation, la crédibilité des experts au sein du CMO et enfin le leadership pour assumer et faire appliquer les choix du CMO. Sans cette autorité, les intentions ne deviendront jamais des actions, peu importe les moyens.
  • Les moyens, ce sont des experts, dédiés ou non, et une méthodologie, avec ses outils concrets, pour anticiper les impacts, préparer les accompagnements, en mesurer la performance. Il ne s’agit pas d’être riches, mais d’être clairs et alignés. Il importe plus de savoir à qui s’adresser et comment agir à chaque étape que de crouler sous une surabondance de fichiers et d’interlocuteurs.

Au-delà de ces principes directeurs, il y a évidemment de nombreuses manières d’assurer la mise en place d’un CMO au sein d’organisations toutes différentes. La première étape évidente repose sur un diagnostic complet permettant d’évaluer l’existant (pratiques, effectifs, outils, besoins), de mesurer les perceptions et les aspirations des équipes de transformation puis d’identifier les freins potentiels, qu’ils soient budgétaires, organisationnels ou humains. C’est à ce stade que chaque entreprise formulera des choix différents et adaptés pour réussir son Change Management Office. Le premier, déterminant, est la place dans la gouvernance de l’entreprise. Sans gonfler ou complexifier l’organisation existante, il s’agit d’acter un positionnement permettant une vision complète des transformations de l’entreprise et un sponsorship fort d’une autorité reconnue. Ensuite démarre naturellement la réflexion sur le format (centralisé, décentralisé, intermédiaire) le plus adapté aux spécificités de l’organisation et les moyens de mesure, c’est-à-dire la capacité à s’assurer à la fois de l’appropriation de l’approche Change par ses porteurs et de l’appropriation des changements par les populations touchées. Enfin, point clef, il est crucial de déterminer les missions prioritaires du CMO. Tout ne peut lui incomber, surtout dans la phase de mise en place. Il faut trouver le bon équilibre entre un rôle stratégique (change story global, aide à la décision, planification), un rôle opérationnel (mise à disposition et optimisation de ressources, apports d’expertise et d’outils) et un rôle de centre d’excellence (homogénéisation des pratiques, amélioration continue, montée en compétence). Au fil des mois, en fonction des résultats et des retours des principales parties prenantes, les curseurs sur chacun de ces trois rôles pourront évoluer.

De la frénésie à la maturité

Changer la manière de changer est un drôle de défi. C’est aussi une urgente nécessité, tant les entreprises souffrent de la densité de transformations, des accompagnements qui se percutent et de la faible efficience globale des efforts fournis. Il est temps d’engager une évolution vers le Change Management Office, une approche qui offre plus de visibilité à la Direction, plus de lisibilité aux collaborateurs et une plus grande maîtrise des moyens déployés. A l’heure de la transformation continue, n’est-il pas logique de traiter le management du changement comme une fonction transversale et pérenne de l’entreprise, à l’instar de la fonction financière ou IT ?

 


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