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Avoir une vision à court terme nuit aux entreprises et coûte des vies

court termeAvoir une vision à court terme nuit aux entreprises. | Source : Getty Images

Que ce soit dans le monde de l’entreprise ou dans la société en général, avoir une vision à court terme peut s’avérer dangereux pour l’économie et la santé.

 

Si l’on vous disait que votre entreprise pouvait augmenter ses revenus, générer des bénéfices plus importants et créer plus d’emplois, vous seriez intrigué, n’est-ce pas ? Et si vous appreniez que l’incidence mondiale de la cirrhose et du cancer pourrait être considérablement réduite tout en diminuant les coûts des soins de santé, vous seriez probablement tout aussi intéressé. Cependant, dès lors qu’une vision à court terme entre en jeu, les résultats sont bien moins convaincants.

Pour faire simple, une vision à court terme consiste à privilégier les résultats immédiats (ou dans un futur proche) au détriment des intérêts à long terme. Pour une entreprise, le court-termisme peut consister à réduire les dépenses de recherche et développement pour augmenter les bénéfices du trimestre en cours.

De nombreuses preuves montrent que le court-termisme est mauvais pour les entreprises et l’économie. FCLTGlobal, une organisation à but non lucratif qui encourage les comportements à long terme dans le monde des affaires et de l’investissement, a constaté que les investisseurs orientés vers le long terme obtiennent des résultats plus importants. En outre, les entreprises tournées vers le long terme sont plus performantes en termes de revenus, de bénéfices et de création d’emplois. Une étude réalisée par McKinsey & Company a révélé que le chiffre d’affaires des entreprises ayant une vision à long terme a augmenté en moyenne de 47 % par rapport aux autres entreprises, et que leurs bénéfices ont augmenté de 36 %.

Cependant, il y a un danger à partager ces exemples d’entreprises. Il est facile d’imputer la vision à court terme des entreprises au système financier actuel, qui met l’accent sur les bénéfices trimestriels, le cours des actions, etc., mais le court-termisme est un préjugé profondément ancré dans l’être humain en général.

Lauréat du prix Nobel pour sa découverte du virus de l’hépatite C (VHC), le Dr Michael Houghton déclare : « Bien que nous ayons fait de grands progrès pour contenir la pandémie d’hépatite C, malheureusement, en raison de la consommation d’opioïdes dans le monde, le nombre de cas d’hépatite C augmente dans certains pays ».

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) explique qu’à l’échelle mondiale, l’on estime à 58 millions le nombre de personnes atteintes d’une infection chronique par le virus de l’hépatite C, avec environ 1,5 million de nouvelles infections par an. En 2019, environ 29 000 personnes sont décédées de l’hépatite C, en grande partie à cause de la cirrhose et du cancer du foie (parmi les issues les plus graves de l’infection chronique par le virus de l’hépatite C). Il convient également de noter que l’hépatite C est la cause la plus fréquente de transplantation du foie aux États-Unis.

Pour autant, il est très intéressant de noter, comme le fait le Dr Houghton, que « plusieurs entreprises ont développé des cocktails antiviraux hautement curatifs, très bien tolérés, et il suffit d’avaler une pilule pendant deux à trois mois pour être guéri. » Alors que l’Institut de virologie appliquée Li Ka Shing travaille sur un vaccin contre l’hépatite C, il existe déjà un remède. Pourquoi n’est-il pas utilisé pour traiter les 58 millions de personnes actuellement infectées ?

C’est là que la vision à court terme entre à nouveau en jeu. « Les remèdes existants sont protégés par des brevets et coûtent au moins 20 000 dollars par patient », explique le Dr Houghton. Il n’est pas nécessaire d’être un expert en pharmacoéconomie pour faire les calculs.

Le coût d’un remède ne serait pas bon marché, pas plus que ne le serait une initiative visant à tester les populations à risque. Cependant, les économies sont importantes. Le traitement du cancer du foie, de la cirrhose, des greffes de foie et d’autres pathologies reste incroyablement coûteux, sans compter le coût des jours de travail et de productivité perdus, ainsi que les autres coûts humains.

Selon une étude sur le virus de l’hépatite C chez les personnes inscrites à Medicaid, les coûts de traitement cumulés seraient entièrement compensés en six ans environ, et que dans les trois années suivantes, l’évitement annuel récurrent des coûts de soins de santé aura permis de réaliser des économies cumulées totales estimées à 12 milliards de dollars pour Medicaid.

Selon une publication du Congressional Budget Office des États-Unis intitulée Options for Reducing the Deficit(Solutions pour la réduction du déficit), si le gouvernement américain réduisait le financement fédéral des programmes d’arts et d’humanités, comme la Smithsonian Institution, la Corporation for Public Broadcasting, le National Endowment for the Humanities, le National Endowment for the Arts, le United States Holocaust Memorial Museum, etc. Le gouvernement américain économiserait ainsi près de six milliards de dollars sur dix ans. La suppression des subventions pour certains repas dans le cadre du National School Lunch, du School Breakfast, et des Child and Adult Care Food Programs permettrait d’économiser neuf milliards de dollars sur dix ans. L’on pourrait guérir l’hépatite C et sauver des vies, sans nuire aux arts ou aux Américains souffrant d’insécurité alimentaire, tout en récoltant 12 milliards de dollars.

Encore une fois, pourquoi cela ne se produit-il pas ? La vision à court terme est insidieuse, mais l’on peut la combattre. Plutôt que de se concentrer sur les coûts immédiats, l’on pourrait plutôt parler des 12 milliards de dollars d’économiesque les États-Unis pourraient réaliser. Si un programme de dépistage net de traitement de l’hépatite C était présenté comme réduisant le déficit de plusieurs milliards de dollars, il pourrait susciter davantage de soutien.

Sinon, l’on pourrait penser aux populations les plus à risque. Par exemple, comme l’a expliqué le Dr Houghton, « nous savons que les baby-boomers sont très exposés à l’hépatite C, tout comme les personnes qui ont reçu un produit sanguin. » Traiter l’hépatite C comme un concept abstrait sera probablement beaucoup moins puissant et motivant que de favoriser une dose d’anxiété parmi les populations les plus à risque (qui, ironiquement, ont une bonne part du pouvoir politique). Et, bien sûr, tous ces arguments pourraient être appliqués pour augmenter le financement du développement d’un vaccin contre l’hépatite C.

Des règles similaires s’appliquent pour combattre la vision à court terme dans les entreprises. Par exemple, s’allier à des investisseurs qui partagent une vision à plus long terme est un excellent point de départ. S’il existe de nombreux investisseurs à court terme, il existe également des investisseurs institutionnels de poids qui ont une vision à long terme. Blackrock, par exemple, a contribué à la création de FCLTGlobal, l’organisation à but non lucratif de défense du long terme mentionnée plus haut.

L’essentiel est que le court-termisme contamine la société, des PDG, aux directeurs financiers, en passant par les experts en santé et les travailleurs en première ligne. C’est mauvais pour les affaires, et c’est très mauvais pour la santé et le bien-être de l’humanité. Le Dr Houghton l’a exprimé succinctement lorsqu’il a affirmé : « Nous pouvons éliminer la bombe à retardement qui se trouve dans nos foies, mais nous devons tester et traiter nos communautés à un rythme plus rapide ».

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Mark Murphy

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