Le secteur privé peut agir pour le bien commun. C’est ce que prouve Anastasia Andrieu, femme Forbes 2024. Avec Label Phi et maintenant Ventra, elle révolutionne en profondeur le mécénat d’entreprise, loin des clichés. À seulement 32 ans, l’ambition de cette ancienne du fonds Verrecchia est de rendre le mécénat accessible et innovant, tout en dépoussiérant son image. À la découverte d’une success-story philanthropique.
Un article écrit par Gaëlle Ménage, à retrouver dans le n°31 du magazine Forbes
Il y a des trajectoires professionnelles qui ne doivent rien au hasard. Celle d’Anastasia Andrieu en fait partie. Elle débute sa carrière dans le domaine artistique, où elle se spécialise rapidement dans l’organisation d’expositions et la recherche de financements. De Londres à Berlin, elle cofonde plusieurs collectifs artistiques avant de rejoindre Sotheby’s à Paris. Elle poursuit ensuite son parcours chez Bouygues Construction, où elle pilote des projets de valorisation du patrimoine et favorise les synergies entre grandes entreprises et artisans. Convaincue que le mécénat peut être un levier stratégique puissant, elle prend la tête en 2020 du fonds de dotation Verrecchia, fondé par Marc Verrecchia. Anastasia Andrieu met pour la première fois les mains dans le mécénat d’entreprise. « Je me suis prise de passion pour le sujet du mécénat d’entreprise. Je me suis rendu compte que c’était un outil incroyable pour permettre aux entreprises de s’engager, surtout à une époque où la quête de sens devient centrale », se souvient-elle. Chez Verrecchia, elle structure des initiatives d’envergure en partenariat avec des collectivités et des artistes.
Le fonds Verrecchia, porté par un entrepreneur à l’histoire familiale forte – celle d’un tailleur de pierre italien installé à Aubervilliers –, avait pour ambition de pérenniser un savoir-faire artisanal tout en s’engageant socialement dans le département de la Seine-Saint-Denis. C’est dans ce cadre qu’Anastasia Andrieu mesure tout le potentiel du mécénat à la direction du fonds de Marc Verrecchia. Mais très vite, Anastasia identifie deux problématiques majeures : une complexité technique dissuasive et un déficit d’image tenace.
« On pense tout de suite à Bernard Arnault et à son don colossal pour Notre-Dame. Or, 97 % des entreprises mécènes en France sont des PME qui financent des projets locaux, souvent loin de la culture et du prestige », explique l’entrepreneure.
On pense tout de suite à Bernard Arnault et à son don colossal pour Notre-Dame. Or, 97% des entreprises mécènes en France sont des PME qui financent des projets locaux, souvent loin de la culture et du prestige.
Le mécénat clé en main
Un bagage solide en main à son départ du fonds Verrecchia, Anastasia Andrieu passe à l’étape supérieure en 2022 lorsqu’elle fonde Label Phi. Cette structure partie de Station F est pensée pour simplifier et professionnaliser la philanthropie d’entreprise. L’innovation est au cœur du business model de la société. Anastasia réunit tous les métiers de la chaîne du mécénat au sein d’une seule et même structure dans le but de faciliter le parcours vers les dispositifs de mécénat pour les PME. Le modèle fonctionne et Label Phi connaît un franc succès.
L’entreprise accompagne aujourd’hui aussi bien la création que la gestion externalisée de structures philanthropiques. Elle compte parmi ses clients le fonds Grand Paris Express ou Quartus. « Dans plus d’un tiers des entités philanthropiques, il y a moins d’un équivalent temps plein pour gérer l’ensemble. On leur ôte cette charge pour qu’elles puissent se concentrer sur leur impact », explique Anastasia Andrieu. La promesse de Label Phi, c’est donc un accompagnement humain, une expertise à 360°, des interlocuteurs uniques pour des opérations complexes, et un coût adapté aux réalités des PME. Label Phi aide les entreprises de toutes tailles à avoir un impact positif sur leur territoire en les accompagnant dans la création de dispositifs de mécénat et la réalisation de projets d’intérêt général. Elle conçoit des programmes d’action ciblés et fédérateurs, qui répondent aux nouveaux enjeux sociétaux et environnementaux.
Ventra, pour structurer une philanthropie à l’européenne
Mais si Label Phi répond aux enjeux identifiés des années auparavant par Anastasia Andrieu, cette dernière ne s’arrête pas là. En 2025, elle lance Ventra, un logiciel SaaS conçu comme le « SAP du mécénat ». « On s’est rendu compte que la plupart des tâches de gestion étaient digitalisables : conventions, reçus fiscaux, rapports d’activité, comptabilité analytique, etc. », explique l’entrepreneure parisienne. Le résultat est la naissance d’une plateforme conçue pour alléger la charge administrative des structures philanthropiques, avec en ligne de mire les petites fondations souvent démunies face à la complexité des règles.
Selon sa fondatrice, Ventra, contraction de venture philanthropy, entend s’inscrire dans un mouvement déjà bien implanté aux États-Unis : croiser exigence de gestion et mesure d’impact social. Le logiciel embarque une brique dédiée à la mesure d’impact et vise une fonctionnalité de matching territorial entre mécènes et projets locaux. Ventra est donc à la philanthropie ce que Pennylane est à la comptabilité ou Qonto à la finance d’entreprise : une solution intelligente qui allie impact, conformité et performance.
Le but de l’entreprise n’est pas de financer l’intérêt général. Mais si on lui donne les bons outils pour bien le faire, pourquoi s’en priver ?
Un acteur européen ?
À travers Label Phi et Ventra, Anastasia Andrieu s’est fixé une mission claire : faire sauter le plafond de verre du mécénat hexagonal. « Seulement 9 % des entreprises françaises sont mécènes. Et pourtant, l’impact est immense, y compris pour l’entreprise elle-même : image, engagement des collaborateurs, visibilité… C’est le moment d’explorer tout ça », affirme
l’entrepreneure philanthrope, qui anime désormais des clubs d’entreprises, intervient auprès des CCI, du Medef, sensibilise à tout va sur ce sujet méconnu. « Le but de l’entreprise n’est pas de financer l’intérêt général. Mais si on lui donne les bons outils pour bien le faire, pourquoi s’en priver ? »
Pour Label Phi, Anastasia Andrieu voit déjà plus loin. Postée pour l’instant dans le Grand Paris, elle entend dans un futur proche ouvrir des antennes en région, dans le sud de la France par exemple. Et même sur le continent africain ! Pour Ventra, elle porte une ambition plus large encore : devenir la référence européenne de la gestion philanthropique, sur un marché de 60 milliards d’euros par an, aujourd’hui dominé par des solutions nord-américaines. « Il y a un vrai besoin d’un acteur européen, notamment en matière de protection des données », assure-t-elle.
Dans un secteur encore trop souvent perçu comme opaque ou élitiste, Anastasia Andrieu bâtit une alternative simple, agile et engagée à travers ses deux sociétés philanthropiques. Une architecture de sens au service de l’intérêt général.
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