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Trump et le cadeau du Qatar : un avion imposant pour flatter son ego

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Donald Trump et Melania Trump lors du gala organisé par Qatar Airways pour célébrer l'inauguration des vols vers New York au Frederick P. Rose Hall à New York City, New York, États-Unis. Getty Images

Alors que les diplomates du monde entier cherchent à décrypter Donald Trump, le Qatar semble avoir trouvé la clé pour séduire le président américain : un cadeau grandiose destiné à flatter son ego.

 

Donald Trump nourrit des ambitions aériennes. « Quand on voit les avions des pays arabes à côté de ceux des États-Unis, on dirait qu’on est sur une autre planète », s’est-il émerveillé lundi. Pour combler ce fossé, le président américainenvisage désormais d’accepter un avion offert par le Qatar, une monarchie pétrolière qui cherche depuis longtemps à séduire la Maison-Blanche. « C’est un très beau geste », a déclaré Trump.

Ce geste s’adresse directement à l’ego d’un milliardaire qui, depuis longtemps, privilégie les avions imposants. Trump a personnalisé des avions de ligne trop grands pour atterrir sur certains aéroports, au détriment des jets plus maniables que la plupart des dirigeants préfèrent. Les avions de Trump, aussi peu pratiques soient-ils, envoient indéniablement un message. « Du point de vue de l’ego, eh bien, si vous atterrissez avec un appareil comme celui-là », déclare l’expert en aviation George Reenstra, « vous pouvez l’interpréter comme vous voulez. » Alan Marcus, consultant en communication ayant voyagé à bord de l’ancien Boeing 727 de Trump, le voit ainsi : « C’est une extension de la question de savoir qui a le plus gros pénis. »

À la fin des années 1980, en pleine frénésie d’achats dictée par son ego, comme le Plaza Hotel et une équipe de football professionnel, Donald Trump met la main sur une branche en difficulté d’Eastern Airlines. Il la rebaptise Trump Shuttle, une compagnie censée relier New York, Boston et Washington, D.C. L’aventure tourne court et la société fait faillite, mais Trump conserve l’un des Boeing 727 et le transforme en jet privé. Un avion à son image : fauteuils rouges clinquants, tables en bois massif, tableaux encadrés avec ostentation. « Il a toujours eu de l’allure », se souvient Marcus. « Mais par exemple, il n’était pas équipé de dispositifs anti-bruit, ce qui nous interdisait d’atterrir à LaGuardia après, je crois, 23 heures. Je me rappelle que la première fois que je suis monté à bord, je me suis demandé : “Qu’est-ce qu’il manque d’autre ?” »

M. Trump, dont les représentants n’ont pas répondu à nos sollicitations, a fini par vouloir changer d’avion. En 2008, il contacte Ben Sirimanne, un courtier spécialisé, avec une idée en tête : acquérir un Boeing 767. M. Sirimanne le met en garde — l’appareil est trop grand pour atterrir dans certains aéroports. Trump lui rétorque alors : « Très bien, trouvez-moi un 757 », raconte le courtier. Ce modèle, un peu plus petit, reste néanmoins imposant. M. Sirimanne le met en relation avec un ami, qui repère un Boeing 757 de 1991 appartenant à Paul Allen, cofondateur de Microsoft.

Avant de finaliser l’achat, Trump mandate Eric Roth, expert en aménagement d’intérieurs d’avions privés, pour inspecter l’appareil et prendre quelques photos. L’affaire conclue, Trump se lance dans une rénovation sur mesure, pour un coût total d’environ 37 millions de dollars. « En général, quand on travaille avec un promoteur immobilier, il y a une équipe d’architectes et de designers impliquée », explique M. Roth. « Là, c’était juste lui et moi. »

En s’inspirant du penthouse de Donald Trump, Eric Roth imagine un aménagement intérieur fastueux : marbre à profusion, teintes crème et dorures à gogo. Même les boucles des ceintures de sécurité sont recouvertes d’une fine couche d’or 24 carats. Trump veut une grande télévision, un système audio haut de gamme pour regarder ses films, et des armoiries brodées sur les appuie-têtes. Mais il a aussi une demande plus surprenante pour la cuisine : « Un espace pour les Oreos », raconte M. Roth en souriant. « Je lui ai dit : “M. Trump, vraiment ?” Il m’a répondu : “J’adore les Oreos.” »

Aujourd’hui encore, Trump possède l’avion. Durant son mandat, il a utilisé Air Force One, mais a profité de son passage hors fonction pour moderniser le 757, ajoutant notamment un drapeau américain bien visible sur la dérive. Surnommé « Trump Force One » par ses partisans, l’appareil est devenu un atout de campagne en 2024 : plus de cinq millions de dollars issus des dons à sa campagne ont été injectés dans l’entreprise familiale, alors qu’il sillonnait le pays à bord de son jet personnalisé.

Pendant ce temps, au Qatar, les autorités cherchaient à se séparer de deux de leurs trois Boeing 747. Chacun avait été acheté pour 200 millions de dollars, puis entièrement transformé en jet VIP pour un montant similaire, selon Ben Sirimanne, le courtier engagé par l’émirat pour faciliter la vente. Des investissements colossaux qui avaient laissé les appareils dans un état impeccable, avec un intérieur digne d’attirer l’œil de Donald Trump : des tons crème, du bois… peut-être un peu trop peu d’or. En 2018, l’un des appareils — équipé de deux suites complètes avec salle de bains, de trois cuisines, d’un bureau et de plusieurs salons — a été offert au président turc Recep Tayyip Erdoğan. « Le deuxième avion, lui, restait cloué au sol, en attente d’un acheteur », raconte M. Sirimanne. Les Qataris en demandaient 275 millions de dollars. « J’ai présenté deux offres autour de 200 millions, qu’ils ont toutes deux déclinées. »

Ils ont alors envisagé un tout autre scénario, peut-être plus intéressant. « Ils ont tout simplement décidé qu’il valait mieux l’offrir à Trump plutôt que de continuer à en assumer les frais d’entretien », confie Ben Sirimanne.

 

Un article de Dan Alexander et Kyle Khan-Mullins pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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