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Passions de milliardaires | Timbrés de philatélie !

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Passions de milliardaires | Timbrés de philatélie !

Certaines personnes extrêmement fortunées préfèrent acheter des timbres de poste plutôt que des villas sur la Côte d’Azur ! Pourquoi ? D’où leur vient cette étrange addiction ? Samuel Gautre, l’un des plus importants marchands en France, à la tête de la maison La Postale, nous livre quelques clefs de compréhension de ce curieux phénomène. 

Un extrait du dossier “Passions de milliardaires” issu du numéro 30 – printemps 2025, de Forbes France

 

La philatélie est-elle une passion de milliardaires ?

SAMUEL GAUTRE : Il existe toutes sortes de collectionneurs, du plus modeste au plus fortuné. Certaines personnes qui possèdent des patrimoines très importants sont attachées aux timbres depuis leur plus tendre enfance. Ils ont commencé à acquérir leurs premiers timbres à 8 ou 9 ans et quand ils ont accompli leur réussite, ils ont eu envie de relancer leur collection parce qu’au fond, ils aiment ça.

 

La philatélie est forcément un plaisir ?

S.G. : Très franchement, pas au même niveau pour tout le monde. Certaines personnes très aisées choisissent les timbres pour diversifier leurs investissements. Ils achètent des timbres comme d’autres de l’or ou des cryptos.

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Locaux de la Maison postale

 

Est-ce que ceux-là se prennent au jeu et finissent par aimer les timbres ?

S.G. : Oui. Au début, ils sont un peu perdus, ils achètent des livres de philatélie, se renseignent sur internet, demandent des conseils. Ils font des erreurs au début comme dans toute collection.

 

Quel genre d’erreur ? 

S.G. : Ils achètent des prix alors qu’il faut acheter de la qualité. C’est la condition sine qua non pour que la valeur d’un timbre perdure, voire même, augmente.

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N°1 Cérès 1849, 10c bistre-jaune, bloc de quatre avec tête-bêche (7 tête-bêche connues). Prix atteint : 82 314 euros en février 2023 | N°84, Sage, 1c noir sur bleu de Prusse en bloc de quatre. Prix atteint : 127 201 euros en mai 2023

 

C’est-à-dire ?

S.G. : Beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte. La qualité du papier, l’oblitération, les couleurs. Le haut du panier en philatélie veut le top du top en qualité, car la rareté d’une pièce se situe aussi là et pas seulement sur le nombre de timbres imprimés. Les plus chers sont généralement des timbres anciens et quand ils sont d’une qualité exceptionnelle, ils suscitent une compétition féroce.

 

Les vrais passionnés de timbres achètent-ils une part d’histoire comme lorsqu’on fait l’acquisition d’un meuble chez un antiquaire ?

S.G. : Bien sûr. La philatélie, c’est l’histoire du XIXe siècle notamment avec, par exemple, les ballons montés pendant le siège de Paris par les Prussiens. La seule manière pour les Parisiens de communiquer avec l’extérieur était d’envoyer des lettres par ballons montés pour franchir les lignes ennemies. Certaines lettres anciennes ont une valeur inestimable. Victor Hugo a écrit une lettre dans laquelle il donne son point de vue sur la situation qui a été acheminée par ballon monté. La lettre timbrée et oblitérée a été vendue plusieurs centaines de milliers de dollars. Le XXe siècle avec les deux guerres mondiales intéresse beaucoup. Les colonies amènent aussi de l’intérêt dans la philatélie. Certaines ont disparu, de nouveaux pays sont nés et, avec eux, de nouveaux
timbres. Cela concerne le monde entier.

 

Les grands collectionneurs se focalisent sur un pays, un thème, une période ?

S.G. : Au début, ils achètent de tout. Puis ils se spécialisent. Ceux qui ont le plus de moyens veulent de la rareté. J’ai un client, par exemple, qui n’achète que des timbres de France neufs des 30 premières années. Il regarde tous les détails, la dentelure, les nuances de couleurs…

 

Quelle valeur peut atteindre un timbre ?

S.G. : Plusieurs millions d’euros. Le record a atteint les 10 millions de dollars. C’est une personnalité du monde de la mode à New York qui a acquis aux enchères un timbre de Guyane britannique.

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Samuel Gautre en pleine expertise

 

Les belles pièces se vendent aux enchères ?

S.G. : Oui, en général, sauf en France. Chez nous, il existe ce qu’on appelle des ventes sur offre qui sont, en quelque sorte, des ventes à l’aveugle. Nul ne connait l’offre de son concurrent. J’en organise régulièrement.

 

On négocie beaucoup, dans votre milieu ?

S.G. : Non, pas tant que ça. La plupart des maisons importantes vendent sur offre ou aux enchères.

 

Et l’échange de doubles, comme on le pratique enfant, ça existe au plus haut niveau ?

S.G. : Ça arrive rarement. Les gens veulent être sûrs de ce qu’ils achètent lorsqu’ils engagent des montants importants et les vendeurs préfèrent avoir des intermédiaires de confiance qui garantissent les paiements.

 

Pourquoi des investisseurs choisissent-ils les timbres pour leur diversification ?

S.G. : Plusieurs raisons. Certains clients me disent qu’ils pourraient avoir envie soudainement de quitter la France car le climat actuel les inquiète. Le timbre est un bien facilement transportable qui franchit les frontières sans encombre. De l’or ou un tableau, c’est plus compliqué… Au niveau de la transmission, cela revêt aussi quelques avantages. D’une manière générale, le timbre est une marchandise discrète. Si j’avais mis l’équivalent en pièces d’or des timbres qui ornent ma vitrine, je me la serais fait casser depuis longtemps. Enfin, un timbre de qualité est une marchandise internationale. C’est très facile de vendre un beau timbre français dans une vente en Chine. Vous voyez que les avantages sont nombreux.

 

Quels sont les pays les plus dynamiques dans le domaine de la philatélie ?

S.G. : Les émergents. La Chine, l’Inde, la Malaisie… Et les grands pays philatélistes comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne.

 

Quel est le profil de l’acheteur de timbre d’exception ?

S.G. : Il n’est pas show off. Une automobile ou un tableau, on peut les montrer à ses relations. Un timbre, c’est intime. Récemment, une dame que je connais bien s’est retrouvée propriétaire d’une collection évaluée à plusieurs millions d’euros à la mort de son mari, dont elle ne connaissait pas l’existence ! En général, les philatélistes sont des gens pas bling-bling et plutôt cultivés. Je vais caricaturer un peu mais j’ai rarement vendu des timbres à des footballeurs…

 

Les pièces de monnaie sont-elles les concurrentes des timbres ?

S.G. : Oui et non. C’est dix fois moins important que les timbres. Le timbre n’a pas vraiment de concurrents dans la durée et c’est mondial.

 

Que pensez-vous de l’engouement pour les cartes Pokémon ?

S.G. : Cela montre que les gens ont besoin de collectionner. On a connu la mode des télécartes, des pin’s, etc. Ça monte parfois très haut mais ça ne dure pas car il leur manque les dimensions géographique, historique et culturelle des timbres. Je ne parierais pas sur les Pokémon dans la durée… Mais je peux me tromper !

 


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