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Pourquoi Anvers est la prochaine grande ville de la mode

Anvers
ANVERS, BELGIQUE - 7 JUIN 2012 : Des mannequins défilent en portant des créations Kim Minju lors du défilé annuel de la Fashion Academy of Antwerp, le Fashion Academy Show, à Waagnatie. | Source : Getty Images

À l’heure où l’industrie de la mode devient de plus en plus commerciale, Anvers conserve sa place de pôle créatif. Des conférences aux défilés, une multitude d’activités permettent à la ville de rester à la pointe de la tendance.

 

Il y a quarante ans, un groupe de créateurs connu sous le nom des Antwerp Six a fait connaître la mode belge. Depuis, la ville d’Anvers est devenue un centre avant-gardiste de la mode, un paradis pour les initiés. L’attrait d’Anvers, par rapport à des capitales de l’industrie telles que Paris ou New York, réside dans son caractère niche : c’est une destination pour les créateurs.

L’annonce d’un festival de mode de quatre jours prévu pour 2026 montre que la ville s’est donné pour mission de se tailler une place parmi les plus grands, selon ses propres termes. En préparation de cet événement de grande envergure qui comprendra des présentations et des défilés en 2026, les principaux organisateurs (Flanders DC, la ville d’Anvers, le MoMu et l’Académie royale des beaux-arts) ont organisé plusieurs activités du 5 au 7 juin.


Parmi celles-ci figuraient Fashion Talks, une série de conférences approfondies sur le secteur qui se tient habituellement en novembre, une Fashion Walk interactive dans la ville qui a ouvert des studios au public ou mis en relation des créateurs avec des détaillants indépendants, et bien sûr, le prestigieux défilé des diplômés du département mode de l’Académie royale des Beaux-Arts.

« Nous sommes sur une trajectoire ascendante, mais le fonctionnement du secteur et les comportements des consommateurs évoluent », a déclaré Koen Kennis, échevin au commerce de détail et au tourisme, lors de l’événement Fashion Talks le 5 juin. « Nous voulons rendre ce secteur économiquement viable, mais aussi responsable et inclusif. » L’impact des industries créatives en Flandre a été documenté dans un nouveau rapport du ministère de l’Économie, des Sciences et de l’Innovation, qui dresse un tableau instable.

Les derniers chiffres montrent qu’en 2023, 200 entreprises comptaient moins d’employés que les années précédentes, passant de 1 250 en 2018 à 1 050 en 2023. Le nombre de travailleurs à temps plein a également fluctué. En 2018, 37 500 entreprises du secteur de la mode employaient des salariés à temps plein. En 2020, ce chiffre avait chuté de manière spectaculaire à 29 000, soit une « perte catastrophique » de plus de 8 000 emplois, selon Koen Kennis.

Toutefois, l’étude comporte également des points positifs. En 2023, ce chiffre était de nouveau en hausse, avec 35 500 emplois. Le secteur a enregistré un milliard d’euros de recettes supplémentaires en 2023 par rapport à 2018 et 130 millions d’euros de valeur ajoutée supplémentaire. Le nombre de travailleurs indépendants dans l’industrie de la mode en Flandre a également augmenté : selon les données, 2 500 travailleurs indépendants supplémentaires étaient enregistrés en 2023 par rapport aux années précédentes. « La situation reste difficile pour beaucoup et les défis sont nombreux, mais il y a clairement une lueur d’espoir à l’horizon », a ajouté Koen Kennis. Ce secteur dépasse clairement les attentes.

Ce potentiel se reflète dans le nombre de marques qui ont une activité solide en Flandre. Bernadette, le duo mère-fille composé de Bernadette et Charlotte de Geyter, en est un excellent exemple. En cinq ans, la marque a ouvert 98 points de vente à travers le monde pour ses imprimés dessinés à la main et ses silhouettes inspirées de la couture, notamment en Chine, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et en Arabie saoudite.

Une récente expansion dans le domaine des articles ménagers annonce la sortie prochaine d’une capsule de serviettes. « Nous travaillons de manière intuitive et émotionnelle », explique Charlotte de Geyter lors d’une rencontre au Graanmarkt 13 dans le cadre du Fashion Walk. « La Belgique a une très forte histoire dans le domaine de la mode. Mais ici, tout le monde a un point de vue différent, que ce soit Ann Demeulemeester ou nous. »

Elle souligne que, bien que petite, la ville offre de nombreux avantages aux créateurs, notamment beaucoup d’espace et de temps pour se concentrer sur leur créativité.

Plusieurs autres marques dirigées par des femmes ont été présentées dans divers points de vente dans le cadre de cette mini-tournée. La créatrice de maroquinerie artisanale Marie Bernadette Woehrl s’était installée chez Ganterie Boon, l’un des derniers gantiers familiaux d’Europe. Florentina Leitner a présenté une installation inspirée des contes de fées dans l’atelier textile Bakermat, tandis que la marque allemande Rundholz a mis à l’honneur l’art numérique de la créatrice australienne Flora Miranda.

La participation de REantwerp, un atelier social et durable, témoigne de la richesse et de la diversité créative de la région. Né de l’imagination du créateur Tim Van Steenbergen et de la journaliste Ruth Goossens, cet atelier collabore avec l’organisation à but non lucratif GATAM (Great Distance to the Labor Market) afin d’offrir un emploi à des réfugiés ayant une expérience dans le domaine du textile et de la fabrication.

« Nous offrons un avenir aux gens grâce à la mode », explique Tim Van Steenbergen lors d’une exposition dans le nouveau siège de la marque, situé au Kleine Markt 7. Cet espace servira à la fois de boutique et d’atelier, afin que les clients puissent voir les créateurs lorsqu’ils font leurs achats, ce qui les aide à « comprendre la valeur des vêtements ». À l’inverse, cette configuration aidera les nouveaux arrivants à Anvers à comprendre leur rôle dans la chaîne de valeur. Outre ceux qui viennent de régions déchirées par la guerre comme la Syrie, la Palestine et l’Ukraine, ils rejoignent souvent la marque depuis des pays où les vêtements sont chroniquement dévalorisés, comme la Turquie.

Le week-end s’est terminé avec l’événement le plus couru de la ville : le défilé des diplômés de l’Académie royale des beaux-arts. Des centaines d’étudiants ont défilé pendant quatre heures. Dans la publication du défilé, Johan Pas, doyen de l’Académie royale, a réaffirmé cette philosophie de la mode responsable. Il a déclaré : « Si nous sommes ce que nous portons, nous devons assumer l’entière responsabilité du choix de nos vêtements », suggérant qu’en déléguant les fonctions essentielles inhérentes aux choix les plus personnels (la création des vêtements) à des personnes que nous ne connaissons pas vraiment, nous transférons en réalité cette immense responsabilité aux créateurs.

Fait inhabituel, le défilé est ouvert au public et, malgré le prix du billet à 50 euros, il attire des visiteurs de toute l’Europe. Parmi les diplômés du master 2025 à suivre, on peut citer Annaëlle Reudink et Floran Polano, ainsi que Carla Lázaro, étudiante de troisième année tout aussi prometteuse.

Brandon Wen, directeur créatif du département mode, a souligné le dynamisme d’Anvers, qui contraste fortement avec l’écosystème actuel de l’industrie, qui, selon lui, ne profite qu’aux grands conglomérats. Brandon Wen appelle à une restructuration en faveur de ceux qui tentent de créer un système alternatif, basé sur l’idiosyncrasie. Ce n’est pas une tâche facile. Cependant, s’il y a une ville qui a la vision nécessaire pour repenser un cadre défaillant, c’est bien Anvers.

 

Une contribution de Gemma A. Williams pour Forbes US, traduite par Flora Lucas


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