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Jean-Baptiste Bettencourt, au nom des femmes artistes et d’une galerie nouvelle génération

Lee Krasner, Celebration, 1960, huile sur toile, 234,3 x 468,6 cm, © ADAGP, Paris
Lee Krasner, Celebration, 1960, huile sur toile, 234,3 x 468,6 cm, © ADAGP, Paris
L’histoire de l’art a ses absentes. Des œuvres restées dans l’ombre, des créatrices effacées. En hommage à sa mère, Monique Apple, écrivaine et artiste méconnue, Jean-Baptiste Bettencourt fonde MAG The Women Gallery. Une galerie en ligne, moderne et engagée, pour rendre aux femmes artistes la place qui leur revient et explorer un modèle numérique d’art accessible, entre engagement culturel et pari entrepreneurial.

Né au sein d’une famille d’artistes, passé par L’Oréal où il a fait carrière, Jean-Baptiste Bettencourt a choisi d’allier héritage personnel et engagement militant. Sa galerie, fondée il y a un an, associe figures reconnues et jeunes talents, avec une volonté claire : redonner de la visibilité aux femmes artistes dans un marché encore très inégalitaire, où elles ne représentent que 2 % des ventes mondiales.

 

Forbes France : Pourquoi avoir créé cette galerie en ligne exclusivement dédiée aux artistes féminines ?

Jean-Baptiste Bettencourt : C’est un hommage à ma mère, Monica Apple. Elle était écrivaine et artiste, mais a vécu à l’écart du public, à la campagne. Soutenue au début par Henri Michaux, elle publie son premier livre à 20 ans avant de se tourner vers l’art brut. Peu à peu, son travail s’efface derrière celui de mon père (Pierre Bettancourt), qu’elle a soutenu avec dévouement. En voyant cela, je me suis dit qu’il fallait agir pour donner une place aux talents féminins dans un monde de l’art encore marqué par une forte sous-représentation des femmes.


 

On cite souvent ce chiffre : seulement 2 % des ventes mondiales d’art concernent des femmes. Comment l’expliquez-vous ?

J-B B. : C’est un fait incontestable. Les femmes artistes ont longtemps été invisibilisées : elles n’avaient pas accès aux institutions, ni aux collections. Quand elles apparaissent dans l’histoire de l’art, c’est souvent tardivement. Louise Bourgeois n’a été reconnue qu’à 70 ans. On pourrait citer Camille Claudel, Nadia Léger ou encore la femme d’Edward Hopper, qui s’est effacée derrière lui alors qu’elle était au départ plus connue. Cette invisibilité persiste encore aujourd’hui, même si les choses évoluent.

En hommage à sa mère, Monique Apple, écrivaine et artiste méconnue, Jean-Baptiste Bettencourt fonde MAG The Women Gallery.
En hommage à sa mère, Monique Apple, écrivaine et artiste méconnue, Jean-Baptiste Bettencourt fonde MAG The Women Gallery.

« Avec MAG The Women Gallery, je veux contribuer à un marché de l’art plus équitable »

 

Pourquoi avoir choisi le format numérique pour cette galerie ?

J-B B. : Je voulais une galerie moderne, accessible 24 heures sur 24 et ouverte au monde entier. Le digital permet de donner une visibilité élargie aux artistes, grâce à une mise en valeur multimédia : vidéos, interviews, portraits. Mais je complète ce dispositif avec des participations à des foires d’art, comme Art3F, car certains collectionneurs ont besoin de voir les œuvres physiquement avant d’acheter.

 

Comment sélectionnez-vous les artistes ?

J-B B. : Je compose le catalogue en associant des noms confirmés, comme Alexandra Roussopoulos ou Christine Gálvez, à de jeunes talents. La qualité artistique prime, mais je prends aussi le pari de soutenir des artistes émergentes, par exemple des jeunes photographes prometteuses. C’est un mélange volontaire entre figures installées et nouvelles générations.

 

Quel est le modèle économique de la galerie ?

J-B B. : Dans les galeries physiques, le partage est généralement de 50/50 entre l’artiste et la galerie. J’ai choisi de reverser 60 % à l’artiste, 40 % à la galerie. Les œuvres sont proposées à des prix accessibles, entre 500 et 5 000 euros, ce qui reste de l’« affordable art ». Je veux que des collectionneurs plus jeunes puissent aussi entrer dans le marché.

 

On sent que votre démarche est à la fois artistique et militante. Comment conciliez-vous les deux ?

J-B B. : Oui, il y a un acte militant : choisir de montrer uniquement des femmes artistes. Mais ce n’est pas un geste contre les hommes, qui trouvent facilement des galeries. Mon objectif est de contribuer à un rééquilibrage, de créer une dynamique plus inclusive. Et en même temps, je choisis les artistes pour la force de leur œuvre, pas seulement pour leur genre.

 

En dehors des ventes, menez-vous d’autres actions ?

J-B B. : J’ai organisé une exposition au Pavé d’Orsay dont une partie des bénéfices a été reversée à l’association fondée par ma sœur, l’École Monique Apple, qui aide des femmes primo-arrivantes à apprendre le français pour retrouver un emploi. J’aimerais multiplier ce type de projets.

 

Porter le nom Bettencourt, dans le monde de l’art et des affaires, est-ce une force ou un fardeau ?

J-B B. : J’ai passé ma carrière chez L’Oréal : mon nom n’y était pas neutre non plus. Je vis avec. Parfois il ouvre des portes, parfois il en ferme. Mais ce n’est pas mon sujet. Mon projet, c’est de faire avancer cette galerie et de donner de la visibilité aux femmes artistes.

 

Quels sont vos objectifs pour la suite ?

J-B B. : La galerie existe depuis un an. Je ne suis pas encore à l’équilibre financier, mais ce n’est pas l’essentiel. Je veux avant tout que ces artistes puissent continuer à créer et à vivre de leur art. Si, dans dix ou cinquante ans, on dit que j’ai contribué à construire un marché de l’art plus équitable et inclusif, j’en serai honoré.

 


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