logo_blanc
Rechercher

FORTISSIMO | Sonia Simmenauer : « Je voulais devenir psychiatre, je suis devenue agent artistique »

💡 Chaque mois, Forbes France vous fait découvrir une personnalité du monde de la musique. De ceux et celles qui font surgir les talents.  Nous vous proposons une rencontre avec Sonia Simmenauer. Entretien réalisé par Florence Petros


 

Il est des libertés aux racines profondes… Un père pédiatre, cela vous pousse à vous intéresser aux gens… Un père violoncelliste de surcroit, cela vous trace un chemin secret : prendre soin des autres, mais plus encore quand ils sont musiciens. Après le leurre pour dupes des études de droit, les forces de la Providence et de l’enfance heureuse conjuguées vous poussent à franchir la porte d’une agence, le « bureau de concert de Valmalete ». Il ne faut plus lutter, le destin est le plus fort : vient Hambourg, en 1982, et l’agence Schmid, à Hannovre où se confirme l’attirance vers le quatuor à cordes, lieu par excellence de la « psychodynamique ». « Pire que dans les couples » nous dit Sonia Simmenauer.

Ces hautes heures ne suffisent pas à étancher la soif de vie de Sonia : notre créatrice lance un café, vite mémorable, le café Leonar, bar et librairie.

C’est en 1989 que Sonia crée à Hambourg sa propre agence, l’« Impresariat Simmenauer », où la suivent de prestigieux quatuors, dont le quatuor Alban Berg. Le goût inné et passionné de Sonia pour l’organisation est un trésor pour les artistes, qui dorénavant ont la faculté sans prix de pouvoir ne plus se consacrer qu’à leur seul art. A l’impresariat les succès se suivent à un rythme endiablé.

En 2009 Sonia transfère son agence à Berlin, laissant son café à son fils, qui la suivra quelques années plus tard à Berlin pour s’intéresser à l’agence en vue de la reprendre un jour. Pendant la crise Covid 19, affectant surtout le monde de la culture, Sonia précipite la passation de l’agence à son fils de quelques années, considérant que la jeune génération doit avoir le droit de construire son futur. Alors comment remplir cette nouvelle peau ! Et bien, recréer un salon intellectuel à Berlin, ce qui est fait.
Soutenir les jeunes artistes. Et bien voilà qui est fait avec « Zukunfts.music » Où s’arrêtera Sonia ?

 

Comment est née votre passion pour la musique et le désir d’en faire votre métier ?

Sonia Simmenauer : J’ai été élevée dans une maison où la musique jouait un grand rôle avec un père amateur très prisé par des collègues professionnels qui venaient très volontiers faire des soirées de quatuor. Nous avions le droit alors de rester tard pour écouter et participer à la fondue traditionnelle d’après. Ces gens venaient de partout, mon père, d’origine allemande, avait aussi fui l’Allemagne en 1938 et la langue parlée dans ces occasions était l’Allemand, que nous ne parlions pas au quotidien à la maison.

 

Pourquoi une agence d’artistes dédiée au quatuor à cordes ?

Le quatuor était la musique que je connaissais bien, l’ayant entendue depuis ma tendre enfance et le hasard avait fait, que la position qui m’avait été offerte par l’agence Schmid à Hannovre en 1982 était dans le département de musique de chambre, avec les plus grands quatuors de l’époque, le Guarneri ou Cleveland Quartet, le Quatuor Alban Berg, le Quatuor Tokyo et d’autres qui vinrent les rejoindre. Quand j’ai décidé de m’arrêter pour recevoir mon deuxième enfant, n’emmenant que le quatuor Alban Berg pour faire un petit secrétariat privé dans mon salon, ils décidèrent tous de venir avec moi et pour autant j’ai dû alors ouvrir une vraie agence. Il venait alors de soi, que ce serait une agence spécialisée dans le quatuor, ce qui alors n’existait pas.

 


Sonia Simmenauer : J’ai connu des artistes de tout genre, des parfaitement structurés très organisés, mais aussi des êtres hors du monde, oubliant tout partout


 

De cette passion vous avez écrit un remarquable ouvrage « Se mettre en quatre » sur la vie des quatuors à cordes. La passion de l’écriture vous anime aussi ?

Ce n’est pas l’écriture qui me passionne, je ne suis pas écrivaine, c’est un art que j’admire beaucoup mais que je ne manie pas. Ce qui me poussait à écrire était le sentiment très fort, que j’avais eu la grande chance de vivre de très près une forme de travail et de communauté centrés sur une écriture musicale expérimentale de tous temps et que je voulais, à l’origine, écrire mes observations pour mes quatuors et pour les jeunes quatuors à venir. C’est devenu un livre, une bible du quatuor à cordes, encore un grand cadeau qui m’a été fait.

 

Depuis 33 ans, vous veillez sur les artistes, racontez-nous une ou des anecdotes

J’ai connu des artistes de tout genre, des parfaitement structurés très organisés, mais aussi des êtres hors du monde, oubliant tout partout. Une très jolie anecdote : le premier violon du quatuor Cleveland, célèbre pour son étourderie, avait oublié sa queue de pie de concert dans une armoire de l’hôtel à Recklinghausen et était parti sans pour Heilbronn, où le prochain concert devait avoir lieu. Même en réagissant rapidement pour mettre l’habit dans le prochain train pour Heilbronn, il était clair qu’il n’arriverait pas à l’heure pour le concert. Impossible d’organiser un habit de location, car c’était un jour férié. L’organisatrice du concert de Heilbronn nous offrit alors de prêter l’habit de son mari décédé quelques mois auparavant, trouvant dans cela une consolation accompagnée de chaudes larmes. L’habit était trop grand et la répétition se fit pour le premier violon debout, l’organisatrice assise derrière lui, cousant à grands traits le pantalon, pour qu’il ne tombe pas.

Les anecdotes sont myriades, les plus drôles sont aussi les plus dramatiques. Au cours de mes longues années de travail, j’ai développé des nerfs très solides en acceptant qu’il y a des situations qui resteront sans solutions.

 

 Vous êtes une femme aux multiples passions et activités. Comment gère-t-on tout cela ?

Très honnêtement, je ne sais pas. Peut-être en économisant ses forces par l’organisation mentale. Je « pense » les activités (surtout la nuit) et une fois bien pensées elles découlent d’elles-mêmes.

 

Vous avez cédé votre agence à votre fils Arnold cette année et tout naturellement « Zukunfts.music » est née. Pouvez-vous nous parler de cette nouvelle société de coaching dédiée aux jeunes artistes ? Pourquoi les jeunes sont-ils si peu préparer à cette difficile carrière après des années de formation ardue ?

 

La formation ardue dont vous parlez est une formation musicale qui leur permet alors de maitriser leur instrument, mais le concert est bien plus que le jeu de l’instrument et le côté pratique ne peut être « enseigné », il ne peut qu’être vécu et c’est là que j’interviens en « travaillant » avec les jeunes artistes sur leurs expériences, leur faisant comprendre les dangers et failles rencontrés, les aidant à définir leurs points forts pour ce qui est du répertoire, à mesurer leurs énergies physiques et à planifier en conséquences. J’essaye de les amener à réfléchir sur leur plan de vie personnelle, à ce que veut dire carrière pour eux très individuellement et alors à se tracer un chemin sur lequel ils pourront se concentrer.

 

De quoi êtes-vous finalement la plus fière dans vos réalisations ?

Mes enfants !

Quels sont vos coups de cœur musicaux 2022 ?

Un quintette pour piano de Weinberg avec au piano la merveilleuse pianiste Yulianna Avdeeva, un très jeune pianiste géorgien, Giorgi Gigashvili, le jeune Quatuor Leonkoro.

 

LE + FORBES | FORTISSIMO : Anne Sandrine Di Girolamo : «La joie de faire exister »


 

 

 

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC