Aux commandes, Eloi Spinnler, jeune chef passé par de grandes maisons et désormais à la tête de deux établissements parisiens : Orgueil, dédié à une cuisine française ancrée dans la tradition, et Colère, laboratoire explosif autour du feu et du piment.
« L’idée de Colère s’inscrit dans une suite logique après Orgueil, en suivant le thème des péchés capitaux. Et un troisième restaurant arrive bientôt… », confie-t-il avec un sourire en coin.

Une culture populaire en pleine mutation
Cette évolution des pratiques en cuisine s’inscrit dans un contexte plus large : le piment est devenu un sujet de culture populaire en France, en partie grâce à l’émission Hot Ones France, lancée en 2022 sur Canal+ et animée par Kyan Khojandi. Inspirée du format américain, cette émission met en scène des célébrités confrontées à une montée progressive de sauces pimentées pendant qu’elles répondent à des questions, entre humour, douleur et authenticité.
Ce programme a largement participé à démocratiser la culture du piment. En deux ans, la connaissance des variétés s’est nettement améliorée dans le grand public : là où il fallait autrefois expliquer ce qu’était un Habanero ou un Carolina Reaper, ces noms sont aujourd’hui familiers pour une partie croissante des consommateurs. L’émission, au-delà de l’aspect “challenge”, a aussi mis en lumière la diversité des profils gustatifs du piment, souvent ignorée.
Son influence est concrète. Des marques artisanales de sauces piquantes, auparavant cantonnées à un public de niche, ont vu leurs ventes s’envoler. Elles témoignent toutes d’un avant et d’un après Hot Ones. Pour les fondateurs de certaines de ces entreprises, ce changement est comparable à celui qu’a connu la bière artisanale en France dans les années 2010 : une culture de niche devenue phénomène grand public.
Un ingrédient exigeant, entre terroir et fermentation
Intégrer le piment dans une cuisine de terroir ne va pas de soi. Outre son image encore trop associée à la cuisine dite “exotique”, le produit pose des défis logistiques. Il est hautement saisonnier, généralement disponible en été. Pour le chef de Colère, la solution passe par la fermentation, une technique maîtrisée avec brio :
« Le piment frais ne suffit pas. Pour maintenir la carte toute l’année, on travaille des piments fermentés ou séchés, mais cela demande un vrai savoir-faire. »

« Le piment est complexe. Il mérite qu’on le traite avec la même attention que le vin ou le fromage. »
Une filière artisanale en construction


Une gastronomie tricolore en pleine ouverture
En cuisine, le piment s’invite désormais à la table des plats traditionnels. Des chefs tels que Pascal Barbot, Adeline Grattard ou Christophe Pelé l’ont déjà intégré dans leurs menus.
Alors qu’il y a quinze ans, l’idée d’un piment dans la choucroute aurait semblé incongrue, aujourd’hui bars à sauces piquantes, flans vanille épicés et coquillettes au jambon relevées voient le jour.
La jeune génération de consommateurs, familière des cuisines du monde et des textures relevées, contribue à cette transformation. Les sauces artisanales s’installent dans les épiceries fines comme dans les cartes des restaurateurs, et dessinent les contours d’un phénomène durable.
Cette dynamique se retrouve aussi dans les événements populaires. Parmi eux, le Paris Hot Sauce Festival, coorganisé par Les Sauces Martin et la brasserie Gallia, a tenu sa seconde édition du 2 au 8 juin dernier. L’édition précédente en 2024 ayant réuni plus de 800 personnes et 20 marques. Le festival met à l’honneur les marques artisanales francophones et contribue à faire du piment un ingrédient de plus en plus identitaire dans notre patrimoine culinaire.
Une révolution douce mais durable



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