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CinéMo, le cinéma qui roule au plus près des territoires

CinéMo, un cinéma itinérant
CinéMo, un cinéma itinérant

C’est un drôle de rectangle jaune beurre frais, stationné entre les palmiers du quartier de La Bocca, à Cannes. Au moment même où la Croisette déroulait ses tapis rouges pour sa 78e édition, un autre cinéma s’invitait en ville, loin des projecteurs officiels. Ce camion pas comme les autres n’a rien d’une fantaisie de festival. Derrière cette inauguration cannoise hautement symbolique, Cannes, capitale mondiale du 7e art oblige, c’est une tout autre vocation qui anime le projet : l’utilité publique. Le CinéMo, conçu par la Fondation Art Explora et soutenu par la Fondation Canal+, est un cinéma itinérant pensé pour celles et ceux qui, trop souvent, restent aux portes des salles obscures.

 

CinéMo, un cinéma itinérant pour ramener le 7e art dans les territoires oubliés

L’idée vient, en partie, de Frédéric Jousset, président d’Art Explora. « Après nos deux premiers camions-musées, d’abord avec les FRAC, puis le Centre Pompidou, il était naturel de prolonger la démarche en s’attaquant au cinéma », explique-t-il. Le constat est alarmant : en dix ans, la part des 25-35 ans fréquentant les salles a chuté de dix points. Plus largement, un jeune sur deux renonce à toute activité culturelle, souvent pour des raisons géographiques ou économiques. « Le numérique ne remplace pas l’émotion collective d’une salle de cinéma, insiste-t-il. « Nous voulons offrir cette expérience à ceux qui n’y ont pas accès, et la rendre accessible physiquement. » Le CinéMo, conçu par les designers Camille Chardayre (Prémices and Co) et Jean-François Aimé, abrite une salle de 72 places, équipée aux normes CNC, avec une sonorisation 7.1 digne des plus grands complexes. Son jaune éclatant et son intérieur violet absorbant ont été pensés comme un signal chaleureux, presque réconfortant, dans les campagnes et les quartiers prioritaires qu’il s’apprête à traverser.

CinéMo le cinéma itinérant inauguré à cannes
CinéMo le cinéma itinérant inauguré à cannes

Derrière l’esthétique, une ambition pédagogique. Ingrid Brochard, fondatrice du MuMo et directrice du développement des camions-culturels d’Art Explora, le rappelle : « Ce n’est pas un simple écran géant mobile. CinéMo est aussi un outil de médiation et d’éducation à l’image. Nous construisons des programmations avec des éducateurs, des étudiants et des professionnels du cinéma pour répondre aux attentes de ces publics. » Aux manettes de la sélection : un jury éclectique mêlant personnalités du cinéma, à l’image de Wim Wenders, et des membres de la société civile. Stéphane Roussel, président de la Fondation Canal+, insiste sur cette démarche : « L’idée n’est pas de projeter ce que les jeunes voient déjà sur les plateformes, mais de leur offrir autre chose. Des œuvres qui suscitent réflexion, dialogue, émotion. » Au programme de cette inauguration cannoise, des films comme Connemara d’Alex Lutz (sélection officielle), Ma vie de courgette, Moonrise Kingdom, Le roi et l’oiseau, ou encore Persepolis. Autant de propositions variées, du court au long-métrage, du documentaire à l’animation.


La salle de cinéma de Cinemo pour le cinéma itinérant
La salle de cinéma de Cinemo pour le cinéma itinérant

L’enjeu est aussi d’aller à la rencontre des publics empêchés. À Cannes même, CinéMo a accueilli des associations locales, des foyers de femmes en difficulté, des enfants en situation de handicap ou encore des résidents d’EHPAD. Certains, comme ce spectateur de 70 ans, n’étaient pas retournés dans une salle depuis cinquante ans. « C’est ça, notre moteur : recréer du lien et des souvenirs partagés autour du cinéma », confie Ingrid Brochard.

Dès le mois de juin, après Cannes, CinéMo entamera sa première tournée en Île-de-France, avec un itinéraire de 16 semaines dans les départements du Val-d’Oise, de la Seine-et-Marne et des Yvelines, en partenariat avec la DRAC, la Région Île-de-France et le réseau d’exploitants Écrans VO. Ici encore, l’objectif est clair : privilégier les villages de moins de 3000 habitants et les quartiers politiques de la ville.

Rêve d’une flotte de cinémas mobiles pour diffuser la culture au-delà des frontières

Le financement est à la hauteur de l’ambition : 1,2 million d’euros pour la construction du camion (pris en charge par Art Explora), et un coût d’exploitation annuel de 500 000 euros, largement financé par la Fondation Canal+. « C’est une véritable mission d’intérêt général, souligne Ingrid Brochard. D’autant plus précieuse à l’heure où les budgets culturels sont sous pression. »

À terme, le rêve de Frédéric Jousset serait d’élargir la flotte au-delà des frontières françaises, comme l’a déjà fait Art Explora avec ses musées itinérants et son bateau-galerie sillonnant la Méditerranée : « Notre mission est de rendre la culture mobile, de la faire voyager jusqu’à ceux qu’elle ne touche plus. »

 


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