Présenté en Séance spéciale au Festival de Cannes, Qui brille au combat marque les débuts à la réalisation de Joséphine Japy, dans une autofiction pudique et puissante inspirée de sa propre histoire familiale. À travers le quotidien d’une famille bouleversée par le handicap rare de la benjamine, la réalisatrice explore avec poésie les tensions, les élans et les renoncements qui traversent l’amour inconditionnel.
Tout commence par un geste minuscule : un verre d’eau renversé sur une table de cuisine. Et puis, sans prévenir, l’instant dérape, éclate, déborde — en une bataille d’eau improvisée entre sœurs, mère, éclats de rire et éclaboussures. Cette scène inaugurale, magnifique, résume à elle seule l’intention du film : parfois, il faut accepter de ne pas tout contenir, laisser jaillir l’imprévu, pour qu’un moment de grâce surgisse. Ce que montre Qui brille au combat, ce n’est pas le handicap en tant que tel, mais son empreinte invisible sur ceux qui l’aiment et qui l’accompagnent.
Joséphine Japy signe un premier long métrage inspiré de sa propre histoire familiale. Bertille, la plus jeune des deux filles, est atteinte d’un syndrome génétique rare, celui de Phelan-McDermid, qui fait planer une incertitude permanente sur l’avenir. Son quotidien accapare tout : le temps, les pensées, la charge mentale de la famille Roussier. Et pourtant, jamais le film ne bascule dans le drame démonstratif. Il reste dans l’intime, dans les plis de l’ordinaire.
Car il s’agit avant tout d’un film sur une famille. Marion (Angelina Woreth), l’aînée, avance en équilibre entre son amour pour sa sœur et le besoin de s’éloigner. Madeleine, la mère (incarnée avec une justesse poignante par Mélanie Laurent), veille, lutte, s’épuise, culpabilise. Gilles, le père (Pierre-Yves Cardinal), tente encore d’arracher à cette vie hors normes quelques bribes de normalité. Aucun n’est épargné. Tous se débattent avec cette tension continue entre abandonner et tenir bon. Lors d’une scène forte, une femme médecin rappelle à la mère qu’on ne mesure jamais le chemin accompli et qu’il est injuste de juger ceux qui, parfois, vacillent. Ce moment suspendu résume toute l’intelligence du film : ne jamais édulcorer, mais toujours comprendre.
La beauté de Qui brille au combat réside dans sa capacité à montrer les fêlures sans effacer la lumière. Dans cette famille rongée de l’intérieur, il y a aussi des élans de tendresse, des petites trahisons pour souffler, des silences lourds et des rires qui sauvent. La réalisatrice évite avec délicatesse l’écueil du film « sur » le handicap : elle signe plutôt une chronique de la survie affective, de l’amour inconditionnel, de ce lien unique qui nous relie à l’être humain.
Le jour où enfin un nom est posé sur la maladie, c’est tout un monde qui bascule. Non pas parce qu’un miracle se produit, mais parce qu’une forme de clarté se fait. Le diagnostic devient une permission : celle de vivre autrement, avec peut-être moins d’angoisse, moins d’errance.
Avec sa mise en scène sobre, son usage subtil de la musique signée Ozedenne et son atmosphère aquatique, Joséphine Japy impose une esthétique sensible, organique. Elle filme les corps, les regards, les débordements sans effets ni pathos. Le format 1.66 resserre les cadres, accentue la tension, tout en laissant la lumière filtrer. À 30 ans, elle révèle une voix singulière : pudique mais frontale, viscérale mais jamais écrasante. Une cinéaste à suivre, qui, comme Bertille, porte bien son nom : celle qui brille au combat.

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