En Compétition officielle au festival de Cannes, Nouvelle Vague signe le grand retour de Richard Linklater sur la Croisette. Avec humour et tendresse, le cinéaste américain revisite la genèse d’À Bout de Souffle et rend hommage à l’audace joyeuse de la Nouvelle Vague.
On entre dans Nouvelle Vague comme dans une joyeuse récréation de cinéma. Tout commence dans un joyeux chaos de tournage, idées à la minute, prises à refaire. Et très vite, la magie opère : Richard Linklater, avec son 33ᵉ long métrage, ne signe pas un biopic sur Godard ou un manuel de cinéma, mais une plongée vivante et euphorique dans les coulisses d’un moment-clé du 7ᵉ Art — la naissance d’À Bout de Souffle, en 1959, et avec lui, de la Nouvelle Vague.
À la manière de La Nuit Américaine de Truffaut, Nouvelle Vague brouille les frontières entre la reconstitution et le manifeste. Linklater fait revivre l’élan créatif de toute une génération – Godard, Truffaut, Chabrol, Seberg, Belmondo – comme une bande d’étudiants brillants et bordéliques, qui ont décidé de changer les règles du jeu sans rien demander à personne. Le ton est léger, souvent drôle, parfois tendre, et même si l’on connaît l’histoire, on se surprend à la redécouvrir avec l’enthousiasme d’un spectateur complice.
Guillaume Marbeck incarne un Godard encore timide, fébrile, mais déjà traversé par le feu sacré ; Zoey Deutch donne à Jean Seberg une modernité troublante, et Aubry Dullin campe un Belmondo plus vrai que nature, insolent et solaire. Les acteurs ne cherchent pas le mimétisme pur, mais la vibration. On les voit entrer peu à peu dans leurs rôles, comme si le film lui-même s’écrivait en avançant, dans une logique de cinéma en train de se faire — exactement comme le voulait cette génération.
Le film n’est jamais didactique, mais permet de comprendre, dans la joie, l’essence de cette Nouvelle Vague : moins de moyens, plus de liberté ; moins de studio, plus de rue ; moins de dialogues figés, plus de vérité. Linklater s’approprie lui-même les codes qu’il revisite : caméra à l’épaule, noir et blanc, montage heurté, ruptures de ton : autant d’échos esthétiques aux grands frères qu’il filme sans révérence, mais avec un amour profond.
Derrière la légèreté apparente, Nouvelle Vague raconte aussi les doutes, les tensions, les paris fous qu’implique toute création. L’une des plus belles scènes montre un Godard désabusé avouant à son producteur, Beauregard, qu’il n’aurait jamais pu faire ce film avec un autre que lui, un ami. Un hommage vibrant au rôle souvent invisible — mais essentiel — du producteur dans la fabrique du cinéma.
Linklater, fidèle à sa manière d’habiter le temps, propose un film de transmission, sans nostalgie figée. Son regard d’Américain sur cette Révolution française du cinéma est précis, généreux, presque amoureux. On rit, on apprend, on s’émerveille, et l’on ressort avec cette impression rare d’avoir mieux compris, non pas un mythe, mais un élan : celui d’une bande d’amis qui, sans le savoir, a redéfini pour toujours la manière de filmer.
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