Alors que le marché des glaces artisanales a bondi de 30 % en cinq ans, Aurélien Rivoire s’empare du sujet avec l’exigence qui le caractérise. À 37 ans, l’ancien chef pâtissier du Pavillon Ledoyen revisite avec Yannick Alléno le sundae vanille dans une version haute couture : glace minute, toppings maison, sucre remplacé par l’écorce de bouleau. Une révolution glacée, servie à -12 °C. Rencontre.
Désirée de Lamarzelle : Observez-vous une montée en gamme de la glace ?
Aurélien Rivoire : Clairement. Depuis douze ans, avec Yannick Alléno, nous avons structuré notre travail en “silos” : pâtisserie, glacerie, chocolaterie, confiserie. C’est notre manière d’aller au bout de chaque discipline. Aujourd’hui, après avoir beaucoup exploré le chocolat et la confiserie, nous développons la glace avec notre propre regard. Ce que je cherche avant tout, c’est l’émotion gustative. Une glace peut être magnifique si elle est servie à la bonne température – entre -11 °C et -13 °C. En dessous, elle est trop dure, et les saveurs s’expriment moins. C’est pourquoi j’ai installé une machine à glace directement sur le plan de travail de la boutique, pour offrir une texture et une température optimales, à l’instant.
Il y a donc une volonté de proposer une expérience plus instantanée ?
Absolument. Mais il y a aussi une vraie recherche autour de l’équilibre nutritionnel. Nous éliminons au maximum le sucre raffiné, en utilisant par exemple de l’extrait d’écorce de bouleau, qui n’a pas d’impact glycémique. Cela transforme la dégustation. On évite l’effet « soif » que provoquent souvent les glaces industrielles surdosées en sucre. L’idée, c’est de revenir à la matière brute, comme pour le chocolat ou les confiseries.
Pensez-vous que la glace est aujourd’hui un terrain d’expression créatif à part entière ?
Oui, et pas seulement pour l’aspect technique. En retirant le sucre, nous devons la penser comme un produit vivant, éphémère. Ce ne sont pas des glaces conçues pour être stockées longtemps à -18 °C. Elles sont gustativement équilibrées, pas techniquement stabilisées. On les associe à des toppings modernes : fruits secs sablés sans caramel, confits de fruits, sauces :un pilier de notre univers. C’est là que je combine mes savoir-faire.
Quelle est votre madeleine de Proust « glacée » ?
Rien d’extraordinaire : comme beaucoup, j’ai grandi avec des glaces industrielles. Mais la première claque gustative, c’était en stage dans une pâtisserie, quand j’ai vidé une turbine à glace. Une glace vanille, encore tiède. Sa texture, sa fraîcheur… rien ne rivalise avec ça. En tant que pâtissier de restaurant, j’ai aussi compris que la glace fondue sur une assiette pouvait devenir une sauce, un liant, une histoire.
Un projet glacé complètement fou ?
Je sers justement ce soir une création que j’ai baptisée Météorite. C’est une boule de sorbet yuzu parsemée de meringue au cacao, poudrée de charbon végétal, avec un cœur coulant au caramel dashi-yuzu. Un dessert à la fois rafraîchissant et intense, texturé et audacieux. Il sera servi au Pavillon Ledoyen, lors d’un événement privé organisé par l’agence Let’s by Thomas Alleno.
Comment aimeriez-vous que l’on perçoive la glace ?
Oui. J’aimerais qu’on pense la glace à l’instar de la ganache pour le chocolatier, c’est-à-dire non pas comme un simple appareil sucré, mais comme une sauce glacée. Si on assaisonne une base, qu’on l’équilibre, on crée autre chose. Une glace différente dès la recette, et donc dans l’expérience qu’elle offre.
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