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Art de vivre | Dis-moi comment tu manges et je te dirai qui tu es !

Baccarat © Yves Duronsoy

MUST READ | L’art de recevoir, l’art de se tenir, l’art de manger, l’art de vivre sont une science exacte ! Obéissant à des codifications héritées de la cour du Roi-Soleil, tout ce qui a trait à la gastronomie nourrit imaginaire et palais. Pour Winston Churchill, elle agit même comme « lubrifiant » à toutes négociations internationales délicates. Mais au fait, quel est le b.a.-ba des conventions pour briller en société ?

Recevoir est tout un art. « Donnez-moi de bons cuisiniers, et je vous donnerai de bons traités », plastronnait l’évêque ministre et diplomate Talleyrand au siècle des Lumières. Dans cet univers indéfiniment exploré, il y a une école française, une école britannique qui ne cessent d’alimenter les conversations et les règles de bienséance. Parce que manger est nécessité, plaisir, symbolique, stratégique, politique ou même pêché capital, cet acte est vecteur de mille et un messages. Entrepreneurs, stagiaires, émissaires, maîtresses de maison, épicuriens, voisins, prétendants… mieux vaut les maîtriser ! Pour bien se tenir, les guides de bonnes pratiques ne manquent pas au point, pour certains, de devenir best-seller. Le plus notoire est le petit précieux de la baronne Staffe baptisé Les Usages du monde, manuel de savoir-vivre paru en 1891 qui en est à sa 24ème réédition. « Le lecteur y trouvera autant un document essentiel sur la vie mondaine de la Belle Époque, ses codes stricts et ses règles de bon sens, qu’un rappel utile de quelques politesses apparemment surannées, mais toujours bonnes à entendre et à pratiquer », nous résume l’ouvrage en quatrième de couv.

 


Crache en te détournant et, si quelque saleté tombe par terre, écrase-la avec le pied afin qu’elle ne dégoûte personne !


 

130 ans plus tard, ce sujet est toujours au menu des discussions, inspirant même le monde académique à travers l’ouverture d’établissements dédiés comme « l’Ecole internationale du protocole et du savoir-vivre », l’EIPS, à Paris. Elle enseigne en quelques jours le b.a.-ba des conventions et l’art d’adapter son comportement à toute situation. Dans ses murs, il s’agit de vous initier à la ‘gastro-diplomatie’ en vue de rapprocher les points de vue lors de négociations délicates. Plusieurs formations sont ainsi dispensées par d’anciens chefs de protocole, ambassadeurs, stratèges en communication, conseillers pour les affaires internationales auprès de grands groupes, tous investis dans la mission de faire de vous un As des repas d’affaires et autres dîners mondains. Les cadres dirigeants et entrepreneurs sont légion à fréquenter ce cursus car l’enjeu, dans un monde globalisé, s’avère crucial pour grignoter des parts de marché.

 

« Se nourrir est un besoin, savoir manger est un art »

 

Au Japon, mieux vaut arriver dix minutes avant l’heure d’un repas d’affaires, et si vous croyez bien faire en vous présentant à l’horaire convenu, sacré méprise ! Votre hôte se sentira profondément insulté et coupera court aux festivités… avant même qu’elles n’aient commencé. En Arabie Saoudite, on déguste ses mets de la main droite, se saisit des récipients uniquement de la droite aussi, il est mal perçu de faire usage de la main gauche. Chez les Russes, tout négoce commencera par une collation de vodka et celui qui décline ce préalable suscitera méfiance. De fait, en MBA, on vous répète à l’envi que bien des contrats ont capoté en raison d’une méconnaissance de ces subtilités culino-culturelles. Nombre d’élèves intègrent donc de véritables ateliers pratiques en la matière.

« Se nourrir est un besoin, savoir manger est un art », énonçait François Rabelais. L’auteur de Pantagruel et Gargantua nous éclairait dès la Renaissance sur cette nuance de taille. A entendre Geneviève d’Angenstein, directrice de Business Étiquette Paris, cabinet de conseils et de formation sur le savoir vivre et consorts, Nadine de Rothschild et consorts, nous pouvons même aller jusqu’à dire que les bonnes manières ne sont pas des comportements naturels chez l’être humain, elles sont issues d’un apprentissage, d’un mimétisme social, d’une posture. Qu’il est loin le temps où le théologien Erasme recommandait dans son Traité de civilité puérile (1530), le premier manuel de savoir-vivre de l’époque moderne, de respecter ces fondamentaux : « Crache en te détournant et, si quelque saleté tombe par terre, écrase-la avec le pied afin qu’elle ne dégoûte personne » !

La France, bien avant le siècle des Lumières, affinera les usages et les convenances à la faveur du règne de Louis XIV. Roi gourmet, roi esthète, roi jouisseur, roi ambitieux, roi revanchard, le Roi Soleil a signé l’acte de naissance de l’art de vivre à la Française en ouvrant la voie à la sophistication. Versailles s’est imposé comme l’épicentre mondial des tendances et des codifications à table à travers le faste de ses fêtes et la vie de sa cour.

Le couple princier Joachim Charles Murat Napoléon et son épouse Yasmine Bikri Napoléon

 

Voilà donc des siècles que les élites se plaisent à perpétuer l’étiquette en vertu de la politesse et de la finesse. Mais aussi au nom d’un snobisme ou encore d’une réponse à la lutte des classes. Si d’aventure vous êtes conviés à faire bonne chère chez les aristos, conformez-vous aussi à certaines pratiques. Le prince Joachim Charles Napoléon Murat et son épouse Yasmine Briki Napoléon se sont prêtés au jeu des questions pour Forbes.

 


Alors « guindé » le savoir-vivre français ? Pas si sûr ! Des Etats-Unis à Istanbul en passant par Moscou et Johannesburg, les cours de bienséances à la française fleurissent. Cocorico !


 

« Il ne faut jamais dire ‘bon appétit’ avant un repas ! Cette gentille attention n’est pas polie car elle réduit les réjouissances à leur aspect purement physiologique, digestif. De même qu’elle met en doute les qualités culinaires des maîtres de maison. A la fin du repas, remerciez pour la compagnie et l’invitation, et non pour la nourriture. Bien sûr, il ne faut jamais saucer un plat avec les doigts ou parler en mangeant. Au besoin, il est indiqué de le faire en se couvrant la bouche avec une serviette. La serviette se pose sur les genoux, sans être complètement déployée. On la porte à sa bouche en tamponnant doucement, avec les deux mains l’une contre l’autre. À la fin du repas, on la pose à droite de l’assiette, sans la replier.», introduit le couple princier.

Pas de snobisme, mais une volonté d’honorer des valeurs louables gardiennes d’un étiquette française

A la question de savoir « comment survivre à des agapes officielles chez les têtes couronnées ? », l’arrière-arrière-petit-neveu de l’empereur Napoléon Ier et sa compagne nous expliquent qu’il est d’usage à table de « séparer les couples, sauf les jeunes mariés depuis un an et un jour. L’invité de marque est à la droite de la maîtresse de maison et son épouse à droite du maître de maison. Si l’hôte à l’honneur est un souverain, un prince, un ambassadeur ou un prêtre (dans les familles catholiques), on lui fait présider la table en face du maître de maison et il prend place à la droite de la personnalité la plus importante, tandis que la maîtresse de maison se positionne à sa gauche. ». En outre, il convient de régler son palais sur celui de la maîtresse de maison. C’est elle qui, à chaque plat, donne le signal de la première bouchée, c’est elle également qui se lèvera la première de table à la fin du repas.

Autant d’éléments indispensables à la réussite de toute première incursion chez les aristocrates. En cette précédente année de bicentenaire de leur illustre aïeul, l’empereur Napoléon Bonaparte, et de naissance de leur premier enfant, le couple apprécie encore plus de se plier aux règles de bienséance à table au nom de la transmission d’un certain héritage familial, et d’un savoir-vivre typiquement français. A leurs yeux, « la bienséance à table est primordiale et non négociable, elle est surtout le respect de l’autre ». N’y voyez pas de snobisme, mais principalement une volonté d’honorer des valeurs louables gardiennes d’un code français de la courtoisie à table.

Alors « guindé » le savoir-vivre français ? Pas si sûr ! Des Etats-Unis à Istanbul en passant par Moscou et Johannesburg, les cours de bienséances à la française fleurissent. Cocorico ! 

 


Pour aller plus loin, les règles de savoir-vivre et de savoir-être

Conversation :

  • Éviter l’expression « enchanté(e) »
    Les bonnes formules : « je suis ravi(e) de faire votre connaissance » ou « je suis enchanté(e) de…»
  • Ne pas parler de nourriture lors d’un repas « social », vous n’êtes pas là pour ‘manger’ mais pour avoir une conversation
  • Eviter les sujets de discussions trop polémiques, comme la politique, la religion, les impôts, afin de ne pas révéler trop ouvertement vos opinions
  • Ne pas « retenir » quelqu’un pendant trop longtemps, même si cette personne paraît vous écouter avec intérêt
  • Éviter les anglicismes
  • Adresser un SMS ou un courriel dans les 24 heures pour remercier vos hôtes (autrefois l’usage était d’attendre trois jours) 

 

A table !

  • Ne pas plier sa serviette en fin de repas, celle-ci doit être disposer en boule sur le côté droit de l’assiette
  • Ne pas croiser les jambes sous la table
  • Ne pas placer ses mains sous la table
  • Limitez-vous à deux fromages différents et, comble de l’impolitesse : en demander une seconde fois !

 

<<< À lire également : Petits et grands secrets autour du protocole et des chefs d’Etat >>>

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