Un article écrit par Tricia Miller, Chief Procurement Evangelist chez Coupa Software
C’est tout le paradoxe de l’incertitude dans l’économie actuelle : elle agit dans les deux sens. Se préparer uniquement au pire, c’est s’exposer au risque de ne pas savoir capter les opportunités. Un exemple frappant est arrivé le mois dernier, quand Taylor Swift a annoncé ses fiançailles. À première vue, rien de plus anodin qu’un titre “people”. En réalité, il s’agit d’un véritable cygne noir, un événement culturel rare, capable de déclencher des milliards de dépenses spontanées, de chambouler les prévisions et de remodeler les flux commerciaux en temps réel. Un véritable rappel aux entreprises : la culture dépasse le marketing, elle pèse désormais comme une monnaie.
Quand la culture bouscule les marchés
Taylor Swift a déjà prouvé sa puissance économique. Sa tournée Eras Tour a généré à elle seule près de 5 milliards de dollars aux États-Unis (1), dopant l’hôtellerie, le commerce de détail, les recettes fiscales… et même le marché immobilier local, porté par l’afflux de fans. Sa relation avec Travis Kelce, star de la NFL, a attiré un public féminin record vers le football américain, au point de modifier les stratégies de sponsoring et la trajectoire de croissance de la ligue.
Ses fiançailles ont aussitôt fait vibrer les marchés. L’action Signet Jewelers a grimpé de 4,6 % dans les jours qui ont suivi. Ralph Lauren a écoulé en quelques heures la robe à 425 $ portée par la chanteuse. American Eagle a vu son titre bondir de 8,6 % (2) après avoir annoncé une collaboration avec Kelce. En quelques instants, des milliards de dollars ont changé de mains.
La leçon est limpide ; dans une économie hyper connectée, les comportements des consommateurs peuvent basculer du jour au lendemain, déclenchés par des signaux que les modèles de risque classiques ne détectent pas. Ce qui ressemble à un simple moment anodin d’une célébrité peut très vite devenir un phénomène macroéconomique. Pour les CFO, ignorer ces signaux revient à passer à côté des risques… mais aussi des opportunités.
Le vrai danger ? Ne pas être prêt au succès
La théorie du cygne noir, popularisée par Nassim Nicholas Taleb, est souvent associée aux crises, comme la chute de Lehman Brothers, la crise financière de 2008 ou encore la Covid-19, mais par définition, un cygne noir n’est pas forcément négatif ; il s’agit d’un événement rare, imprévisible et à fort impact, qui peut être aussi positif que destructeur, une sorte d’arme à double tranchant. Prenons l’exemple de Pop Mart, la société chinoise derrière la poupée « Labubu ». En 2023, la demande mondiale a explosé presque du jour au lendemain, propulsant la marque vers des revenus record, tout en saturant ses supply chains et en provoquant des pénuries en Asie. Ce n’était pas un simple effet de mode, mais la preuve qu’une frénésie culturelle peut être aussi déstabilisante et rentable, qu’une crise traditionnelle.
Depuis toujours, les CFO sont formés à jouer en défense, budgétiser, prévoir, réduire les risques, mais quand la croissance peut jaillir aussi soudainement qu’un effondrement, la résilience doit aller au-delà de la protection. Elle doit aussi rimer avec réactivité afin de saisir les opportunités. Se préparer à l’inattendu, c’est développer trois capacités essentielles : détecter les signaux de demande dès leur apparition ; réallouer rapidement les ressources ; et distinguer le bruit des vrais signaux, pour transformer les occasions éphémères en avantage. En clair, les CFO doivent équilibrer leur instinct de prudence par un opportunisme cultivé. Se prémunir contre les crises reste essentiel, mais il l’est tout autant d’être prêt à surfer sur la vague quand la culture déclenche un raz de marée économique.
La résilience de demain : saisir l’opportunité, pas seulement survivre
La résilience bâtie pendant le COVID-19 est mise à l’épreuve par la volatilité culturelle. Les supply chains ne doivent plus seulement encaisser les chocs négatifs, mais aussi être capables de répondre aux emballements positifs. Si un moment viral peut faire exploser la demande du jour au lendemain, la résilience se mesure autant dans la capacité à prévenir les pénuries que dans l’art de transformer l’imprévu en croissance.
Imaginez deux entreprises dans le même secteur face au prochain raz de marée culturel. L’une est prise de court, incapable d’augmenter sa production, et perd des parts de marché. L’autre détecte le signal en amont, mobilise vite ses ressources et transforme une tendance passagère en avantage durable. La différence ? La préparation, pas la chance.
Les fiançailles de Taylor Swift n’apparaîtront peut-être pas dans les modèles financiers. Mais elles doivent figurer sur le radar des entreprises. Car la frontière entre culture et commerce mondial a pratiquement disparu. Dans l’économie actuelle, un titre “people” peut devenir un événement financier. Pour les entreprises, le plus grand risque n’est plus seulement l’échec. C’est d’être pris au dépourvu quand le succès frappe. La prochaine vague culturelle pourrait consacrer le leader du marché de demain. La question est simple : qui sera prêt à la saisir ?
Sources :
(1) Swiftonomics : l’influence économique de Taylor Swift
(2) American Eagle : l’annonce d’un partenariat avec le fiancé de Taylor Swift provoque une éphémère flambée boursière
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