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Sauver Liberbank, Une Mission Du Capitalisme De Copinage

Le système bancaire espagnol est en pleine déconfiture. Va-t-on vers une nouvelle crise bancaire et financière européenne ou les autorités vont-elles circonscrire l’incendie ?

Lundi 12 juin, le gendarme des marchés espagnol CNMV (équivalent de notre AMF française) a interdit pour un mois les ventes à découvert sur les actions de la banque Liberbank.

La vente à découvert (VAD) permet aux investisseurs de parier sur la baisse d’un titre.

Avec le retrait de la cote de Banco Popular, rachetée par Santander, des investisseurs spéculaient sur la reprise d’une crise bancaire en Espagne et les répercussions boursières sur les titres d’une autre banque plus petite, Liberbank, zombie issue du sauvetage de quelques cajas (caisses d’épargne) lors de la crise de la dette en euro de 2011.

Effectivement, après des séances de baisses répétées, le titre Liberbank a dégringolé à 0,55 € dans la journée de vendredi.

La négation de la démocratie du marché

L’Autorité européenne des marchés financiers a justifié l’interdiction de la CNMV car elle craignait « un effet de domino d’une ampleur potentiellement systémique ». Bien sûr, une contagion aux banques les moins solides, une crise systémique en jargon bureaucratique, c’est exactement ce sur quoi spéculaient les vendeurs.

C’est une « simple mesure de prévention pour éviter de voir la petite banque prise dans une spirale irrationnelle qui puisse entraîner une fuite des dépôts, et pour la protéger d’éventuelles anomalies dans les réactions des marchés » lit-on à ce propos dans Les Echos. Le quotidien économique établit que les autorités de marchés sont faites pour protéger l’industrie bancaire…

 

Banco Popular cours valeur Liberbank

source : bloomberg.com

Il faut protéger une pauvre petite banque du vilain méchant marché irrationnel. Les autorités se permettent donc de juger du comportement des investisseurs méfiants. Une méfiance parfaitement justifiée car les actionnaires de Banco Popular ont tout perdu s’ils sont restés jusqu’au bout de l’aventure, la banque ayant été rachetée pour 1 € symbolique.

 

Rappelons que M. Le Marché n’est autre qu’une foule d’acheteurs et de vendeurs contractant librement et n’a rien d’un tueur psychopathe. M. Le Marché est en réalité la démocratie à l’œuvre pour la formation des prix. A condition que les dés ne soient pas pipés, bien sûr.

D’après le quotidien économique espagnol « Expansion », de gros déposants initiés tels que l’Administration de la sécurité sociale espagnole, des administrations régionales et de grandes entreprises publiques auraient fui le navire en détresse Banco Popular bien avant qu’il ne sombre bel et bien dans l’abysse. Si cette information se confirme, ne pourrait-on pas parler de délit d’initiés ? Ce délit que les autorités de marchés sont censées surveiller et réprimer… Les Echos ont raison : les autorités protègent bien l’industrie bancaire, les pouvoirs publics et le capitalisme d’État mais pas les investisseurs honnêtes des délits d’initiés des filous.  

Ce capitalisme de copinage tel que nous le connaissons nie donc la démocratie du marché. La liberté des investisseurs est entravée au profit de banques et de bureaucrates.

Peu de temps après l’interdiction de vente à découvert de la CNMV, le cours de Liberbank est remonté. La presse espagnole parle même de « résurrection instantanée » : le titre prenait +61% entre le plus bas de vendredi et le plus haut de lundi.

Mission accomplie pour le capitalisme de copinage.

Liberbank peut désormais être qualifiée de banque « trop petite pour faire faillite », grâce à l’intervention d’autorités supérieures mieux à même de savoir ce qui est viable qu’une foule d’acheteurs et de vendeurs.

Pourtant, crises et faillites ne sont-elles pas inhérentes à un capitalisme sain ?

Capitalisme sain versus capitalisme de copinage

Le capitalisme sain est à l’image de la nature. Les créatures non viables disparaissent. Sans pluie, la plante se dessèchera ou s’adaptera. Cette sélection est vitale pour un plus grand ensemble, pour la survie des espèces.

Le capitalisme sain rejoint cette logique : les entreprises doivent pouvoir évoluer dans un environnement où la concurrence est présente, où les investisseurs sont libres, où les acheteurs sont libres d’acheter, où les vendeurs sont libres de vendre et où les prix résultent d’une confrontation paisible entre eux. Ils peuvent se tromper, les crises surviennent, les faillites d’entreprises aussi. Il n’y a aucune raison pour que l’industrie bancaire échappe à cette logique.

Le capitalisme de copinage, lui, tend à être décorrélé de ces réalités. Mais le capitalisme sans la faillite est comme le communisme sans le goulag : un système incohérent qui ne peut survivre. Le capitalisme de copinage favorise les zoos peuplés de zombies.

Dans ce système, ce seront toujours les épargnants et les contribuables qui perdront leurs plumes.

Lorsqu’une banque est en danger, la réaction naturelle des déposants est de retirer leur fonds. Quand le phénomène s’amplifie, la banque doit pouvoir faire faillite. Si les actionnaires d’une banque vendent leurs actions, c’est qu’ils savent qu’elle n’est pas viable et c’est une alarme pour les déposants.

Vouloir prolonger ce système bancaire corrompu à coups de milliers de milliards d’euro surgis du néant et de taux zéro est une insulte aux épargnants, aux déposants et aux contribuables.

 

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