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Pourquoi l’or distance le bitcoin cette année

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Symbole Bitcoin composé de lingots d'or. Getty Images
Pour l’heure, l’or mène la danse. Mais si l’on en croit les performances passées du bitcoin et certaines tendances saisonnières, la course est loin d’être terminée, et les deux actifs ne jouent sans doute pas dans la même catégorie.

Les adeptes du bitcoin manifestent rarement de l’attrait pour le charme un peu désuet de l’or. Et pour cause : ces cinq dernières années, leur cryptomonnaie fétiche a surpassé l’or à neuf reprises, bondissant de près de 1 000 % quand le métal précieux se contentait tout juste de doubler.

Cette année, pourtant, le vent tourne. L’or s’envole de 45 % depuis janvier, tandis que le bitcoin ne progresse que d’environ 20 %. Un écart suffisant pour réveiller une pointe de jalousie chez les crypto-enthousiastes, qui s’interrogent : leur « or numérique » aurait-il perdu de son éclat ?

En 2025, le métal précieux profite d’un regain d’intérêt des banques centrales et des fonds de pension, inquiets face à l’inflation, aux déficits et aux tensions géopolitiques. Ces investisseurs institutionnels se replient sur une valeur refuge éprouvée. Le bitcoin, lui, ne démérite pas — mais il évolue de plus en plus comme une action technologique, rendant la comparaison avec l’or bancale. Reste que les mois traditionnellement favorables au bitcoin approchent : l’avantage de l’or pourrait donc n’être que temporaire.

Le parallèle entre le bitcoin et l’or dépasse aujourd’hui la simple comparaison d’investisseurs curieux. Les deux partagent des traits essentiels : une rareté absolue, une immunité face aux planches à billets des banques centrales, et un attrait certain pour ceux qui estiment que les jours de la monnaie fiduciaire (celle émise par les gouvernements) sont comptés.


Cette comparaison séduit les investisseurs, non parce qu’elle serait parfaite, mais parce qu’elle leur offre un repère. Elle sert de bouée mentale, un moyen d’ancrer la monnaie numérique dans quelque chose d’ancien, de tangible.

Ce parallèle a d’ailleurs nourri les premiers évangélistes du bitcoin, comme Trace Mayer, passionné d’or avant de se convertir à la rareté numérique, qu’il voyait comme une nouvelle frontière monétaire. Même le mystérieux créateur du bitcoin, Satoshi Nakamoto, a cultivé ce lien symbolique : il aurait associé sa date d’anniversaire en ligne au décret 6102, signé en 1933 par Franklin D. Roosevelt pour interdire la détention d’or, ainsi qu’à son abrogation par Gerald Ford en 1975.

Pour ces pionniers, l’or reste la référence naturelle du bitcoin. Mais attention à ne pas confondre affinité philosophique et réalité de marché : les investisseurs, eux, ne s’embarrassent pas de symboles. Le bitcoin se comporte aujourd’hui comme une action technologique (à l’image de Tesla) quand l’or conserve son rôle de valeur refuge.

Cette divergence se lit dans leurs trajectoires. Né en 2009 et échangé à ses débuts pour quelques centimes, le bitcoin a dépassé la barre des 100 000 dollars, porté par un mélange d’enthousiasme technologique et de confiance dans sa promesse de valeur. L’or, lui, avance au pas, progressant lentement depuis son sommet de 2012 autour de 1 800 dollars, avant de doubler de valeur ces deux dernières années.

Ed Egilinsky, responsable des investissements alternatifs chez le fournisseur d’ETF Direxion, ne mâche pas ses mots : « Le bitcoin est un pari risqué, jusqu’à preuve du contraire. » Et pour lui, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le Daily Gold Miners Index Bull 2X Shares, un produit de sa société qui gère près d’un milliard de dollars d’actifs, a bondi de plus de 300 % cette année, porté par l’engouement pour l’or en tant que valeur refuge. (Ces ETF à effet de levier sont conçus pour un trading actif à court terme et nécessitent une surveillance quotidienne.)

Pour Egilinsky, l’or reste avant tout un outil de diversification, capable de jouer ponctuellement le rôle de couverture. Le bitcoin, en revanche, demeure selon lui un instrument spéculatif, davantage qu’une valeur refuge capable de résister aux crises ; une distinction que confirment les données de marché.

Depuis 2017, le bitcoin évolue bien plus en phase avec le Nasdaq 100, l’indice phare des valeurs technologiques, affichant une corrélation moyenne sur 30 jours de 0,32, contre seulement 0,09 avec l’or. La corrélation mesure la façon dont deux actifs bougent ensemble : plus elle se rapproche de 1,0, plus le lien est fort. En clair, le bitcoin bat au rythme de la Silicon Valley, pas de Fort Knox. Il s’envole avec les valeurs de croissance et trébuche quand l’appétit pour le risque retombe, tandis que l’or, lui, brille surtout lorsque le monde vacille.

 

La corrélation sur 30 jours du Bitcoin avec le Nasdaq 100 est plus forte que sa corrélation avec l’or

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Une corrélation de 1 signifie que les deux actifs évoluent en parfaite synchronisation. Une corrélation de -1 signifie qu’ils évoluent dans des directions opposées. Source : FactSet

 

C’est ce climat d’incertitude mondiale et la faiblesse persistante du dollar qui poussent aujourd’hui les banques centralesà se ruer sur l’or. Selon le Financial Times, leurs réserves combinées de métal jaune sont sur le point de dépasser leurs avoirs en bons du Trésor américain ; une première depuis le milieu des années 1990.

Pour Lawrence Lepard, fondateur d’Equity Management Associates, cette ruée n’a rien d’étonnant. Il y voit les prémices d’un « boom de la crise », une notion issue de l’école économique autrichienne : lorsque les banques centrales font tourner la planche à billets, les investisseurs se réfugient naturellement dans les actifs tangibles. Dans son ouvrage The Big Print, Lepard décrit comment, dans ces phases de défiance, l’or capte les premiers flux, soutenu par les fonds de pension et les banques centrales, tandis que le bitcoin, encore perçu comme un actif non conventionnel, reste à la marge.

Un rapport publié en 2025 par Henley & Partners, cabinet de conseil en migration d’investissement basé à Londres, estime à 295 millions le nombre de détenteurs de bitcoins dans le monde. Un chiffre impressionnant… jusqu’à ce qu’on le compare à l’enquête 2025 du World Gold Council, selon laquelle 81 % des Chinois possèdent des bijoux en or. Autrement dit, il y aurait potentiellement plus de détenteurs d’or en Chine seule que d’utilisateurs de bitcoin sur la planète. Avec sa liquidité et un cadre réglementaire stable, l’or reste donc la valeur refuge privilégiée des institutionsqui sentent venir la tempête. Le bitcoin, lui, évolue encore dans une zone grise réglementaire et reste plus volatil : il bouge moins souvent, mais plus fort.

Lepard, lui, refuse de choisir. Son fonds EMA GARP, qui gère 150 millions de dollars d’actifs, mise sur les deux actifscomme autant de paris contre un système fiduciaire à bout de souffle. En hausse de 56 % au premier semestre 2025, le fonds détient à la fois des sociétés minières de métaux précieux et du bitcoin. Quant aux critiques qui se plaignent du « retard » de la cryptomonnaie, Lepard les balaie d’un rire : « Les gars, vous vous rendez compte qu’on a pris 80 % sur un an ? Ce n’est pas si mal, non ? »

 

Alors, que peuvent retenir les investisseurs ?

L’or et le bitcoin partagent un même esprit rebelle, mais ils restent très différents. L’or est le vétéran chevronné, stable quand les marchés vacillent ; le bitcoin est le nouveau venu impétueux, étroitement lié à une technologie volatile. Du moins pour l’instant.

Cette année, l’or mène la course, mais sur le long terme, le bitcoin reste largement en tête. Même en 2025, il surperforme le Nasdaq, son indice de référence le plus pertinent, de plus de 6 %. Et l’histoire suggère que la partie n’est pas terminée : depuis 2013, septembre a été le pire mois pour le bitcoin, avec une baisse moyenne de 3 %, tandis qu’octobre et novembre enregistrent des hausses moyennes de 22 % et 46 %, selon Coinglass.

Si cette tendance se confirme, le bitcoin pourrait rattraper, voire dépasser, l’or d’ici Thanksgiving, séduisant un nombre croissant d’investisseurs qui avaient jusque-là préféré le métal précieux.

 

Un article de Brandon Kochkodin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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