Les investissements battent leur plein, mais le capital ne suffit plus à faire la différence. Alors que les valorisations s’envolent et que les différences entre acteurs s’estompent, les investisseurs en capital-risque spécialisés dans l’IA se retrouvent à la croisée des chemins. Faut-il acheter, construire ou s’allier pour garder une longueur d’avance ? Tour d’horizon des stratégies possibles et des pièges à éviter pour ne pas perdre sa position.
Voie 1 : Acheter (acquérir pour accélérer)
Question clé : « Votre fonds a-t-il besoin d’une mise à l’échelle immédiate ou de propriété intellectuelle (PI) ? »
- Pourquoi cela fonctionne : Acquérir un fournisseur d’IA mature permet une entrée rapide sur le marché, élimine des concurrents et sécurise les talents/la PI. Par exemple, l’acquisition de Tableau par Salesforce pour 15,7 milliards de dollars ne concernait pas uniquement la business intelligence ; c’était une porte d’entrée pour dominer l’analytique pilotée par l’IA dans le marché de la transformation numérique estimé à 1 800 milliards de dollars.
- Compatibilité stratégique : Idéal pour les fonds disposant de liquidités (« dry powder ») et cherchant à combler des lacunes technologiques dans leur portefeuille. L’exemple de l’acquisition de Nuance par Microsoft pour 19,7 milliards de dollars illustre comment les fonds bien capitalisés peuvent acheter au lieu de construire pour combler leurs lacunes technologiques. Microsoft, ayant besoin de capacités en IA pour la santé, a utilisé ses réserves de trésorerie pour acquérir 80 % du marché de la reconnaissance vocale pour le secteur médical en une nuit ; un exemple classique d’acquisition stratégique pour combler une faiblesse du portefeuille.
- Alerte au risque : Payer trop cher pour du battage médiatique ou subir des conflits culturels après l’acquisition.
Voie 2 : Construire (parier sur l’innovation interne)
Question clé : « Disposez-vous de données ou de talents uniques à exploiter ? »
- Pourquoi cela fonctionne : Construire en interne vous permet de contrôler totalement la feuille de route. Par exemple, Andreessen Horowitz soutient le laboratoire indépendant d’IA Thinking Machines, valorisé à 10 milliards de dollars. Ce modèle fonctionne particulièrement bien avec des ensembles de données propriétaires ou des équipes techniques d’élite dans une start-up émergente (comme ici avec Mira Murati).
- Compatibilité stratégique : Idéal pour les fonds ayant une expertise sectorielle approfondie et des horizons d’investissement à long terme. Cette approche convient particulièrement aux industries réglementées où la conformité et la sécurité des données priment sur la rapidité. Par exemple, Epic Systems, le leader des dossiers médicaux électroniques valorisé à 4,5 milliards de dollars, a choisi de développer ses outils d’IA en interne plutôt que d’acquérir des solutions externes. Leur délai de développement de 3 à 5 ans reflète l’importance qu’ils accordent à la sécurité des données de niveau hospitalier, conforme à la réglementation HIPAA, au sein de leur écosystème fermé.
- Alerte au risque : Les cycles de développement peuvent être en retard par rapport aux évolutions du marché (par exemple, l’IA générative dépassant les anciens outils de machine learning).
Voie 3 : S’associer (privilégier l’alliance à la propriété)
Question clé : « Pouvez-vous partager les risques tout en profitant des avantages ? »
- Pourquoi cela fonctionne : Les partenariats réduisent les coûts et accélèrent la mise à l’échelle. Les alliances autour de CUDA chez NVIDIA montrent comment les écosystèmes partagés créent un levier mutuel : les start-ups obtiennent les outils nécessaires, NVIDIA sécurise la demande en puces. Idéal lorsque l’entrée en solo sur un marché est trop coûteuse ou trop complexe.
- Compatibilité stratégique : Parfait pour les secteurs réglementés (fintech, santé) ou à forte intensité capitalistique. Les partenariats bancaires de Plaid ont permis d’éviter des années de démarches de licences ; le R&D de 20 milliards de dollars de TSMC pour les puces a été partagé avec Apple/NVIDIA. Les partenaires fournissent ce qu’il est difficile d’acheter ou de construire seul.
- Alerte au risque : Risques liés aux incitations mal alignées ou à la dépendance vis-à-vis de la feuille de route du partenaire (par exemple, les liens fluctuants entre OpenAI et Microsoft).
L’Avantage Stratégique
La ruée vers l’or de l’IA récompense la vitesse, mais pas l’imprudence. Acheter permet de passer à l’échelle, construire permet de se différencier, et s’associer permet de limiter les risques.
Pour les investisseurs, le pire choix n’est pas de se tromper de voie, mais de rester immobile pendant que les autres avancent. Comme l’a si bien dit Peter Thiel : « La concurrence, c’est pour les perdants. » Dans l’univers de l’investissement en IA, cela revient à choisir sa stratégie, et à l’assumer pleinement.
Une contribution de Sahar Hashmi pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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